LETTRE OUVERTE A RICHARD PRASQUIER

Publié le par shlomo

Lettre ouverte de Guy Millière à Richard Prasquier, président du Crif 
(08 juin 2008)
Par Guy Millière
Millière
© Metula News Agency











Comment puis-je être traité ainsi ? Que suis-je à vos yeux et à ceux du Crif ? Un ennemi ? Vraiment ? Quelqu’un qui mérite cette indifférence qui frôle le mépris, dont je parlais plus haut ? Je ne puis le croire

[en photo : Guy Millière]





Monsieur le Président,
 
Je connais votre travail pour Yad Vashem et au service de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Je connais aussi vos engagements contre le racisme et l’antisémitisme et votre attachement à Israël. Je ne sais si vous vous définissez plutôt de gauche ou de droite, et cela, de toutes façons, m’intéresse infiniment peu. Ce qui m’intéresse chez un homme est l’étoffe dont il est fait, et il est évident pour moi que la vôtre est cousue d’intégrité et de courage.

J’ai, par delà vous-même, de la sympathie pour ce qu'accomplit et ce qu’entreprend le Crif, dont je lis les lettres d’information et dont je visite régulièrement le site. Le rôle qui vous incombe est celui de rassembleur ; un rôle difficile s’il en est, que vous remplissez avec une efficacité remarquable. Face aux querelles et aux divisions, rien de ce qui relève du combat contre le racisme et l’antisémitisme ne paraît vous être étranger. Je me sens naturellement proche de ces postulats dans mon combat quotidien contre ceux qui entendent relativiser la Shoah ou diaboliser Israël. Aucune de ces inquiétudes ne m’est indifférente.
 
Je ne suis pas Juif, M. le Président. Mon adhésion à ce qui constitue les valeurs fondamentales du judaïsme pourrait me conduire à le devenir, mais je ne suis pas croyant et je ne veux surtout pas tricher. Je suis économiquement, politiquement et philosophiquement un libéral, au sens lockéen du terme : donc un défenseur indéfectible de la liberté des êtres humains dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la liberté de parler, d’aller et venir, de créer, d’entreprendre, de décider de leur destin, de croire ou de ne pas croire. Je me retrouve aussi dans une phrase récemment prononcée par Elie Wiesel, qui disait ceci : « D’abord vient la connaissance, de la connaissance vient l’engagement, de l’engagement découle une philosophie éthique ».
 
Depuis ma position de libéral, je me trouve depuis longtemps confronté à la question des valeurs fondatrices de l’idée de liberté, et celles-ci me semblent indissociables des idées de responsabilité, de transcendance et de Loi : d’où mon intérêt pour le judaïsme et pour ce qu’il porte en lui, à mes yeux, d’infiniment précieux.
 
Je me suis trouvé aussi confronté à la persistance du mal et de la haine, à la réalité des totalitarismes, à la monstruosité absolue du nazisme et du grand Crime commis au cœur de l’Europe, voici soixante cinq années. J’ai pris très à cœur et au sérieux la formule employée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale : « Plus jamais ça ! ».
 
Je me suis ainsi rapproché du peuple juif, me suis imprégné de son histoire et en ai conçu une ligne de conduite qui influence mon existence. J’ai noué des liens intellectuels et affectifs avec Israël et les Israéliens. J’ai beaucoup écrit, des articles et des livres, en français et en anglais. J’ai donné des conférences, suis devenu membre de France-Israël, dont je fais partie désormais du comité directeur.
 
Souvent, M. le Président, j’ai à subir les conséquences de mon choix : des courriers d’antisémites divers débordants d’insultes, d’imprécations et de propos m’accusant d’être un « Juif honteux » ou un « Juif caché ». Quand je suis la cible d’interpellations directes, je me contente de dire que, si j’étais Juif, je serais très fier de l’être. J’ai reçu aussi des courriers et des menaces de mort très précis et explicites venant de tenants de l’islam radical.
 
Le Mrap m’a incriminé, à l’époque où il a mené campagne contre ce qu’il appelle le « racisme islamophobe ». Je défends le droit de critiquer l’islam radical, tout en expliquant en quoi l’islam radical n’était pas une race et en affirmant ma position sur ce point, qu’on pourrait résumer par quelques mots de mon ami Daniel Pipes : « L’islam radical est le problème, l’islam modéré est la solution ».
 
J’ai apporté, de toutes les façons possibles, mon soutien à des victimes d’actes antisémites, et n’ai fait là que me conduire en être humain digne de ce nom, c’est pour cela que je n’en avais, jusqu’à présent, jamais parlé, et c’est pour cela, qu’à partir de cette lettre, je n’en parlerai plus.
 
J’ai constaté les dégâts que causèrent les incriminations du Mrap, aussi fallacieuse furent-elles, et ma réputation en a souffert. J’ai été victime d’une discrimination professionnelle : subir une discrimination parce qu’on pense que vous êtes Juif, parce que vous refusez l’antisémitisme, parce que vous défendez Israël, parce que vous critiquez l’islam radical, parce que vous vous indignez du terrorisme, ou, parce que vous êtes libéral et que vous n’êtes, en supplément, pas anti-américain, vaut, selon moi, une  inscription sur un tableau d’honneur virtuel.
 
Ce qui me conduit à vous écrire est une conséquence supplémentaire de ma ligne de conduite.

