DANIEL PIPES INTERVIEWE PAR RESILIENCE-TV

Publié le par shlomo

Daniel Pipes interviewé par resiliencetv
par Hélène Keller-Lind
resiliencetv
6 juillet 2007

Daniel Pipes, Directeur du Forum du Moyen-Orient, auteur et co-auteur de nombreux ouvrages, chroniqueur, spécialiste du Proche et Moyen-Orient, expert en matière de terrorisme, notamment auprès du Département de la Défense américain, a été l'un des intervenants du Colloque « Le monde libre, une idée neuve, » organisé par l'Institut Jean-Jacques Rousseau et son Président, Michel Gurfinkiel, à Paris le 28 juin.
Lors de ce séjour parisien, il a accepté de répondre aux questions de resiliencetv.

Hélène Keller-Lind : Il vient d'y avoir plusieurs tentatives d'attentats en Grande-Bretagne. Quelle en est votre analyse ?

Daniel Pipes : Je n'ai rien à en dire de particulier si ce n'est qu'il y a deux faces de l'Islamisme. Une face violente qui aide la face non violente. Ainsi les attentats du 7 juillet 2005 en Grande-Bretagne ont-ils rendu difficile la vie des Islamistes non violents à cause de la manière dont on les a considérés ensuite.
Mais cela leur a rendu aussi les choses plus faciles car ils ont pu dire aux officiels britanniques : « voyez ce qui se passe parce que vous êtes en Irak et que vous avez des contacts avec Israël. » Les Islamistes n'utilisent pas cette occasion pour demander de l'aide, des écoles ou un accès plus facile à de la nourriture halal. Ils disent qu'ils ne veulent pas de la politique étrangère ou intérieure et qu'il faut donc la changer. C'est une forme de pression.

H.K-L. : Où, dans le monde, retrouve-t-on ce qui est finalement un chantage ?

D.P. : D'une manière générale on la retrouve partout. Mais les choses sont assez différentes en Australie et aux Etats-Unis.
Les Islamistes et ceux qui sont convertis n'acceptent pas la civilisation occidentale, l'ordre établi. Ce sont les soldats de leur révolution. Et en Occident les gauchistes sympathisent avec les Islamistes. Il y a à cela plusieurs raisons. Mais la principale est que le prolétariat a déçu la gauche.
Cela débouche sur des situations comme celle qu'il y a en Turquie où ceux qui ne veulent pas des Islamistes doivent voter pour l'extrême gauche, la droite étant de leur côté.

H.K-L. : A propos de la Turquie, que pensez-vous donc de son éventuelle entrée en Europe ?

D.P. : J'ai pensé à une époque que cela serait une bonne idée mais j'ai changé d'avis. Nous n'avons pas besoin de 75 millions de musulmans en Europe. Et d'autre part les Turcs n'ont pas besoin d'être européanisés, de se soumettre à Bruxelles, à sa bureaucratie.

H.K-L. : Il existe en Europe un problème de démographie...

D.P. : En Europe de l'Ouest il y a un enfant ¼ par famille alors qu'il en faudrait 2, 1. Ce demi qui manque doit venir d'ailleurs et il faut donc une immigration. En effet, on ne peut rien y faire, la décision appartenant aux couples...
Mais ce que l'on peut faire est politique. Il faut une immigration venue d'Amérique du Sud, d'Inde, non musulmane, de Chine. Il est clair, cependant, qu'il y a des musulmans qui ne sont pas contre l'ordre établi et qui sont donc des candidats à l'immigration acceptables. Toutefois, compte tenu de l'idéologie islamiste si développée, il faut examiner de près les demandes d'immigration de musulmans.
Mais il n'y a pas de programme dans ce sens dans une Europe qui est passive. Il est pourtant très important d'y réfléchir. L'Australie a commencé à le faire. Il faut savoir qui peut immigrer, s'interroger sur le plan linguistique, éducatif...
Nous devons nous poser la question de savoir qui nous sommes. En France il y a les valeurs de l'égalité, de la fraternité et de la liberté. Aux Etats-Unis dans notre Constitution c'est le droit à la recherche du bonheur qui est inscrit. Cette question ne se pose donc pas pour nous. Mais tous les pays n'ont pas ces concepts. L'Allemagne, par exemple, est une grande famille mais n'a pas ce genre de concept. Des pays comme l'Espagne, la Belgique, le Canada doivent se définir.
Ce n'est pas la couleur de la peau qui définit ce qu'est un pays, la question est plus profonde.

H.K-L. : Mais, selon vous, que veulent donc les Islamistes ?

D.P. : Les Islamistes veulent conquérir le monde entier. Ils prennent des idées présentes dans l'Islam et en tirent des conclusions logiques.

H.K-L. : Concernant Israël, on vient de voir qu'Avraham Burg, ancien Président de la Knesset, nie désormais sa légitimité.

