UN JOUR , UNE FEMME : WAFA SULTAN
(Menahem Macina).
13/11/2007
Texte repris du site de Primo.
- "Connais-tu Wafa ? As-tu vu le clip de Wafa ? Quel courage ! Quelle femme !"
Les qualificatifs se superposent, à l’évocation de ce prénom.
A partir d’un seul clip, médiatisé par Internet (visionner), Wafa est mondialement connue, du jour au lendemain ; c’est la Jeanne d’Arc du combat contre l’islamisme.
Qui est-elle au juste ?
Une illuminée, une hystérique, ou une simple agitatrice islamophobe, comme le prétendent ses détracteurs ?
Elle est là, devant nous, dans le hall du lieu de rencontre. Tellement anonyme dans sa mise et sa façon d’être. Petite bonne femme modeste, comme on en rencontre dans le métro, à tous les coins de rue.
À son arrivée, bien qu’au centre de la réunion, elle passe presque inaperçue.
Mais, à la simple question amicale : "c’est vous, Wafa ?", elle se livre aussitôt. Les mots se bousculent tant elle a de passion à libérer autour d’elle. Dans un désordre total, elle raconte sa vie quotidienne, ses angoisses ses peurs maîtrisées par l’action.
Elle parle, elle parle, et ses larmes coulent à grands flots ; elle sanglote en parlant de la balle qu’on lui promet un jour dans le crâne, de ses déceptions, de ses ruptures. Nous l’entourons nous avons envie de la protéger, de lui dire : « Wafa, toutes les femmes du monde sont à vos côtés, vous êtes une grande dame, une princesse ».
Chacune d’entre nous se contente de la serrer affectueusement contre elle, de lui entourer l’épaule, de la consoler comme on le fait pour un désespoir d’enfant. «Ne pleurez pas, Wafa, vous nous donnez tant d’espoir.. »
Nous sommes au cœur de l’émotion et toujours dans le hall !
Nous y voilà enfin. Autour de la table tous les regards sont rivés sur elle, avec une admiration et une affection mal contenues. La voilà qui se raconte. Sobre, contenue, véritable Edith Piaf de la parole.
Elle nous attache à ses mots. Pour elle, son combat coule de source.
Je suis née dans un village de Syrie, Banias, où les femmes avaient accès à l’étude. Je ne connaissais de culture que le Coran, pratiqué assidûment chez nous, bien que ma famille fût large d’esprit.
Je rêvais d’étudier la littérature arabe. J’ai un amour fou pour cette belle langue, pour l’écriture de laquelle on me reconnaît un réel talent.
Pour nos familles, il est honorable d’avoir un médecin dans la fratrie. Orpheline de père, pour faire plaisir à mon frère, j’ai étudié la médecine à la faculté d’Alep.
C’est sous mes yeux, à l’Université, que mon professeur a été assassiné, le corps criblé de balles, aux cris de « Allah est grand ». Des centaines de meurtres se commettaient à cette époque contre des innocents. Comment peut-on assassiner un être avec une telle sauvagerie, au nom de Dieu ? Quel est donc ce Dieu ?
Bouleversée par ce meurtre d’un homme bon et généreux j’ai vécu une première remise en cause de ma foi. Quatorze ans durant, j’ai exprimé mes doutes sur place, dans une grande solitude et un danger constant.
En 1989, avec mon mari et mes enfants, nous avons réussi à émigrer aux Etats-Unis.
Je dois vous conter à présent, quelques anecdotes qui vous indiqueront à quel point notre éducation faisait de nous des êtres à part.
Un coup de fil d’un professeur de l’un de mes enfants, pour l’aider dans ses études, se termine par « je suis juif » ! J’ai lâché le téléphone et tremblé de tous mes membres. « Un juif ! Que va-t-il m’arriver après ce contact avec un être monstrueux ? »
Je n’avais jamais vu de juif. Tout ce que j’en savais par mon éducation syrienne était la terreur que ces monstres inspiraient.
Peu après mon arrivée aux Etats-Unis, j’achetai des chaussures dans une boutique. Pendant l’essayage, le patron de la boutique dit, en serrant la main de mon mari : « Je suis Israélien ». Abandonnant mes affaires personnelles, jetant les chaussures à la hâte, je me suis sauvée dans un état de panique indescriptible hors de la boutique.
Depuis, le premier juif qui m’a téléphoné s’est avéré être le soutien le plus proche, le plus attentif à nous aider dans notre intégration. Depuis, j’ai appris que l’on m’avait menti et que l’on ment encore à des générations d’enfants musulmans.