J’ai été contacté, voici trois ans environ, par un jeune journaliste, qui s’est présenté à moi en tant que Juif, m’assurant avoir besoin de mon aide face à l’antisémitisme dont il avait été victime, et qui m’a demandé un entretien. J’ai bien sûr accepté. Après notre conversation, je n’ai plus entendu parler de ce jeune journaliste et n’ai vu nulle part trace de notre entrevue. Un peu plus tard est paru un livre, que je considère profondément malsain, et dont le titre en soi est éloquent : OPA sur les juifs de France.
 
J’ai constaté que j’étais diffamé dans ce livre et associé à des positions qui n’ont jamais été les miennes. J’ai constaté que l’un des deux signataires du livre était le jeune journaliste qui avait réclamé mon aide. J’ai également remarqué que je n’étais pas le seul à être traîné dans la boue par cet individu, qui se répandait en propos ignominieux à mon sujet, à la faveur, entre autres, d’un entretien accordé à Primo Europe. Il y avait largement matière à porter plainte dans ledit article mais, dans mon orientation libérale, je ne suis, de façon générale, pas procédurier et ce qui se rapproche d’une police de la pensée me rebute.

Par ailleurs, dans le contexte qui était alors celui d’une vague d’antisémitisme en France, une plainte aurait pu être contre-productive. Si j’ai des ennemis, me disais-je, ils n’appartiennent pas à la communauté juive. Ils ne peuvent, par définition, pas appartenir à la communauté juive.
 
J’ai donc répondu par écrit, dans un contre-article dans lequel j’ai dit mon indignation. Je continue à trouver méprisable qu’on se prétende victime d’antisémitisme pour susciter la générosité de quelqu’un et le trahir ensuite. J’entendais toutefois m’arrêter à la réponse que j’avais rédigée. Je pensais, qu’après avoir menti sur mon compte, mais aussi sur bon nombre d’intellectuels juifs ou de membres actifs de la communauté juive française, après avoir parlé en termes très vils de votre prédécesseur, M.. Roger Cukierman, après avoir accusé la communauté juive française d’être à vendre et Israël de se livrer à de sordides manœuvres pour acheter ce qui était « à vendre », cet individu se sentirait confus et tenterait de se faire oublier. Je m’étais trompé : cet individu appartient à la catégorie redoutable des gens qui n’ont aucune vergogne.

J’ai ainsi fait l’objet de deux plaintes, dont l’objet, évident, consiste à m’asphyxier financièrement, à nuire à ma réputation, et à me réduire au silence.
 
Faire l’objet de plaintes à objectifs sordides, émanant de quelqu’un qui a prononcé les accusations susdites vis-à-vis des Juifs de France et vis-à-vis d’Israël, sans qu’il n’y ait la moindre réaction de la part des organisations qui répondent promptement, en général, lorsqu’on accuse injustement les Juifs de France ou d’Israël, ou lorsqu’on incite publiquement à l’antisémitisme, a provoqué en moi un réel malaise.
 
N’aurait-il vraiment pas été possible de rappeler cet individu à un minimum de décence ? Vraiment, M. le Président du Crif, je vous le demande et dois le faire par écrit, à la connaissance de tous : dois-je considérer que mon refus de l’antisémitisme, mes écrits, mes paroles et mes actes, qui me situent indéfectiblement au côté d’Israël et des victimes de l’antisémitisme, ne sont pas dignes de la plus minime considération de la part de votre institution ? Qu’ils doivent me valoir ce que j’endure : une indifférence qui rappelle le mépris ? Me suis-je trompé d’engagement et de philosophie éthique, comme disait Elie Wiesel, bien que je sois toujours certain de me trouver du côté de la conscience.
 
Encore n’attends-je strictement rien de vous sur l’injustice qu’on m’inflige, sinon, précisément, de rester dans votre rôle, au dessus de ce qui divise. Mais je pose néanmoins très explicitement la question : qui est celui qui divise ? Que je cesse totalement d’écrire quoi que ce soit qui traite de l’antisémitisme et d’Israël, est-ce un objectif que vous partagez ? Suggérez-vous qu’il faudrait davantage d’OPA sur les juifs de France, davantage d’articles anti-israéliens et moins de publications comme mes livres Houdna et Survivre à Auschwitz ?
 
Mon problème se situe au delà de cet individu, qui pense et qui écrit en titre d’ouvrage que les Israélites de Frances sont une minorité à vendre. Celui qui se fait appeler Johann Weisz, de son vrai patronyme, Jonathan Myara, n’aurait probablement jamais pu ester à mon encontre sans l’action très diligente de quelqu’un qui se dit explicitement, et encore avec fierté, l’ami de Weisz-Myara, et qui est, en outre, un membre du comité exécutif national du Crif que vous présidez. Sans ce membre éminent du Crif, Patrick Klugman, que vous connaissez bien, tout m’incite à penser que nulle plainte n’aurait été déposée, et nulle action en justice n’aurait été ouverte contre ma personne. Quand bien même je reconnais l’existence des « droits de la défense », je me dois de vous dire que les propos tenus par Maître Patrick Klugman lors du premier procès étaient émétiques, et que je projette, à ce propos, d’avaler un traitement préventif contre la nausée, avant le second procès, qui doit se tenir le 12 juin prochain.


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