D.P. : C'est aux Sionistes de répondre. Pourquoi vouloir un Etat juif? Est-ce une notion raciste ? Est-ce un nationalisme ? Une nationalité du point de vue politique ? C'est une idée compliquée.
Il est vrai que la question de l'existence d'Israël est beaucoup discutée. Pas simplement dans des pays arabes, mais aussi à l'Ouest. Le Maire de Londres, par exemple. Il ne dit pas cela exactement mais il dit qu'Israël n'aurait pas dû exister.
Et des membres du Parlement européen ne le disent pas ouvertement, pas encore, du moins.

H.K-L. : Ici ou là se pose la question de la survie même d'Israël.

D.P. La question se posait dans les années 50. Puis il y a eu la guerre de 67 et la question ne s'est plus posée. Mais il y a toujours eu ceux qui ne voulaient pas de cet Etat.
La question se pose à nouveau aujourd'hui à cause de ce qui se passe en Iran, en Syrie, dotée d'armes chimiques, il ne faut pas l'oublier.
Par ailleurs ces 14 dernières années Israël s'est affaibli. En raison de sa politique d'apaisement. Cela peut marcher contre des tribus, des petits princes. Mais cela n'a pas marché avec Hitler, cela ne marche pas avec des idéologues.
Il y a 45 ans Israël a vaincu ses ennemis sur chaque champ de bataille. Mais a perdu beaucoup entre 1993 et 2000. En 1992, 1993, les Palestiniens n'avaient pu réaliser leur rêve. Ils étaient donc flexibles et ont commencé à négocier avec Israël. Tout au moins Yasser Arafat l'était. Mais les Palestiniens ont dit non. Et le Processus d'Oslo leur a fait penser qu'ils pouvaient éliminer Israël car ils ont cru qu'Israël était faible.
Les guerres finissent quand l'une des parties a décidé qu'elle ne peut plus continuer par manque d'armes ou d'envie.
Je l'ai vécu en tant qu'Américain en 1975 avec le Vietnam. Nous étions beaucoup plus forts que le Vietnam du Nord mais nous n'avions plus le moral.
Concernant Israël, nous en sommes revenus aujourd'hui à une situation comparable à celle des années 50 et 60, avant la guerre de 67.

H.K-L. : On entend beaucoup dire aussi que le conflit israélo-arabe serait la source du terrorisme.

D.P. : Et le conflit au Cachemire ? On n'en entend pas beaucoup parler ici...pourtant Inde et Pakistan sont très agités par ce conflit. Ce qui fait bien plus d'un milliard d'individus. Et il y a aussi des armes nucléaires..
Quant au conflit entre l'Iran et l'Irak, il a des sources qui remontent au XVIIème siècle.
Les gauchistes disent toujours que tout est de notre faute. C'est de l'ethnocentrisme, comme si les autres n'étaient pas capables d'avoir leurs propres conflits.
Même pour les attentats du 11 Septembre, des musulmans disent que ce n'est pas possible que des musulmans aient pu avoir les capacités nécessaires pour les commettre...

H.K-L. : Restent les Etats-Unis...

D.P. : Les Etats-Unis apportent à Israël son meilleur soutien. Il y a toujours eu des liens profonds. Israël est considérée comme une terre sacrée. Cela vient des Evangélistes pour qui les Juifs sont importants. Mais pas seulement. Cette notion de l'importance des Juifs s'inscrit dans la tradition américaine depuis des siècles, avant même la naissance des Etats-Unis. L'Amérique était considérée comme la nouvelle Jérusalem. Il y a beaucoup de prénoms bibliques chez nous et beaucoup de villes américaines portent des noms de villes bibliques. Sur l'écusson de l'université de Yale, fondée en 1730 ou 40 figure une inscription en hébreu.

H.K-L. : Pourtant nombre de campus universitaires aux Etats-Unis sont des fiefs anti-israéliens.

D.P. : Ces campus sont des colonies européennes et gauchistes...Ce sont des îlots de répression dans une nation ouverte.

H.K-L. : Pourtant Tarik Ramadan n'a pu rejoindre une Université où on lui avait donné un poste d'enseignant...

D.P. : La décision de ne pas le laisser entrer ax Etats-Unis a été prise par les services de sécurité et la police.

H.K-L. : Parlons de l'Iran où il vient d'y avoir des émeutes à cause de l'augmentation du prix du carburant...est-ce un prélude à une guerre ?

D.P. Le prix du carburant a agmenté car l'Iran n'a pas la capacité de raffiner et l'essence y est fortement subventionnée. Ce qui coûte au pays 2 milliards de dollars de subventions par an.
Quant à une guerre, il y en aura peut-être une... Le Hezbollah a récupéré son armement et possède 20.000 roquettes. Al Quaida a le soutien de la Syrie.

