La guerre de Gaza et la nouvelle flambée d’antisémitisme
Manfred Gerstenfeld et Tamas Berzi
(Menahem Macina).
JCPA No. 79, 1 April 2009 / 7 Nissan 5769
Texte original anglais : "The Gaza War and the New Outburst of Anti-Semitism".
Traduction française : Jean Szlamowicz pour upjf.org
- Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale on n’avait pas vu autant de manifestations antisémites et anti-israéliennes que lors de la récente campagne militaire israélienne à Gaza. Les attaques sont venues de toutes les directions. Il y a eu des condamnations virulentes de plusieurs gouvernements et des manifestations d’une plus ou moins grande violence dans un certain nombre de pays. Par ailleurs, il y a également eu des agressions physiques contre des Juifs et des institutions juives. Et beaucoup de discours de haine.
- Certains seuils ont été franchis, en termes de haine. On a beaucoup recouru à l’équivalence entre Israël et l’Allemagne nazie. Pour la première fois, on a entendu des appels au meurtre envers les Juifs dans des manifestations en Allemagne et aux Etats-Unis. Des hommes politiques de premier plan, notamment le ministre des finances de Norvège, ont défilé dans de telles manifestations. Tout indique qu’un ensemble d’entités musulmanes, notamment des mosquées, avaient soigneusement préparé ces événements.
- Un certain nombre d’actions provenant d’entités musulmanes des pays occidentaux ont montré leur désir de conquérir l’espace public et simultanément, d’en éliminer les éléments juifs ou israéliens. Cette nouveauté ne concerne pas que les Juifs mais la société dans son ensemble. Ceux qui veulent s’imposer sur la place publique au détriment des Juifs, aujourd’hui, le feront demain au détriment d’autres segments de la société.
- La guerre de Gaza a montré une nouvelle fois qu’Israël est capable de faire face aux défis militaires qui lui sont imposés. En revanche, la guerre immatérielle et verbale menée contre Israël par des cercles qui siègent aux Nations Unies, par plusieurs partis politiques occidentaux, par les médias, le monde universitaire, les ONG et beaucoup d’autres, est asymétrique et n’a jamais été correctement analysée par les autorité israéliennes. Comprendre les fonctionnements de la propagande anti-israélienne, comprendre quelle est sa dynamique interne, est devenu une nécessité pour peu à peu construire une défense adéquate dans ce domaine.
INTRODUCTION
Durant l’opération israélienne "Plomb Fondu" dans la Bande de Gaza, qui a duré du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, on n’avait jamais vu de tels pics de manifestations antisémites et anti-israéliennes depuis la Seconde Guerre mondiale. Un bon indicateur de la haine exprimée durant cette période est le nombre d’incidents antisémites en Grande-Bretagne : ils ont été multipliés par 8 et ont atteint le nombre de 220 par rapport à la même période l’an dernier (2). Selon des estimations de la Coordination Contre l’Antisémitisme (Coordination Forum for Countering Anti-Semitism), les incidents antisémites dans le monde ont augmenté de 300% (3). Les e-mails de haine envoyés à l’institution représentant la communauté juive en Allemagne sont en hausse de 40% et avoisinent les 200 à 300 par semaine (4).
Les attaques viennent de toutes les directions. Plusieurs gouvernements ont condamné très fermement les actions militaires israéliennes ; certains médias occidentaux ont été d’une négativité violente envers Israël alors même qu’Israël faisait face à un mouvement terroriste dont la charte prêche le génocide. Les accusations nombreuses se sont parfois révélées totalement fausses. Des ONG ont accusé Israël de diverses violations du droit international, dont celles de « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » (5). Certains ont décidé ou tenter de faire appliquer des boycotts anti-israéliens.
La majorité des participants aux manifestations anti-israéliennes qui ont eu lieu dans de nombreux pays étaient musulmans. On a souvent pu y entendre « mort aux Juifs ! », ou des slogans similaires. On a aussi fréquemment fait d’Israël un équivalent contemporain de l’Allemagne nazie. Ces manifestations sont souvent devenues violentes. Quant aux manifestations pro-israéliennes, un certain nombre ont été violemment attaquées.
Parmi les attaques physiques envers des Juifs, le pire a eu lieu au Danemark, où deux Israéliens ont été abattus. Des incendies volontaires et des actes de vandalisme ont pris pour cibles des synagogues dans des pays comme la France, la Belgique, la Suède, l’Italie et les Pays-Bas. On s’en est également pris à divers commerces, aux restaurants kasher, et à des cimetières juifs.
