PETIT FRERE
Petit frère, d'Eric Zemmour
Titre : Petit frère Zemmour ne s’encombre d’aucun tabou. Très habilement, il revêt, à travers son narrateur, homme de gauche aux yeux dessillés, les oripeaux de l’antiracisme des années quatre-vingts. Travesti en dandy rouge, il en profite pour asséner ces vérités qui écorchent tant les oreilles chastes du politiquement et sociologiquement correct. Cynisme des élites, opportunisme des lobbies gay ou féministe, orientalisme magnifié pour les besoins d’une politique étrangère, rien n’est épargné aux admirateurs béats de ces combats de la fin du 20e siècle. Ces derniers continuent d’ailleurs de sévir et constituent toujours la pensée dominante. Comme s’ils s’entêtaient à y voir leur raison de vivre, leur seule façon de sembler moralement beaux et fréquentables. Zemmour nous enjoint, dans un foisonnement iconoclaste, à y jeter un œil critique alors que la foule et les invités le vilipendent régulièrement sur les plateaux télé. Mais ces huées, plus qu’une condamnation, ressemblent plus à une supplique qui semble dire : «Monsieur Zemmour, par pitié, laissez-nous encore y croire. Pourquoi détruire nos illusions? Cette fraternité multiculturaliste est tellement belle. Cessez donc d’être notre empêcheur de nous tromper en rond. Encore une minute, monsieur le bourreau !». Rien de cela ne serait si grave si une logique de guerre ne venait conclure cette démonstration implacable : celle d’une guerre civile sur fond de société tribalisée où les clans vont, inexorablement, vers l’affrontement. Et cela a commencé Nous sommes passés, sans nous en apercevoir, de l’heure des harangues à l’heure du crime. En première ligne : Ilan (2), Sohane (3), Ghofrane(4), Sébastien (5). Tous des jeunes, ceux pour lesquels les apôtres de l’antiracisme des années 80 croyaient jeter les fondations d’un monde meilleur. Ces jeunes qui se ressemblent tant, appartenant à la même classe sociale, mais qui, minés par bien des frustrations et des jalousies, ont commencé à s’entretuer. Zemmour n’oublie d’ailleurs pas de citer René Girard à ce propos : «On ne tue que celui qu’on rêve de devenir». Les coupables sont pointés du doigt : la gauche trotskiste qui a instrumentalisé ces nouveaux damnés de la terre avec, en point de mire, l’idée de déstabiliser l’Etat français tant honni et de précipiter l’arrivée du Grand soir. Mais aussi les grandes forces capitalistes qui se sont servies de l’immigration arabo-africaine pour réduire leurs coûts de production et tirer les salaires vers le bas, y compris ceux des salariés autochtones. Le constat est cruel, féroce, impitoyable, plutôt pessimiste, et le pire est à venir semble conclure Eric Zemmour. Jean-Pierre Chemla © Primo-Europe, 13 janvier 2008 (1) Lire La bombe lente texte datant de 2002 (2) http://www.primo-europe.org/showdocs.php?rub=6.php&numdoc=Do-260011180 (3) http://www.primo-europe.org/showdocs.php?rub=12.php&numdoc=Ac-366400260 (4) http://www.primo-europe.org/chroniques.php?numdoc=Ch-189906487 (5) http://www.primo-europe.org/showdocs.php?rub=12.php&numdoc=Do-403895500 | ||||
Auteur : Jean-Pierre Chemla Date d'enregistrement : 13-01-2008 |