QUI EST RATIONNEL ?
| Jewish World Review - Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
Israël n’est que le dernier exemple de gouvernement dans le monde libre qui, hélas, partage une maladie fréquente mettant toujours nos vies en danger. La vie dans le Sud d’Israël est insupportable. Depuis janvier dernier, en moyenne 6,3 obus de mortier et roquettes ont été tirés de Gaza sur le Sud d’Israël chaque jour.
Comme le ministre adjoint de la défense, Matan Vilnaï en a averti les chefs des communautés autour de Gaza la semaine dernière, du fait des améliorations de l’arsenal palestinien depuis qu’Israël a évacué Gaza il y a deux ans, les Palestiniens mettent maintenant en action des missiles et des roquettes ayant des portées étendues qui placent 130.000 Israéliens sous la menace d’attaques de missiles.
Mercredi dernier, le chef d’Etat Major Général de Tsahal, le Lt. Général Gabi Ashkenazi a fait savoir clairement que si Israël veut assurer la sécurité de ses citoyens, il n’y a qu’une chose à faire. Il doit conquérir Gaza.
Dans un discours à l’Université de Tel Aviv, Ashkenazi a expliqué : « Il est impossible de vaincre une organisation terroriste sans finalement contrôler le territoire. La bonne situation en Judée et Samarie est le résultat de notre contrôle sur la zone et nous ne serons pas en mesure de parvenir à la victoire dans le conflit à Gaza seulement par des tirs et des attaques indirects par voie aérienne ». Sans doute Ashkenazi a-t-il fait cette intervention mercredi matin lors de la réunion du cabinet de sécurité. Mais apparemment, sa proposition n’a pas été suivie.
Totalement opposée à Ashkenazi, la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni a prévenu ses collègues qu’assurer la sécurité du Sud d’Israël détruirait le processus de paix. Si Israël sécurise le Sud, les Arabes et l’administration Bush en deviendraient vraiment dingues. Et le chef palestinien « modéré »
Mahmoud Abbas tournera le dos au processus de paix pour réunifier ses forces entraînées par les USA avec les forces du Hamas entraînées par les Iraniens. Le message de Livni était clair : le gouvernement doit choisir entre la sécurité et le processus de paix.
Livni l’a emporté. Le processus de paix a gagné contre la sécurité du Sud d’Israël. La préférence du gouvernement Olmert pour le processus contre l’essentiel n’est pas unique. De fait, c’est une affection partagée par des gouvernements du monde libre sur toute la planète. Les fondements philosophiques de cette affection sont pareillement partagés.
Les attaques du 11 septembre 2001 sur les USA ont intensifié un conflit qui mijotait depuis la fin de la Guerre Froide sur la définition de la rationalité. Les deux factions en guerre dans le débat, qui a fait rage à travers le monde libre, peuvent être qualifiées de ratiocinateurs et de rationalistes. Chaque partie a donné sa propre définition de la rationalité, et ces définitions concurrentes ont formé la base des prescriptions politiques des camps concurrents, pour faire face à la menace des terroristes islamistes et à leurs Etats parrains depuis lors.
Les ratiocinateurs comprennent des politiciens comme Olmert et Livni et la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, et les appareils de sécurité et de stratégie politique comme la CIA, le département d’Etat, le ministère des affaires étrangères et leurs homologues en Europe.
Les ratiocinateurs définissent la rationalité comme la sensibilité à la pression étrangère et la volonté de compromis. Selon cette vue, si votre adversaire veut négocier avec vous, alors il est rationnel. Et puisqu’il est rationnel, il est capable de compromis. Et puisqu’il veut un compromis, il n’est pas vraiment votre ennemi.
L’Estimation du Renseignement National [NIE en anglais, Ndt] de l’ensemble des services de renseignement des USA sur les capacités et les intentions nucléaires de l’Iran est un exemplaire parfait de l’opinion des ratiocinateurs. La NIE, qui affirme que l’Iran a cessé son programme d’armes nucléaires en 2003 suite à la découverte du programme et à l’enquête internationale qui s’est ensuivie, a conclu que « les décisions de Téhéran sont guidées par une approche coûts / bénéfices plutôt que par la ruée vers une arme sans tenir compte des coûts militaires, politiques et économiques ».
