LE LIBAN DEPUIS LONGTEMPS

Publié le par shlomo


C’était il y a peu de jours, le 6 juin, précisément : Sultan Aboul-Aynaïn, l’un des responsables du Fatah au Liban pérorait : Le Fatah el-Islam est en « phase terminale ».

Diagnostic imbécile !

12 juin: six jours ont passé et les morts se multiplient. Deux membres de la Croix-Rouge locale et quatre militaires libanais ont été tués dans des affrontements entre l'armée et ce que les médias disaient être il y a 3 semaines, un « groupuscule terroriste ».

La situation est trop grave pour prêter à digressions, mais imaginons un dixième de seconde que les 136 morts des trois semaines dernières se soient produites quelques kilomètres plus au sud. Imaginons un dixième de seconde que ces 136 morts des trois semaines dernières aient été tués par des balles israéliennes.

Il aurait suffi de trois JOURS pour que l’opinion mondiale se mobilise et que les pacifistes de tous les pays, en se tenant la main, obtiennent de leurs dirigeants des mesures immédiates pour faire cesser le génocide.

Pauvres Libanais! Ils ne sont victimes que d’un groupuscule palestinien!

3 semaines pour venir à bout d’un groupuscule, c’est quand même un peu long... Et certains Libanais penchent de plus en plus pour la manière forte.

Tirs d'artillerie, de chars et de mitrailleuses ont visé le camp de Nahr el-Bared. Au moins 136 morts, dont 60 soldats, en trois semaines de combats. Onze soldats ont été tués et une centaine d'autres blessés au cours du seul week-end dernier.

Il faudra un jour expliquer aux Libanais ainsi qu’à l’opinion publique internationale comment un groupuscule peut, sans être approvisionné en armes, tenir tête à une armée régulière. Les regards se tournent vers la Syrie et la frontière-passoire qui rend, il faut le dire, de fieffés services également au Hezbollah.

Les experts des Nations Unies dépêchés au Liban doivent proposer des mécanismes susceptibles de sécuriser cette fameuse frontière si poreuse.

L’une des solutions qui serait proposée porte sur le déploiement de la FINUL sur la frontière libano-syrienne. Jusque là, l’assistance se limitait à l’appui technique de l’armée libanaise et à faire taire les velléités de surveillance israélienne. Mais les derniers évènements, notamment à Nahr El-Bared, poussent la communauté internationale à trouver des solutions radicales, dont le déploiement des forces multinationales.

Chacun sait sans vouloir l’avouer que redéployer la FINUL à la frontière entre le Liban et la Syrie serait aussi efficace que de donner un couteau à une poule.

Depuis quelques jours, les forces de sécurité libanaises ont arrêté quatre personnes soupçonnées d'appartenir à un groupe d'activistes islamistes. Ces interpellations entrent dans le cadre d'opérations lancées dans la vallée de la Bekaa après l'arrestation, la semaine dernière, de trois membres présumés d'Al Qaïda trouvés en possession d'armes et d'explosifs.

"Au cours leur interrogatoire, certains membres du Fatah Al-Islam ont avoué que l'un des principaux buts de leur groupe était de s'attaquer militairement à la Finul opérant au Liban sud", a-t-on ajouté de même source. La plupart des combattants islamistes, des Libanais, des Syriens, des Saoudiens et des Palestiniens, ont été arrêtés lors de raids des forces de sécurité après le début des combats, le 20 mai.

Sitôt en possession de ces informations, le niveau d'alerte de BELUFIL (le bataillon belgo-luxembourgeois de la Force intérimaire) "a été accru, comme celui de toute la FINUL, passant de vert à jaune", a indiqué un porte-parole militaire à l'agence BELGA.

Ce qui est savoureux, c’est que ce renforcement du degré d'alerte entraîne notamment la suppression des mouvements "non nécessaires" (sic) en dehors des cantonnements de la FINUL. Voici donc la FINUL bloquée dans ses positions, se terrant devant la terreur.

Et c’est à ces troupes que l’on voudrait faire contrôler une frontière et la plaine de la Bekaa qui compte le plus de camps d’entraînement au mètre carré, et ce depuis la fin des années soixante?

Tout ce qu’il y a de plus violent et déstabilisateur est passé par la plaine de la Bekaa. Et ce n’était pas pour y faire du shopping. Brigades Rouges, Bande à Baader, IRA, tous ces groupes ont bénéficié depuis plus de 40 ans de la mansuétude croisée des régimes libanais et syrien.

Ce n’est donc pas la peine maintenant de venir jouer les vierges offensées en hurlant à l’atteinte à la souveraineté.

Les Libanais sont de moins en moins dupes de ces collusions multipliées et anciennes avec ceux qui veulent détruire leur pays. Et la demande d’une punition se fait pressante : l’éradication intégrale du Fateh el-Islam ne doit souffrir aucune nuance, ne doit faire l’objet d’aucune réserve, d’aucune concession, affirme Issa GORAIEB, dans l’Orient-Le Jour, premier quotidien libanais.

Ce quotidien pose depuis quelques jours, des questions importantes au gouvernement Siniora. Pourquoi des dizaines d’égorgeurs de militaires libanais ont-il été remis en liberté en 2005 ? Pourquoi le Liban a-t-il financé des mouvements qui maintenant ne jurent que par sa destruction, confirmant, ce faisant, que le Hezbollah n’était pas seul responsable de la détérioration du climat au pays du Cèdre ?

Orient compliquée contre idées simples. Ce n’est pas en jouant avec le feu que l’on simplifiera la situation.

Certes, tout n’est pas noir ou blanc. Mais la recherche de la nuance est ici plus qu’ailleurs révélatrice d’un manque de courage et d’honnêteté des dirigeants libanais.

Et il serait idiot d’exonérer Rafic Hariri, le généreux ami de Chirac, de toute responsabilité dans cette gabegie sous prétexte qu’il a été assassiné. La mort n’affranchit pas de tout. Ce serait trop simple.

La violence ne s’installe pas au Liban. Elle y est présente depuis trop longtemps. Des traditions, des haines et de simples coutumes ont transformé ce pays en zone de non-droit.

On ne revient pas facilement sur de tels errements.

La question est de savoir maintenant si le Liban a les moyens humains et matériels d’être autre chose qu’un protectorat dont les puissances « amies » ou occupantes se confieront la gestion au gré d’alliances aux intérêts bien supérieurs.

Pierre Lefebvre © Primo, 11 Juin 2007

Publié dans MONDE ARABO-MUSULMAN

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