De tels événements et incidents sont si nombreux, qu’on ne peut les dénombrer à l’heure actuelle. Les informations ci-dessous essaient cependant de donner un panorama stratégique des problématiques qui sont en jeu. On prendra soin de remarquer que nous ne nous intéressons pas prioritairement, ici, aux pays arabes et musulmans, où la diabolisation d’Israël est un phénomène souvent permanent.
Malgré l’ampleur considérable des événements mentionnés, il ne faudrait pas en conclure que la majorité des populations des pays occidentaux sont contre les Juifs et Israël, même si un groupe déterminé d’antisémites et d’anti-Israéliens sont susceptibles de créer une atmosphère qui peut le laisser penser, notamment parce que ce groupe est prêt à l’action violente. Tout cela est d’autant plus exacerbé par la distorsion des faits et du contexte du conflit par de nombreux médias.
Déclarations et mesures gouvernementales anti-israéliennes
Parmi les pays qui ont sévèrement condamné Israël, on dénombre l’Iran, la Syrie, le Venezuela et Cuba. Une nouveauté importante est l’alignement de la Turquie sur ces pays. Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a taxé les opérations d’Israël de « crimes contre l’humanité », et il a affirmé qu’Israël utilisait une « force disproportionnée » (6). Cette accusation a fait partie des mensonges récurrents contre Israël.
Le Dr Dore Gold, ancien ambassadeur israélien aux Nations Unies, a expliqué que durant la guerre de Gaza, « d’un point de vue strictement légal, les actions militaires d’Israël sont parfaitement fondées. Selon le droit international, Israël n’est pas censé calibrer l’usage de sa force en correspondance rigoureuse avec la force qui est employée contre lui (on ne demande pas à Israël de fabriquer des roquettes Kassam et de les lancer au hasard sur Gaza » (7).
Cela n’a pas empêché Erdogan d’affirmer devant son parlement : « On dit que mes critiques sont dures mais il me semble qu’elles ne sont pas aussi dures que les bombes au phosphore et les obus tirés par les tanks. Je réagis en tant qu’être humain et en tant que musulman ». Le Premier ministre turc s’est beaucoup exprimé contre les opérations israéliennes à Gaza. A propos de la communauté internationale, il a prévenu que « ceux qui resteront silencieux face à cette agression, auront à rendre des comptes devant l’histoire ». Il a aussi déclaré que « c’était la dignité de l’humanité qu’on assassinait à Gaza » (8). Erdogan n’a jamais utilisé pareil langage pour évoquer les intentions génocidaires ou meurtrières du monde musulman. Selon les critères en application dans l’Union européenne, une telle différence de traitement relève de l’antisémitisme (9).
Evoquant les remarques d’Erdogan à l’égard d’Israël, Soner Cagaptay a pu écrire, dans le Wall Street Journal, que « la rhétorique de M. Erdogan a atteint des sommets de fièvre islamiste » (10). Certaines déclarations du Premier ministre turc contiennent des motifs antisémites typiques. C’est le cas dans son discours du 13 janvier 2009, où il accusait les Juifs « de contrôler les médias et de prendre des civils pour cible intentionnellement ». Il a également déclaré que « les médias soutenus par les Juifs diffusent de fausses informations sur ce qui se passe à Gaza et trouvent des excuses imaginaires pour justifier de prendre pour cibles des écoles, des mosquées et des hôpitaux » (11).
Les interventions enflammées d’Erdogan à l’encontre d’Israël ne sont pas isolées et doivent être comprises dans le contexte de ses efforts pour islamiser graduellement la Turquie (12). Son discours sur la démocratie israélienne renforce les doutes que l’on pouvait avoir sur la capacité de la Turquie à rejoindre l’Union Européenne. En prenant implicitement parti pour le Hamas, que l’Union Européenne considère comme une organisation terroriste, l’attitude de la Turquie va bien plus loin que celle des pays européens les plus critiques envers Israël. Erdogan a également créé un incident lors du forum économique mondial Davos, quand il a quitté la tribune, furieux d’avoir été interrompu par le modérateur, l’éditorialiste du Washington Post, David Ignatius, alors qu’il répondait au discours du président israélien Shimon Peres, qui défendait l’opération israélienne à Gaza (13).
Le comportement d’Erdogan a été applaudi par les autorités iraniennes. Yahya Rahim Safavi, conseiller du Guide suprême Ali Khamenei pour la sécurité, a réagi en disant que « le courage d’Erdogan, au sommet de Davos, contre les crimes de guerre du régime sioniste, est la preuve du réveil islamique du peuple turc, ce qui est le résultat de l’influence de la révolution islamique iranienne » (14).