Et puisque l’Iran est rationnelle, la NIE recommande que les USA et ses alliés lui fassent une offre qui comprenne « une certaine combinaison de menaces d’intensifier l’enquête internationale et les pressions, et des opportunités pour l’Iran d’obtenir sécurité, prestige, et ses objectifs d’influence régionale par d’autres voies ».
L’avis des ratiocinateurs sur la rationalité est attrayant pour deux raisons principales. D’abord, son argument essentiel est que l’Occident est seul responsable de déterminer si le monde jouira de la paix ou souffrira les ravages de la guerre. Si les Etats occidentaux crachent un ensemble de concessions suffisant, alors les terroristes et leurs Etats parrains négocieront avec eux. Si les nations occidentales refusent de faire les concessions nécessaires, alors les terroristes et leurs Etats parrains les attaqueront et les nations de l’Occident ne pourront que se blâmer avec leur obstination.
Au-delà, puisque la rationalité du monde arabe et islamique est uniquement fonction de la volonté occidentale, l’idéologie du jihad qui guide les terroristes et leurs Etats parrains est immatérielle. En ce qui concerne les ratiocinateurs, il n’y a aucune raison de fermer les sites Internet des jihadistes ni leurs centres d’endoctrinement. De fait, il n’y a pas aucune raison de mettre en cause la validité des doctrines et des valeurs jihadistes.
Cette opinion résonne aussi dans la NIE. Le rapport ne mentionne pas que le régime de l’Iran a été fondé sur les valeurs du jihad. Il ignore que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad et ses partisans croient qu’en fomentant l’apocalypse, ils peuvent hâter la venue du messie shiite et faire advenir une ère de domination islamique globale dans un monde où les USA et Israël ne seront plus que des souvenirs amers. Si la NIE avait pris ces vues idéologiques en compte, ses auteurs auraient remarqué qu’il y a une parfaite logique pour les ayatollahs à obtenir des armes nucléaires.
Mais prendre en compte les aspirations, valeurs et l’idéologie du régime iranien impliquerait de passer la ligne vers le camp opposé des rationalistes. Pour les rationalistes, il est rationnel que la stratégie politique et les actes d’un Etat reflètent et fassent progresser ses valeurs, aspirations et croyances. En conséquence, il est essentiel de comprendre et de faire face à ces croyances, valeurs et aspirations.
De même que les opinions des ratiocinateurs sont attractives parce qu’elles placent tout le pouvoir de déterminer les questions de la guerre et de la paix dans les mains des nations occidentales, de même les avis des rationalistes sont désagréables parce qu’ils supposent que le monde libre ne peut pas déterminer seul le cours des évènements. Il ne peut pas déterminer l’adhésion d’une société aux croyances et aspirations jihadistes. Le mieux qu’il puisse faire est de prendre des mesures pour empêcher les sociétés jihadistes d’agir suivant leurs croyances.
Quand le Lt. Général Ashkenazi a expliqué que la conquête de Gaza est la seule manière d’assurer la sécurité du Sud d’Israël, il représentait l’avis du camp rationaliste de la rationalité. Puisque les Palestiniens soutiennent dans leur grande majorité l’objectif jihadiste de la destruction d’Israël, il est rationnel pour eux d’attaquer Israël aussi longtemps qu’ils le peuvent. Puisque Israël ne peut pas changer la façon dont les Palestiniens comprennent le monde et le sens de la vie, sa seule manière d’empêcher ses citoyens d’être assassinés, c’est de supprimer la capacité d’attaque par les Palestiniens.
Peut-être que l’aspect le plus étrange du dénigrement de l’importance de l’idéologie par les ratiocinateurs, c’est le mal qu’ils se donnent pour ignorer l’idéologie jihadiste d’un côté, et pour l’apaiser de l’autre. Les agents des unités de l’anti-terrorisme du FBI par exemple sont dissuadés d’étudier le Coran. Leurs chefs soutiennent que seule une petite minorité de Musulmans aux USA et dans le monde souscrivent à une interprétation religieuse suprématiste du Coran qui soutient et encourage le terrorisme, le massacre et la guerre à mort contre les non musulmans, et donc ce que le Coran dit est sans importance.
