INTERVIEW DE CLAUDE GOASGUEN

Publié le par shlomo

 par Ivan Levai

Tribune juive : Après Annapolis, Paris. Pourquoi êtes-vous optimiste ?
Claude Goasguen : La conférence de Paris est, à mes yeux, celle qui a probablement le plus de chances de réussir. Elle a été voulue par Nicolas Sarkozy, dont je précise que j’ai senti à plusieurs reprises, dans les entretiens que j’ai eus récemment au Proche-Orient, qu’il incarnait parfaitement, des deux côtés israélien et palestinien, le retour de la France dans cette région.

Le sommet de Paris va porter sur un point majeur : le développement économique de l’entité palestinienne. Il s’agit en effet de rassembler les grands donateurs, de vérifier la manière dont se font les dotations de manière à éviter "les évaporations" de la période Arafat marquée par une corruption effroyable.

La Palestine est une région délabrée, sans administration, dans les mains de chefs féodaux et des extrémistes du Hamas dans la bande de Gaza. On a besoin de reconstruire sainement à partir d’une démarche économique plus transparente. J’ai eu l’occasion de rencontrer les 25 plus grands chefs d’entreprise de Cisjordanie, avec Jean-François Copé, et des chefs d’entreprise israéliens qui vont travailler avec les Palestiniens pour bâtir un pays.

Il faut éviter la paupérisation absolue d’un peuple et d’une région susceptible de constituer une zone de danger pour la Jordanie, pour l’Egypte, déjà en difficulté sur la frontière à Gaza, et pour Israël, bien sûr. Nous avons tout intérêt à ce que le développement économique favorise toute la région à condition de l’établir sur un minimum de garanties politiques.


T.J : Toute la région, ou la Cisjordanie seule ?
C.G : Non, on ne fait pas l’impasse sur Gaza puisque c’est Salem Fayed et Mahmoud Abbas qui doivent gérer l’ensemble du problème. Mais c’est vrai. On s’est posé la question. Faut-il laisser dépérir Gaza ? Enfermer le Hamas ? Bien entendu, les conditions humanitaires s’imposent mais on ne peut pas continuer à recevoir des bombes sur Sdérot. 17 Qassam y sont tombés en une matinée quand nous étions avec notre délégation de parlementaires. Il en tombe tous les jours.

Il faut poser la vraie question. C’est à partir de l’Egypte que tout passe par les tunnels : la drogue, les armes, avec les denrées de première nécessité. Il est urgent que dans les conférences internationales à venir cette situation soit réglée. Les Egyptiens avec leur paix froide ne jouent pas le jeu. Ils se reposent sur la corruption d’un certain nombre de fonctionnaires dont ils prétendent ne pas pouvoir réguler l’action.


T.J : Préparez-vous aux critiques. On va dire "Encore de l’argent. Donnez de l’argent. Aidez. Et la paix viendra." Mais cela fait des années que cela dure !
C.G : Des années parce que l’argent n’arrive pas. C’est pourquoi François Zimeray et moi avions déclenché plusieurs commissions d’enquête tant à l’Assemblée nationale qu’au Parlement européen. Mais les temps changent. Aujourd’hui les Palestiniens se rendent compte avec Salem Fayed, le Premier ministre, que l’Autorité palestinienne ne pourra pas s’en sortir avec la communauté internationale si elle continue la politique de Yasser Arafat.


T.J : Nicolas Sarkozy sera-t-il aussi bien entendu par les Palestiniens que l’était Jacques Chirac ?
C.G : C’est vrai que l’orientation beaucoup plus favorable à Israël qu’a pris Nicolas Sarkozy n’enthousiasme pas les Palestiniens. Mais que cela leu plaise ou non, la France dispose d’un poids considérable dans les négociations à venir. Nul n’ignore qu’il y a un vieux fond de réticence. A cet égard, une anecdote. J’ai posé la question à Ramallah à des chefs d’entreprise : pourquoi continuez-vous à tolérer des livres qui sont des brûlots antisémites ? Et j’ai vu à la violence de leurs réactions qu’il y avait encore beaucoup de travail à faire.