Rupture des relations
Le président du Venezuela, Hugo Chavez, a sévèrement critiqué Israël, affirmant : « l’Holocauste, c’est ce qui se passe en ce moment à Gaza » (15). Il a ajouté que le président israélien et le président des Etats-Unis devraient être déférés devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Chavez a renvoyé tous les diplomates israéliens de Caracas et a rompu les relations diplomatiques avec Israël (16).
A la suite de la décision de Chavez, le président bolivien, Evo Morales, a décidé d’en faire autant. Il a annoncé qu’il allait demander qu’une inculpation pour génocide soit prononcée à l’encontre des hauts dirigeants israéliens, par la CPI, et a même suggéré que l’on retire son Prix Nobel de la Paix à Shimon Peres (17).
Le 5 janvier, la Mauritanie, le seul pays arabe - avec la Jordanie et l’Egypte - à avoir des relations officielles avec Israël, a ordonné à son ambassadeur à Tel Aviv de rentrer pour consultations (18). Le 17 janvier, la Mauritanie a décidé de geler ses relations politiques et économiques [avec Israël] (19). Début mars, la Mauritanie a demandé à Israël de fermer son ambassade à Nouakchott (20).
Le Qatar, seul pays arabe du Golfe à avoir des rapports avec Israël, a demandé à Israël de fermer son bureau commercial à Doha et de retirer son personnel jusqu’à ce que la situation s’améliore. Le Qatar a également fermé son bureau commercial en Israël (21).
Réactions européennes
L’attitude des gouvernements des pays de l’Union Européenne à l’égard du conflit ont été très divergentes. Des pays comme l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la République Tchèque et la Hongrie ont montré beaucoup de compréhension pour l’action israélienne et l’ont considérée comme de la légitime défense. Ils ont affirmé, sans aucune équivoque, la responsabilité du Hamas dans cette guerre (22).
Durant la campagne de Gaza, la présidence de l’UE a changé et, le 1er janvier 2009, c’est la république tchèque qui en a hérité, après la France. Une semaine après le début des opérations israéliennes à Gaza, deux délégations diplomatiques de l’UE ont visité Israël et d’autres pays du Moyen-Orient. Au même moment, le président Nicolas Sarkozy a appelé à un cessez-le-feu humanitaire de 48 heures, qui a été rejeté par Israël. La délégation européenne, dirigée par le ministre des affaires étrangères tchèque, Karel Schwarzenberg, est arrivée sans propositions précises, Karel Schwarzenberg parlant d’une grande diversité de positions dans le groupe (23).
La voix la plus critique parmi les gouvernements européens a été celle du ministre irlandais des affaires étrangères, Micheál Martin. Il a condamné les frappes aériennes israéliennes en les considérant comme « dévastatrices » et comme « des opérations offensives ». Il a également condamné le lancement de missiles contre le territoire israélien (24). A propos de l’opération terrestre, il a parlé « d’attaques indiscriminées », et soutenu que l’opération ne pouvait absolument pas se justifier et devait être arrêtée immédiatement » (25).
Martin a affirmé devant les membres du Dáil, le parlement irlandais : « avant tout conflit, j’avais, avec le gouvernement, régulièrement condamné les attaques de missiles contre le sud d’Israël ». Cependant, un article de Bruce Arnold, dans le journal irlandais Independent, a révélé que, durant l’année 2008, quand les attaques de missiles avaient lieu, aucune des déclarations à la presse du ministre ou de son prédécesseur concernant le Moyen-Orient n’avait mentionné le Hamas. Comme le note Arnold, « il n’y a pas eu de 'condamnation régulière du Hamas', parce qu’il n’y a pas eu de condamnation du tout » (26).
La Suède a été l’autre pays de l’UE, dont la position a été globalement accusatrice vis-à-vis d’Israël. Le ministre des affaires étrangères, Carl Bildt, a décrit les frappes aériennes israéliennes comme « un grave prolongement de l’escalade des tensions ». Il a cependant reconnu que la guerre avait éclaté parce que le Hamas avait refusé de reconduire le cessez-le-feu, et il a déclaré : « même si le cessez-le-feu n’a pas rempli les attentes, notamment en ce qui concerne l’allègement du blocus de Gaza, il aurait été plus bénéfique à toutes les parties s’il avait continué à être respecté ». Il a aussi décrit la stratégie israélienne d’isolement de la bande de Gaza, gouvernée par le Hamas, comme « contreproductive » (27).
