AFFAIRE AL-DURA : PARI SUR UN MENSONGE !

Publié le par shlomo

Al-Dura: Pari sur un mensonge, Enderlin joue la carte Rosemary Woods *,
R. Landes

16/11/2007

14 novembre 2007

 

Sur le site The Augean Stables. 

 

Traduction française : Menahem Macina

 

* Note à l’intention de ceux qui sont trop jeunes pour se souvenir de l’affaire Nixon. Rosemary Woods était la secrétaire de Richard Nixon, à laquelle on demanda de s’accuser de la disparition des 18 minutes et demie manquantes sur les fameux enregistrements de Nixon, avant de les remettre au Grand Jury chargé d’enquêter sur l’affaire du Watergate. Son nom est devenu synonyme de brouillage de preuves.]

 

Force m’est de reconnaître que beaucoup de gens m’avaient prédit qu’Enderlin ferait subir un traitement spécial aux bandes enregistrées, et que je ne les ai pas crus.

« Non, pensais-je, une chose est de m’avoir menti, ainsi qu’à d’autres, dans son bureau [de Jérusalem], mais au tribunal, où il risque d’être pris sur le fait, il ne pouvait pas  pousser la témérité jusque là ! » Non.

Aujourd’hui, Charles Enderlin a montré au tribunal les "rushes" de Talal abu Rahma, que le juge lui avait demandés. Et il a présenté une version éditée, dont il a supprimé au moins trois minutes, et plusieurs scènes que je me souviens nettement avoir vues. Aux Etats-Unis, cela s’appelle falsification de preuves, obstruction à la justice et parjure. En France, nous verrons comment cela s’appelle.

Je laisse à Nidra [Poller] le soin de faire un compte-rendu détaillé, puisque je suis l’une des deux personnes qui, ayant vu les rushes, avaient l’avantage de vérifier s’il s’agissait bien de ce que j’avais vu antérieurement, aussi étais-je incapable de prendre des notes.

Avant le visionnage des rushes, il y a eu une brève discussion sur le point de savoir pourquoi il n’y avait que 18 minutes [de rushes]. Charles Enderlin – qui n’avait daigné venir à aucune des audiences précédentes du procès qu’il avait intenté, et ce même quand il était de passage à Paris, à l’époque – a expliqué que la cassette qu’il avait conservée contenait 27 minutes de rushes, mais que certains n’avaient pas trait à ce jour-là (quelle preuve ?), et qu’il avait éliminé le matériau non pertinent. (A ce stade, je m’attendais à ce que le juge dise : « laissez-nous décider de ce qui est non pertinent », mais elle ne l’a pas fait.)

Ensuite nous visionnâmes les rushes, avec un préambule et un commentaire en direct d’Enderlin, et des commentaires de Karsenty. Cela avait des allures de cirque. Mais cela m’a fourni un aperçu de la manière dont le cerveau d’Enderlin fonctionne. Il a expliqué à quel point la visite de Sharon au Mont du Temple, le 28 [septembre 2000] était provocatrice, d’où les émeutes qui avaient suivi, le 29, en Cisjordanie, et que tout le monde s’attendait à ce que les émeutes s’étendent à Gaza, le lendemain, « parce que c’est comme cela que ça se passe. »

Et sans nul doute, quand nous regardons les vidéos, des scènes de gens évacués par des ambulances se succèdent à l’envi. On ne voit pas qu’ils sont atteints, leurs blessures n’apparaissent pas ; on les voit emmenés en ambulance, et Enderlin explique : « Les Israéliens tirent des balles de caoutchouc ». Pourtant, il n’y a pas de preuves que les Israéliens tirent. Mais comme Enderlin s’attend à des violences, quand il voit des Palestiniens évacués en ambulance, il conclut qu’ils ont été atteints pas des balles israéliennes.

La majeure partie du matériau [présenté] était peu concluante ou ennuyeuse, et j’attendais patiemment le matériau que j’avais vu. Puis, aux environs de la 15ème minute au compteur du temps écoulé sur la vidéo, Enderlin annonce qu’il va y avoir une pause, et que nous verrons les scènes finales. C’est lors que j’ai su qu’il avait coupé les scènes. Comme prévu, l’écran est devenu blanc, puis ont commencé les trois minutes finales.

Il y a donc au moins deux scènes dont je me souviens tout particulièrement, l’une d’elles figure sur des rushes de Reuters. Il manquait une scène que j’avais décrite en ces termes :

« A un autre moment, un garçon simule une blessure à la jambe, mais au lieu d’attirer des jeunes de grand gabarit pour le prendre et de l’amener en courant à une ambulance en dépassant les caméramans, il n’attire que des petits gamins, qu’il chasse. Puis, il regarde alentour, et voyant que personne ne vient l’évacuer, il se redresse et s’éloigne sans boiter. »

D’ailleurs, cette scène a provoqua un grognement du caméraman israélien travaillant pour France 2, qui regardait le film avec moi et Enderlin, à l’époque.