Voilà, en quelques mots, le récit de vérité que Wafa nous fait de sa vie.
Le parcours politique
En 2006, la chaîne Al Jazeera la contacte pour répondre, en direct, au professeur fondamentaliste égyptien réputé, Al Khouly. Elle lui tient tête sur le plan théologique, et argumente son propos. Elle est traitée d’hérétique et accusée d’apostasie. Quatre fatwas ont été, depuis, prononcées contre elle (clergés saoudien, syrien et égyptien).
La vidéo a été vue par des millions d’Arabes, dont certains partagent son point de vue sans pouvoir l’exprimer.
Wafa exprime son opinion de façon radicale. Elle refuse de faire la différence entre islam et islamisme, tant que l’"Anaqt", la critique du dogme, reste interdite.
Le titre de son prochain livre est stupéfiant de violence (Le prisonnier échappé : quand Dieu est un monstre). Mais, dit elle, il me faut bousculer les esprits. C’est à ce prix que certains se poseront des questions.
Le peuple arabe n’a en aucune manière besoin de terres ou de territoires, affirme-t-elle avec conviction. Ce peuple a besoin, avant tout, d’éducation, de connaissances, d’élévation de l’esprit, de culture et d’esprit critique.
L’islam n’est pas une religion, c’est une idéologie politique. Idéologie de conquête et de pouvoir. Quand une religion appelle le rocher à dénoncer le juif qui trouverait refuge derrière lui, pour le massacrer, comment désigner cet acte religieux ?
Il est dit également qu’à l’heure du jugement dernier, les juifs seront précipités en enfer. Pour échapper à ce tourment, les juifs se cachent derrière un arbre particulier. On nous racontait pour nous instruire, qu’en Israël, les juifs plantaient des forêts entières de ce type d’arbre pour échapper à leur punition. Comment imaginer cela ?
Quand un homme est tenu d’obéir à des ordres monstrueux, comment appelle–t-on celui qui dicte ces ordres ?
A force d’obéir à des ordres monstrueux, on devient un monstre soi-même. Voilà ce que je veux éviter à mon peuple.
Vous lisez des traductions du Coran. Le Coran, pour en percevoir la réalité, doit être lu et compris dans le texte. Ainsi « Tuez-les » devient, dans les traductions, « Combattez-les ». Combattre et assassiner, est-ce la même chose ?
Les possibilités de diffusion massive d’Internet font des ravages pour obscurcir la pensée et l’uniformiser vers la violence. La transmission est brutale, elle atteint des populations autrefois hors de portée d’un langage purement idéologique, sous couvert d’information.
Aux Etats-Unis, à l’heure actuelle, vous découvrez que tel sportif, tel homme en vue, porte le prénom de Mohammed. Vous vous dites « il est musulman » et c’est bon pour l’image de l’Islam. Il s’agit en réalité d’un programme répandu aux Etats-Unis : Pour 1000 dollars, cadeau d’un pays riche et connu du Proche-Orient, il vous suffit, sur le territoire américain, d’accoler à votre nom le prénom de Mohammed sans même vous convertir. Nombre de réfugiés et immigrés de tous bords s’y livrent facilement. On change ainsi la perception et l’image de l’islam dans le monde moderne, à son insu.
Ici, en Europe, j’ai pu constater que vous essayez de lutter contre cet envahissement. En fait, vous y êtes contraints à cause de la débâcle démographique que j’ai constatée. Vous avez compris le danger, même s’il est déjà tard. Aux Etats-Unis, le pays est trop grand, le déséquilibre démographique ne joue pas encore. Les Américains se croient encore hors de portée. Ce n’est qu’une question de temps, voilà pourquoi je ne peux me taire. Les rouages de l’université et du pays sont largement infiltrés.
Wafa Sultan est repartie, simplement, comme une bonne mère de famille, une fois la tâche accomplie, nous laissant confondus d’étonnement.
Une femme lucide, généreuse ; pleine d’amour pour son pays, sa culture, sa langue maternelle (si belle et que j’aime tant écrire, ajoute-t-elle toujours).
Une femme au regard éperdu de tristesse, quand elle confie sa solitude, quand elle avoue que sa famille et sa propre mère l’ont reniée.
Ce que nous savions d’elle n’est rien au regard de sa détermination de femme, d’être humain tout simplement.
Josiane Sberro
© Primo
Mis en ligne le 21 novembre 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org