Le gouvernement norvégien, dont le pays ne fait pas partie de l’Union Européenne, a été également globalement négatif envers Israël. Le ministre des Affaires étrangères, Jonas Gahr Støre, a déclaré, entre autres : « l’offensive terrestre israélienne constitue une escalade dramatique du conflit. La Norvège condamne fermement toute forme d’opération militaire qui cause des souffrances graves aux civils et appelle Israël à retirer ses forces immédiatement ». Il a ajouté : « Gaza est la zone la plus densément peuplée au monde et les effets d’une opération terrestre sur une population civile qui souffre depuis longtemps, qui subi depuis de nombreuses années un régime d’enfermement très strict, et maintenant, de nombreuses journées d’attaques militaires, seront très graves » (28).
Tout à sa hâte de condamner Israël, Støre a repris une contre-vérité fréquemment utilisée. La bande de Gaza est loin d’être la zone la plus peuplée au monde. Singapour, Hong Kong, ou même Tel-Aviv et sa banlieue, sont plus peuplées (29).
II. MANIFESTATIONS
Les manifestations contre Israël se sont rapidement mises en place. Des entités musulmanes extrémistes et des organisations de gauche avaient vu venir la campagne de Gaza. Plusieurs dirigeants des communautés juives pensent que les groupes anti-israéliens étaient bien préparés et bien mieux organisés que la communauté juive et ses alliés.
Le professeur Dina Porat, qui dirige l’Institut Stephen Roth pour l’étude de l’antisémitisme et du racisme contemporain, à l’université de Tel-Aviv, a déclaré que les réactions à l’opération Plomb Fondu prouvaient que les musulmans européens « avaient organisé à l’avance une campagne contre les Juifs et Israël, car, pour eux, cela revient au même », et qu’ils « n’attendaient qu’un signal pour lancer cette campagne et l’analogie avec le nazisme ». Selon Dina Porat, l’association avec le nazisme avait d’autant plus de poids quand des européens de gauche collaboraient avec les musulmans.
Elle ajoutait que « le poids de l’Holocauste est tel pour les Européens qu’accuser les victimes d’être comme les nazis leur permet de se défaire d’une partie de ce fardeau de culpabilité ». Les propos de Dina Porat proviennent d’une réunion du Congrès Mondial Juif, à la veille du jour de commémoration international de l’Holocauste (30).
Une confirmation de ce travail commun nous est donnée par une source arabe. Le Dr Kemal Helbawy, ancien porte-parole de l’Organisation Internationale des Frères Musulmans en Europe, a déclaré qu’il existait une coordination entre les Frères Musulmans et des organisations juives comme le Comité Israélien contre la Démolition des Maisons et Juifs Contre le Sionisme (Jews against Zionism) afin d’organiser des manifestations à Londres (31).
A Londres, d’importantes manifestations anti-israéliennes ont eu lieu et certaines se sont avérées violentes. Lors d’un de ces rassemblements, 600 manifestants ont affronté la police devant l’ambassade israélienne (32). Le 3 janvier, 5 000 manifestant se sont séparés du groupe de 12 000 organisé par la coalition Stop the War. Ils ont brûlé des drapeaux israéliens et lancé des projectiles dont des feux d’artifices aux policiers (33). Une semaine plus tard, une autre manifestation organisée par le même groupe s’est également montrée violente. Selon la police métropolitaine, 20 000 personnes y ont participé, mais la BBC a estimé qu’il y avait 50 000 personnes. Certains manifestants ont détruit les vitrines d’un Starbucks Cafe et trois policiers ont été blessés par des projectiles (34).
C’est aussi à Londres qu’a eu lieu un des rassemblements pro-Israéliens les plus importante d’Europe. Le 11 janvier, selon les estimations des organisateurs, 15 000 personnes sont venus manifester leur soutien à Israël, sous la bannière de « Paix en Israël, Paix à Gaza ». On a compté parmi les orateurs le grand rabbin Jonathan Sacks, l’ambassadeur israélien, Ron Prosor, et un certain nombre de parlementaires britanniques (35).