T.J : Mahmoud Abbas est-il si solide qu’on puisse traiter avec lui seul ?
C.G : Il appartient à la vieille génération. Je ne crois pas trop à l’avenir de cette génération là. Je miserais davantage sur un homme comme Salem Fayed qui a moins d’autorité politique, mais qui dispose d’une bonne formation d’économiste. Il a travaillé au FMI, à la Banque mondiale, et en l’espace de quelques semaines, il a réussi à montrer qu’il pouvait assainir une partie des finances délabrées par la corruption. Cela paraît idiot, mais payer les fonctionnaires avec des chèques et non plus en liquide constitue un réel progrès.


T.J : Un mot de la majorité UMP à l’Assemblée nationale. Longtemps vos collègues ont été favorables à ce qu’on a coutume d’appeler "la politique arabe de la France".
C.G : C’est exact.


T.J : Ont-ils pris le tournant du rééquilibrage Sarkozy ?
C.G : C’est vrai que pendant les années difficiles, nous n’étions pas nombreux sur cette ligne. Aussi bien à droite qu’à gauche d’ailleurs. Mais tant du côté UMP que du côté socialiste et du nouveau centre, j’ai constaté une évolution très rapide. Nicolas Sarkozy a confirmé ce progrès et l’a amplifié. C’est pourquoi je pense que le travail que nous menons et que je conduis à la tête du groupe d’amitié parachève l’œuvre d’une meilleure connaissance et d’une présentation plus juste d’Israël.


T.J : Combien de parlementaires représentez-vous ?
C.G : On doit être 130 pour le moment. Nous sommes le groupe d’amitié le plus important. Quand j’emmène des députés qui ne connaissent pas Israël, ils n’en reviennent pas de voir le pays tel qu’il est. Ils mesurent en particulier le dynamisme et la volonté de paix qui émanent des Israéliens, quelle que soit leur tendance. Ce peuple est un peuple majeur, qui veut la paix et cherche à jouir du fruit de son intelligence dans la concorde. Ils n’en reviennent pas parce qu’ils étaient persuadés qu’il y avait des militaires partout, qu’Israël ne voulait qu’écraser ses voisins. Or c’est un peuple qui a la volonté de progresser non seulement par la recherche et la haute technologie, mais aussi de développer l’ensemble de la région pour que chacun en profite.


T.J : Comment voyez-vous 2008 ?
C.G : Année faste dans la réconciliation et le rapprochement, j’espère le plus profond possible, entre la France et Israël car c’est le 60ème anniversaire de ce jeune Etat. C’est d’ailleurs une chance extraordinaire que d’avoir Sarkozy et Israël qui cherchent en même temps les meilleures conditions de pacification de la région.


T.J : Vous pourriez ajouter Kouchner ?
C.G : Kouchner, bien sûr, est sur la même ligne que nous. Il n’y a pas de droite ou de gauche là dedans. On sent venir un consensus qui ressemble davantage à celui du début des années 1960 qu’au consensus négatif que l’on a vécu au début des années 1990. Il reste bien entendu quelques poches de résistance au Quai d’Orsay. Mais je crois que l’intention de Nicolas Sarkozy est d’aller le plus loin possible dans la recherche d’un meilleur équilibre.


T.J : Au printemps vous serez à Paris au Salon du livre qui a la bonne idée d’inviter Israël ?
C.G : Je suis moi-même en train de préparer un ouvrage qui sortira je l’espère pour le salon du livre et qui posera les questions en termes politiques : pourquoi la France, ce pays qui a été le plus proche d’Israël pendant près de 15 ans, s’est-il éloigné pendant une vingtaine d’années ?


T.J : Les 15 ans de bonnes relations, c’était sous la 4ème. Et puis... il y a eu en novembre 1967 la petite phrase du général De Gaulle sur le peuple dominateur.
C.G : En effet. Je ne l’oublie pas évidemment. Ni les conséquences qui ont été considérables. Pas plus que la politique d’embargo qui a finalement promu, et c’est le paradoxe, la liberté israélienne en matière de haute technologie. On a vu plus tard comment cette politique a été aggravée par la volonté du Quai d’Orsay de jouer la seule carte arabe au lieu de chercher l’équilibre. C’est ainsi qu’on a marginalisé la France dans la région. Mais je pense que la Conférence de Paris et le 60ème anniversaire d’Israël vont remettre tout cela d’aplomb.

Publié dans FRANCE

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