L'ETAT D'ISRAEL, QUELLE LEGITIMITE ? (II)

Publié le par shlomo

Le sionisme, un nationalisme à côté d’un autre.

La fin des grands empires a toujours vu l’émergence de désirs d’autonomie de la part des peuples asservis. De nombreux Etats sont nés de la fin de l’Empire ottoman.

Théodore Herzl, bien avant la déclaration Balfour, pensait déjà, avec d’autres, à cette autonomie pour son peuple. Il rencontra les grands de ce monde pour leur faire part du projet. Il rencontra aussi le chef ottoman, le Sultan Abdul Hamid II, en 1901, bien avant la déclaration Balfour, pour négocier avec lui une autonomie politique pour les Juifs en Palestine.

Le sionisme, au Proche-Orient, est un nationalisme parmi d’autres, né dès la fin du XIXème siècle.

Son homologue arabe palestinien n’est quant à lui, apparu que dans les années 1920. Il naissait à peine tandis que les Juifs en Palestine avaient déjà jeté les bases de leur futur Etat : Assemblée, système scolaire, syndicat, juridiction, armée, etc…

Le nationalisme arabe s’est distingué par ses divisions et son manque de conviction, affaibli par une vision pan-arabe qui n’a jamais abouti. L’identité arabe palestinienne n’existait pas au début du 20ème siècle.

A cette époque, étaient appelés "Palestiniens" non pas les Arabes, mais les Juifs. Les Arabes étaient quant à eux d’abord membres de la grande nation arabe.

C’est dans l’hostilité contre les Juifs, plus que dans la volonté de créer un Etat arabe en Palestine, que le Mufti de Jérusalem El Husseini a conduit l’Exécutif puis le Haut Comité Arabe (HCA) de Palestine.

Les dirigeants arabes étaient semble-t-il plus occupés à empêcher la création d’un Etat juif qu’à fonder un Etat arabe. L’historien Benny Morris rapporte dans son livre "Victimes, Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste" (2) une anecdote très parlante :

En 1925, le Gouverneur britannique de Palestine, le maréchal Plumer, défavorable au sionisme et adepte intransigeant du statu quo, assista à une rencontre sportive à Tel Aviv. Il se leva au moment de l’hymne britannique et commis la bourde de rester debout au moment de l’hymne sioniste, le HaTikva, futur hymne israélien. Cela provoqua l’indignation des délégués arabes. Il leur répondit qu’il était grand temps que les Arabes choisissent leur propre hymne…

Les Arabes ont jusqu’au bout sous-estimé la capacité des Juifs à créer leur Etat, favorisant ainsi son avènement, sans qu’un Etat arabe en Palestine ne voit le jour.

Si l’Etat arabe palestinien n’a pas vu le jour, jusqu’à aujourd’hui, la raison principale n’en est-elle pas l’hostilité arabe envers le sionisme ? La question peut être posée.

Le refus de tout compromis des Arabes de Palestine, à travers leur instance dirigeante, le HCA (Haut Comité Arabe dirigé par le Mufti El Husseini), quelle que soit la solution proposée, fut total. L’UNSCOP (commission des Nations Unies étudiant une solution pour la Palestine) composée de 11 membres, fut boycottée en 1947 par le HCA.

Il est remarquable que même la proposition d’un Etat binational ou fédéral avancée par 4 des membres fut rejetée par le HCA.

Les détracteurs de l’Etat hébreu parlent d’un « péché originel » quand ils évoquent les expulsions d’Arabes lors de la guerre d’indépendance de 1948-49.

Les débats contradictoires ne manquent pas sur cette question. L’approche la plus honnête veut que l’exil des 520 à 700 000 Arabes (statistique la plus plausible) soit dû, non pas à une seule cause, mais à plusieurs :

- l’antagonisme judéo-arabe
-
l’imbrication des populations qui le plus souvent entraîna dans les deux camps une propension au regroupement ethnique au moment des combats
- les faiblesses structurelles de la société arabe palestinienne,
- son manque de cohésion sociale et politique
- l’effondrement de l’ordre public au début de l’année 1948
- les violences meurtrières de la guerre, etc…

Le départ volontaire de bon nombre de notables arabes, des classes moyennes et dirigeantes, dès l’hiver 1947-48, a créé un appauvrissement de la société arabe avec une augmentation du chômage, et a contribué à démoraliser le peuple, favorisant des départs plus nombreux quelques mois plus tard lorsque le conflit s’intensifia.

Des départs ont eu lieu sur recommandation des dirigeants arabes, ceux-ci promettant un rapide retour lorsque les Juif auraient été vaincus.

Enfin, même si aucun plan d’expulsion global n’a existé du côté juif, de nombreux départs eurent lieu sous la menace des combattants sionistes.

Il est intéressant d’entendre une parole crédible, sans complaisance pour aucune des deux parties, venant du côté arabe. Dans son livre "Il était un pays, une vie en Palestine", Sari Nusseibeh, l’actuel Président de l’Université arabe de Jérusalem Al Qods, sur la base des mémoires de son père (nationaliste arabe ayant vécu le conflit aux premières loges, il perdra une jambe en combattant les sionistes), rapporte :

« Beaucoup d’Arabes furent expulsés sous la menace d’une arme même si bon nombre d’entre eux quittèrent leurs foyers de leur propre chef (comme souvent lorsque s’annonce un conflit ou une catastrophe naturelle) en supposant qu’ils y reviendraient, sitôt le calme rétabli. Ils ne se doutaient pas de ce qui les attendait.

Ben Gourion estimait leur expulsion nécessaire, or la guerre [déclenchée par les Arabes, faut-il le rappeler] rendait la chose faisable. L’ordre en fut donné par des politiciens et des militaires qui cherchaient avant tout à rendre leur Etat démographiquement viable ; pas par des bandits remplis de haine. » (3)

Il semble impossible, pour l’heure, d’évaluer numériquement la part de chacune de ces causes imbriquées dans l’exil des Arabes de Palestine.

Mais l’affirmation d’un monstrueux « péché originel » brandie par les anti-sionistes est davantage un outil de propagande parmi d’autres pour délégitimer l’Etat d’Israël, plutôt qu’une approche historique.

(La suite et fin partie III)

Jean-Daniel Chevalier © Primo, Août 2008

2 - Editions Complexe, 2003.
3 - Il était un pays, une vie en Palestine, JC Lattès, 2008

Bibliographie
Jacques DALLOZ, La création de l’Etat d’Israël, La documentation française, 1993.
Elias SANBAR, Palestine, le pays à venir, Editions de l’Olivier, 1996.
Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Editions Complexe, 2003.
Olivier HUBAC, Israël-Palestine un siècle de conflits, Audibert, 2005.
Sari Nusseibeh, Il était un pays, une vie en Palestine, JC Lattès, 2008.
Fabien Ghez & Liliane Messika, La paix impossible, Yago-L'archipel





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