Paris a également été le lieu de rassemblements importants. Une première manifestation anti-israélienne de 1 400 participants s’est déroulée sans incident (36). Le 3 janvier, la plus grande manifestation anti-israélienne en France a rassemblé 21 000 personnes dont 500 se sont conduits de manière violente. Ils ont lancé des objets sur les policiers, brûlé des drapeaux israéliens, incendié des voitures et vandalisé plusieurs magasins. Dix policiers ont été blessés durant les heurts, et 20 manifestants ont été arrêtés (37). Le lendemain, un rassemblement pro-israélien a réuni 12 000 personnes, selon les organisateurs, et 4 000, selon la police (38).
Il y a eu beaucoup de manifestations anti-israéliennes en Allemagne, notamment à Düsseldorf, Francfort et Berlin. A Berlin, le Hamas et le Hezbollah ont été salués et un drapeau israélien brûlé (39). Après bien des décennies, les cris de « mort aux Juifs ! » ont à nouveau retenti à Berlin, cette fois-ci essentiellement de la bouche de musulmans (40). Lors d’un rassemblement pro-palestinien à Duisburg, la police a retiré deux drapeaux israéliens flottant aux balcons d’appartements de particuliers (41). Des manifestations pro-israéliennes ont eu lieu à Berlin, Francfort et Munich, qui ont rassemblé en tout 2 000 personnes (42).
Au cours de la seconde guerre du Liban, à l’été 2006, il y avait eu des incidents antijuifs en Norvège, dont des coups de feu à la synagogue d’Oslo, ce qui avait constitué l’incident le plus grave en Europe (43). Cette fois, la Norvège a été à l’avant-garde des démonstrations de haine anti-israélienne. C’est le seul pays où un membre du gouvernement, en l’occurrence, la ministre des Finances, Kristin Halvorsen, leader du Parti de la Gauche Socialiste, a défilé contre Israël dans une manifestation où l’on a entendu des cris de « Mort aux Juifs ! », même si les médias norvégiens en ont peu parlé. Un quotidien israélien, en revanche, en a fait le récit, évoquant aussi des protestations de l’ambassade israélienne (44).
A Oslo, lors d’une manifestation qui rassemblait environ 40 000 personnes, des pierres et des œufs furent lancés sur les policiers par un petit groupe qui refusait de quitter le cortège lors de la dispersion de la manifestation (45). Le 8 janvier, un millier de manifestants pro-palestiniens ont participé à un rassemblement pro-israélien organisé par le Parti du Progrès, qui est dans l’opposition. Ils étaient armés de couteaux, de battes de baseball et de cocktails Molotov (46). La police les a empêchés d’attaquer les manifestants pro-Israël, mais des voyous s’en sont pris à la police et on détruit des vitres de magasins sur la grande avenue d’Oslo. Six personnes ont été blessées, dont cinq policiers. Les 26 personnes arrêtées étaient de 13 nationalités différentes, au nombre desquels figuraient notamment des immigrés pakistanais, palestiniens, turcs, marocains, iraniens, jordaniens, somaliens, irakiens et afghans (47).
Johan Fredriksen, chef d’état-major de la police d’Oslo, a souligné « qu’une telle situation ne s’était pas produite en Norvège depuis le début des années quatre-vingts » (48). Après s’être exprimé lors d’un meeting pro-israélien, la dirigeante du Parti du Progrès, Siv Jensen, a dû être protégée de manière permanente par des gardes du corps, en raison des menaces dont elle avait été l’objet (49).
Des manifestations anti-israéliennes importantes ont également eu lieu en Suède. C’est principalement grâce à des bloggers suédois que l’on sait que des membres importants du Parti Social Démocrate (le parti le plus important du pays) ont pris part à des manifestations de haine envers Israël. Mona Sahlin, qui dirige ce parti, a participé à un meeting à Stockholm (50), où l’on a déployé des drapeaux du Hezbollah et du Hamas, tandis qu’on brûlait un drapeau israélien (51). Jan Eliasson, ancien ministre des affaires étrangères (52), et Wanja Lundby Wedin, qui dirige la Confédération des Syndicats Suédois (53), ont également participé à cet événement.
A Norrköping, un autre membre important du Parti Social Démocrate, Lars Stjernkvist, s’est exprimé lors d’une manifestation, tandis qu’étaient déployés derrière lui un drapeau du Hezbollah et des swastikas. Un blogger a pu le photographier (54). Quand la nouvelle a fait la une des journaux, le quotidien social-démocrate régional, Folkbladet, a reproché au blogger d’avoir monté l’affaire en épingle (55). A Göteborg, on a brûlé des bouts de tissu avec des symboles israéliens. A Malmö, un autre député social-démocrate, Luciano Astudillo, s’est exprimé pendant qu’on brandissait à ses côtés une image du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah (56).
