BENIE SOIT L' ARMEE !

Publié le par shlomo

Bénie soit l’armée !

Le canon tonne. L'armée libanaise traque les Palestiniens du groupe Fatah-Al Islam. C’est du moins la raison invoquée par les médias et le gouvernement. Dans un avenir proche, on demandera comment un « groupuscule » a pu tenir en échec des forces supérieures en nombre.

Et si le temps n’est pas trop compté dans ce Moyen Orient explosif, on demandera comment un groupe a pu, sans aide extérieure, se procurer un tel armement au sein de camp de réfugiés qui ressemblent à s’y méprendre à n’importe quel autre quartier pauvre du Caire ou de Bagdad.

On demandera aussi comment ces armes ont pu passer au travers des frontières puisque aussi bien le gouvernement libanais que la Finul sont là pour contrôler les trafics d’armes et désarmer les milices.

Bien entendu, les experts expliqueront que ces camps palestiniens sont au-delà de la frontière du Litani et qu’ils ne sont pas dans la zone d’intervention de la FINUL. Et que les zones se définissent au millimètre. Le Liban est grand comme deux départements français et morcelé en multiples territoires depuis longtemps indépendants.

Ici, la culture d’un certain libanais rouge ou blanc qui se fume et qui fait la fortune de certains chefs de guerre dont certains siègent au gouvernement. Là, les cépages de ce fameux vin libanais, le Château Kefraya, produit dans la vallée de la Beeka, à côté de camps d'entraînement pour terroristes de tous pays.

Au milieu de tout cela, plusieurs camps palestiniens dont certains de plus de 40.000 personnes et, couvrant le tout, le Hezbollah qui recrute tantôt l’un, tantôt l’autre, en échange de quelques dollars, d’une aide médicale ou alimentaire.

Sur certaines collines, les villas somptueuses de riches Koweitiens ou Saoudiens rivalisent d’arrogance. Ces demeures sont, il faut le dire, situées à proximité de la frontière israélienne. Leurs propriétaires pensent, à juste titre, qu’Israël est un bien meilleur gardien que l’armée libanaise, infiltrée, corrompue et surtout désarmée il y a encore peu de temps.

Lorsque le canon aura fini de tonner, les équipes médicales pourront entrer dans le camp bombardé. Les journalistes aussi. Et nous aurons peut-être droit à la vérité, toute la vérité.

Combien de morts, réellement ? Non ces morts arrangés et mis en scène à Cana cet été. Mais ceux causés par les bombardements d’une armée libanaise en pleine recherche d’autorité. Selon des médecins, joints au téléphone par l'AFP, les corps jonchent les rues du camp : "Il y a des civils tués et de nombreux blessés dans les rues", a ajouté pour sa part le docteur Youssef al-Assaad, responsable local du Croissant rouge palestinien.

Des volutes épaisses de fumée noire s'élèvent en de nombreux endroits du camp, qui abrite environ 30.000 réfugiés à une dizaine de km au nord de Tripoli. Nombre de bâtiments situés dans sa périphérie sont en ruines, détruits à mesure que l'armée resserre son étau sur le camp où le Fatah al-Islam s'était installé fin 2006.

Et l’on vient des environs pour contempler le spectacle. Les Libanais, décidément rétifs aux programmes de la télévision Al Manar, viennent se distraire.

"Bénie soit l'armée", s'écrie un Libanais sous les applaudissements, parmi les dizaines de badauds rassemblés derrière les rangs de militaires groupés à l'entrée du camp, qui suivent de loin la situation.

"Que l'armée en finisse avec ces extrémistes qui font du mal à notre pays", renchérit un autre. "Ces gens ne sont pas des résistants. Ils n'ont d'autre cause que celle du terrorisme".

Aux Nations Unies, on commence à évoquer une grave crise humanitaire. Une trêve est réclamée, pour l’instant sans grand succès.

Dans les pays arabes, on assiste aux ballets des vierges, chacun n’ayant pas de mots assez forts pour regretter officiellement ces combats fratricides.

Le gouvernement saoudien a déploré les combats meurtriers autour du camp palestinien de Nahr al-Bared au Liban nord et appelé à préserver la sécurité du Liban.

Au Koweït, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a exprimé sa "profonde consternation" pour ces combats et s'en est pris au Fatah al-Islam, qualifiant ses actes d'"irresponsables".

Mais personne n’avouera que les réfugiés palestiniens, longtemps utilisés par les pays arabes comme pare-feu contre leur contestation intérieure, ont fini par lasser.

Depuis que Yasser Arafat a pris fait et cause pour Saddam Hussein en 91, il ne fait plus bon plaider la cause palestinienne dans ces capitales.

Le Liban est désormais un pays où l’on peut crier « Bénie soit l’armée » alors que celle-ci est en train de massacrer des civils palestiniens à l’arme lourde.

Et le chaos grignote insensiblement le pays. Aux actes d’agression, on réplique désormais de la même manière. Suite à l’explosion dimanche soir d’une bombe dans un quartier chrétien, c’est aujourd’hui un quartier huppé musulman de Beyrouth qui est visé. Une forte explosion a été entendue ce soir.

En Israël, lorsque des missiles guidés percutent les voitures de responsables fanatisés, personne ne va bénir Tsahal. C'est juste un cas de force majeure. Ce n'est en tout cas pas un spectacle.

En Israël, les autorités qui sont soupçonnés d'avoir tué trop de civils dans une guerre subissent les pressions de la rue (150 000 personnes) et passent devant une commission*.

A ceux qui ne comprennent pas la différence...

© Primo, 21 mai 2007

* Commission Winograd

Publié dans MONDE ARABO-MUSULMAN

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