H.K-L. : Récemment le vice-premier ministre israélien, Shaul Mofaz, estimait que rester à Gaza ne répondait pas à des objectifs stratégiques de défense pour Israël et qu'y rester aurait causé des morts inutiles dans les rangs de l'armée israélienne.

D.P. : Le but d'une armée n'est pas de sauver ses soldats. Et aujourd'hui Israël a deux frontières problématiques, l'une avec Gaza et l'autre avec le Liban, avec deux ennemis qui sont des idéologues, sont assez bien armés et qui le sont de plus en plus. Avec le soutien de l'Iran, de l'Arabie Saoudite, de l'Egypte et de la Syrie. La situation est grave.

H.K-L. : Et le Liban ?

D.P. : Le Liban a toujours été un problème car il n'y a pas d'adresse....Et le retrait du Liban a été un désastre.
Dans les années 50, Ariel Sharon, sous la direction de Ben Gourion, avait montré aux pays voisins qu'Israël n'acceptait pas le terrorisme. Il y avait une dissuasion efficace qui réussissait. Pendant des décennies Damas et Aman ont compris. Et jusqu'ici il y a eu des frontières calmes avec ces pays.
Mais à Damas Bashar El-Assad a décidé de lancer une Intifada sur le Golan. Ce qui, de son point de vue, est une bonne idée. Et cela peut commencer en Jordanie également.
Quant au Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza, il est présent aussi en Judée Samarie et cela pose également un problème.

H.K-L. : Quel rôle joue l'Egypte ?

D.P. : Elle continue à laisser entrer des armes à Gaza. Le traité signé en 1979 entre Israël et l'Egypte a été un traité entre gouvernements et n'a jamais eu le soutien du peuple égyptien. Les sondages montrent que la grande majorité des Egyptiens, à 95 %, sont contre Israël qui est considéré comme un ennemi.
Et ce traité a ouvert les portes à l'armement américain qui a été donné à l'armée égyptienne. Cela a été une erreur des Etats-Unis et d'Israël. Israël qui a cru qu'un accord diplomatique allait changer la manière de penser du peuple. Ce qui ne sera jamais le cas.
J'ai vécu pendant 3 ans en Egypte dans les années 70...il est clair qu'après 79 le peuple égyptien a dit au gouvernement qu'il n'acceptait pas Israël.

H.K-L. : N'y a-t-il pas d'Etats arabes ou musulmans modérés ? Comme la Jordanie ?

D.P. : Le gouvernement jordanien a essayé de tisser des liens avec Israël mais cela est impossible. Il y a un rejet social d'Israël très consensuel, très profond et très dur. Et cela ne va pas changer avec d'autres accords.

H.K-L. : Quel est donc le choix pour Israël aujourd'hui ?

D.P. : Il n'y a pas grand choix entre Ehud Barak et Benjamin Netanyahou...Mais peut-être ont-ils tiré les leçons du passé...
Aujourd'hui, soit Israël accepte la situation et le Sionisme est perdu, il n'y aura plus d'Etat juif, soit les Palestiniens et les autres Arabes et musulmans acceptent un Etat juif. Etat juif qui a une justification morale.

H.K-L. : Les populations de la région sont conditionnées par l'enseignement de la haine d'Israël et des Juifs qui est déversée sur eux....

D.P. : Elle est entretenue par les écoles, les médias. Mais elle s'inscrit dans le point de vue traditionnel islamique qui ne veut pas de non musulman dans une terre islamique. C'est encore pire lorsqu'il s'agit de Juifs ou d'Occidentaux. Dont ils ne veulent pas sur une terre musulmane ou qui a été conquise par des musulmans.

H.K-L. : Que préconisez-vous dans le cas de l'Iran ?

D.P. : Il faut les convaincre, convaincre les centres du pouvoir que poursuivre dans la voie dans laquelle ils se sont engagés n'est pas une bonne idée.
S'ils ne le font pas Israël doit soit l'accepter soit le rejeter par les armes. Quant à nous, nous sommes présents des deux côtés de l'Iran, en Irak, en Afghanistan, au Tadjekistan. L'Iran est encerclé. Nous avons des renseignements, l'équipement nécessaire, des porte-avions...

H.K-L. : Il va y avoir des élections aux Etats-Unis. Quelle y est la situation ?

D.P. : Ces six dernières années de plus en plus d'hommes politiques américains comprennent que l'ami n'est pas le terroriste. Mais c'est encore confus.
Par exemple, Georges Bush a dit il y a 11 mois que l'Occident devait combattre le fascisme islamiste. Il y a quelques jours il ne parlait plus d'islamo-fascicme...
Si les Démocrates passent nous deviendrons beaucoup plus comme l'Europe. Mais Hillary Clinton, même si elle a été gauchiste, a changé et s'est améliorée dès qu'elle est devenue Sénateur.

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Publié dans INTERNATIONAL

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