Quand je lui demandai pourquoi il réagissait ainsi, il répondit :

« Parce que ça sonne tellement faux ».

« C’est également mon impression »,

répondis-je.

Et Enderlin de commenter :

« Oh, ils font cela tout le temps. C’est leur style de culture. Ils exagèrent. »

« Mais s’ils font cela tout le temps, pourquoi n’auraient-ils pas mis en scène l’incident d’al-Dura ? »,

questionnai-je.

« Oh, ils ne sont pas assez bons [pour cela]. »

Alors, finalement, voilà ce que j’ai à dire (et éventuellement, s’ils s’en souviennent et ont le courage de venir le dire au grand jour, ce que peuvent affirmer Denis Jeambar et Daniel Leconte), à l’encontre d’Enderlin.

 

Mais le second passage [manquant] dont je me souviens est documenté par Reuters (séquence vidéo). Dans une scène, que nous avons nommée "l’enfant au Cocktail Molotov", un jeune fait des bonds sur la route, sans aucun signe de blessure. Il tient en main un Cocktail Molotov qu’il passe à un autre jeune et entre dans la foule. On voit du rouge sur son front, mais rien n’indique qu’il soit blessé.

 

Transmission du Cocktail Molotov. Notez la trace rouge sur le front de l’adolescent.

 

Une fois dans la foule, il est pris à bras le corps par d’autres.

 

Remarquez que sa jambe gauche est pliée quand la foule entreprend de le transporter.

 

Des photographes, parmi lesquels on distingue Talal abu Rahma, avec son équipement de France 2.

 

Talal est au contact, pour un effet maximum. Remarquez son collègue, à l’extrême gauche, prêt pour le rodéo. On le voit sourire à la caméra.

Puis, le jeune est ramené au pas de course, juste en face de la position israélienne (où il est censé avoir été blessé par balles) et chargé dans l’ambulance juste devant les Israéliens.

On voit la position israélienne, à l’arrière-plan. Personne n’a peur d’être atteint par [les soldats].


Quand je suis allé voir les rushes chez France 2, j’étais surtout à la recherche de cette scène, et je me souviens de l’avoir vue. C’était agité et flou et cela semblait beaucoup plus réaliste (cinéma-vérité) que les séquences de l’agence Reuters, qui, filmées à distance, montre clairement qu’il s’agit de mises en scène.

Cette séquence ne faisait pas partie des 18 minutes d’Enderlin.

Nous avons donc une preuve documentaire de ce qu’Enderlin n’a pas montré au tribunal un matériau que Talal abu Rahma avait filmé avec sa caméra de France 2.

Soit Enderlin n’est pas au courant de l’existence de ces documents, soit il a un tel mépris pour le tribunal, qu’il croit qu’il peut tricher effrontément. J’ai été frappé de ce que le juge ne s’estime pas dupé, et Karsenty va sûrement aller plus loin dans ces matières.

Pour autant que je puisse comprendre, Enderlin a fait un grand pari : falsifier les preuves, montrer aux gens des matériaux peu concluants (la femme assise à côté de moi a dit : « Je suis venue sans idée arrêtée, et rien n’est clair), et il espère que le tribunal ne l’attrapera pas.

Mais, de la sorte, il s’est rendu extrêmement vulnérable. Esther Shapira l’a fait remarquer :

« Tout d’abord, nous n’avons pas la moindre preuve que ce que nous avons vu aujourd’hui est réellement la bande de la caméra, ou une copie sur DVD de la bande filmée, la vidéo originale. Et ce pour une simple raison, il y avait un minuteur en continu sur le DVD que nous avons vu. Or, on ne peut absolument pas avoir de minutage sans interruption quand il s’agit d’une véritable bande-film de caméra, parce que quand on tourne et qu’on arrête, on a un nouveau minutage… Ici, il y a des images qui manquent. Aussi, il est clair que ce que l’on pouvait voir sur le matériau [présenté], c’est qu’il ne s’agissait pas d’un tournage réalisé en continu, mais de beaucoup, beaucoup de prises de vues différentes. Pour autant que je sache, il est pratiquement impossible de monter ce matériau sans laisser des traces de cette activité. »

Soit Enderlin est désespéré ou stupide, soit il va recourir à des appuis pour s’en tirer. Dans un  cas comme dans l’autre, cela démontre à quel point il craint que des preuves ne viennent au jour et avec quel art consommé il ment.

 

Dans les jours qui viennent, je mettrai en ligne davantage d’informations sur les événements d’hier. Il y a beaucoup de détails importants à couvrir.


Prof. Richard Landes


© The Augean Stables

 

Mis en ligne le 15 novembre 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org

Publié dans FRANCE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article