Pourtant même s’il est vrai que seule une petite minorité de Musulmans pense que l’Islam est une politique suprématiste en même temps qu’une croyance religieuse, alors les ratiocinateurs devraient traiter les vrais jihadistes avec un mépris identique à celui qu’ils affichent envers les suprématistes blancs. Après tout, agir ainsi ne devrait pas gêner le reste de leurs coreligionnaires qui rejettent leurs vues. Mais le contraire se produit.
Les agents du FBI suivent une “formation à la sensibilité” islamique par des gens qui sont eux-mêmes sujets de leurs enquêtes anti-terroristes. Le personnel militaire des USA de Guantanamo est obligé de porter des gants quand ils prennent en main des copies du Coran appartenant à leurs prisonniers jihadistes.
Plus troublant, dans leur empressement à calmer cette petite minorité sans importance de jihadistes, les officiels israéliens, américains et européens brisent volontairement leurs valeurs centrales du respect de la loi et de la liberté d’expression. En Israël, des Juifs israéliens qui ont bâti des maisons sans permis sont poursuivis selon la rigueur de la loi et chassés de leurs foyers. Des Arabes israéliens qui ont construit des villes entières illégalement sont ignorés par les autorités afin d’éviter des conséquences diplomatiques ou d’allumer des passions.
Aux USA, un individu peut se tenir devant la Maison Blanche et brûler le drapeau américain sans craindre des poursuites judiciaires. Mais si une personne dessine un porc sur une copie du Coran dans une bibliothèque publique, il peut être arrêter pour avoir commis un crime de haine. Et en Europe, vous pouvez participer à une manifestation en invoquant l’Islam pour appeler à la destruction de la Grande Bretagne, ou de la Hollande ou du Danemark sans craindre de poursuite légale, mais si vous publiez une caricature de Mohammed dans votre journal, vous pouvez être soumis à une enquête criminelle et obligé de vous cacher pour promotion du racisme.
En Israël, il est difficile de convaincre les gens que l’idéologie du jihad est sans importance. Mais les ratiocinateurs ont deux autres manières de convaincre le grand public et leur base politique qu’ils ont raison d’ignorer les actions et les intentions de l’ennemi, et de consacrer leurs efforts au compromis. D’abord, il y a le facteur peur. Etant donnée la nature implacable de la haine du monde arabe et islamique envers Israël et le Peuple juif, les ratiocinateurs d’Israël défendent leur préférence pour des processus de paix imaginaires plutôt que pour la sécurité, en soutenant qu’Israël ne peut pas se permettre de mener une guerre. Bien mieux que de se confronter à cette haine sur le champ de bataille, il y a l’option de la reddition préventive. Comme le soutiennent les ratiocinateurs, si Israël se réduit aux lignes d’armistice de 1949, construit un grand mur et se cache derrière, alors peut-être les Arabes oublieront-ils que nous sommes toujours là et nous laisseront tranquilles.
Politiquement, il y a le fait que le parti Kadima du Premier Ministre Ehud Olmert a été fondé sur l’option que le territoire n’a pas de valeur défensive, et qu’une reddition préventive est une stratégie nationale raisonnable. Reconnaître l’importance du territoire, ou que la cession de territoire à votre ennemi le renforce et vous affaiblit, impliquerait d’admettre que les principes fondateurs de Kadima sont tous faux. Aussi Olmert, Livni et leurs associés maintiennent cette fiction, ne font rien pour sécuriser le Sud d’Israël et cherchent à transférer Jérusalem, la Judée et la Samarie aux terroristes du Fatah.
Depuis le 11 septembre 2001, les ratiocinateurs ont gagné beaucoup de leurs batailles contre les rationalistes, et les résultats de leurs victoires ont été à la fois ironiques et tragiques. Suite au contrôle de la politique par les ratiocinateurs, les seuls qui se sont constamment impliqués dans la poursuite rationnelle de leurs intérêts, valeurs et aspirations, ce sont les jihadistes et leurs Etats parrains. De leur côté, les dirigeants du monde libre semblent essayer de vivre selon la remarque de George Orwell : « La manière la plus rapide de mettre fin à une guerre est de la perdre ».
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Contribuant à la JWR, Caroline B. Glick est membre senior pour le Moyen Orient du “Center for Security Policy” [Centre pour la Politique de Sécurité] à Washington, DC et rédacteur en chef adjoint du « Jerusalem Post ».