Les Pays-Bas n’ont pas échappé à des rassemblements anti-israéliens. A Amsterdam, deux députés du Parti Socialiste d’extrême gauche, Harry van Bommel et Sadet Karabulut, se sont joints aux autres manifestants qui criaient « Intifada, Intifada, Palestine libre » (57).
Bram Moszkowicz, un avocat hollandais de renom, a déposé plainte auprès du procureur contre deux hommes politiques pour incitation à la haine, à la discrimination et à la violence. Selon lui, ils étaient tous les deux meneurs d’une manifestation où l’on a entendu des cris « Hamas, Hamas, les Juifs à la chambre à gaz ». Selon Moszkowicz, comme les deux parlementaires ne se sont pas désolidarisés de ces cris, on peut considérer qu’ils étaient en accord avec eux (58). Parmi les 30 entités ayant organisé l’événement, on comptait plusieurs associations musulmanes, donc le Milli Görüs turc et le Conseil des Mosquées Marocaines des Pays-Bas, ainsi que Socialistes de l’Internationale (un groupe d’extrême gauche), le comité hollandais pour la Palestine et un petit groupe de Juifs anti-sionistes, Ander Joods Geluid (59).
Une bannière de la manifestation proclamait que « Anne Frank se retourne dans sa tombe » (60). L’utilisation abusive de la mémoire d’Anne Frank, pour soutenir la société palestinienne, qui est abondamment touchée par l’appel au génocide des Juifs, s’est produit en diverses occasion aux Pays-Bas (61). Ce sont des cas typiques d’inversion de l’Holocauste (62).
Le 11 janvier s’est tenue à Bruxelles une grande manifestation où des drapeaux israéliens ont été brûlés et où l’on a brandi des effigies de cadavres d’enfants sanguinolents (63). Le 16 février, le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique [CCOJB] a officiellement déposé plainte pour racisme, antisémitisme et xénophobie auprès du Centre pour l’Egalité des Chances et du Combat contre le Racisme. Le CCOJB accuse trois des partis wallons, le Parti Socialiste, le CDH chrétien, et le parti écologiste, ainsi que des syndicats et 86 ONG qui avaient pris part à l’organisation de la manifestation (64).
Le CCOJB a souligné que cette manifestation, soi-disant pacifique, avait donné lieu à un véritable déchaînement d’antisémitisme dans les rues de Bruxelles. Des bannières représentaient les Juifs comme des démons ou comme des nazis, d’autres faisaient référence au "Protocole des Sages de Sion". D’autres pancartes comparaient Gaza à Auschwitz. Le CCOJB a déclaré que de telles expressions étaient à la fois moralement et légalement condamnables (65).
A Athènes, 3000 manifestants ont défilé et jeté des pierres devant l’ambassade d’Israël (66). Ils ont également jeté des cocktails Molotov en direction des responsables des forces de police (67). Ces manifestations intervenaient après des semaines d’émeutes, sans lien avec Gaza, qui avaient fait suite à la mort d’un adolescent tué par la police (68). A Nicosie, les participants se sont attaqués « aux policiers anti-émeutes à coups de pierres, de bâtons, de chaussures et par des jets d’oranges, près de l’ambassade israélienne » (69). A Rome, ils étaient des milliers à défiler avec des pancartes « superposant des swastikas et des étoiles de David » (70). Des manifestations ont aussi eu lieu à Milan, Turin, et Venise (71). L’une des plus importantes manifestations pro-israéliennes a eu lieu le 14 janvier à Rome. Plus d’une centaine de parlementaires de différents partis y ont participé (72). A Barcelone, 30 000 personnes ont défilé contre Israël en « portant des couvertures tachées de sang et de faux cadavres d’enfants » (73). A Madrid, selon les organisateurs, ce sont 250 000 personnes qui ont pris part à une manifestation pro-palestinienne. L’un des orateurs a dit que la bande de Gaza était un camp de concentration (74).
C’est en Turquie qu’a eu lieu ce qui fut sans doute la plus grande manifestation anti-israélienne, où des centaines de milliers de personnes ont défilé en divers lieux. On estime que 200 000 personnes ont participé à un rassemblement organisé par un petit parti islamiste à Istanboul. Il y a également eu des manifestations importantes dans les provinces du sud-est, comme Diyarbakir, entre autres (75).
Aux Etats-Unis ont eu lieu de nombreuses manifestations contre Israël. Les participants étaient essentiellement des Arabes et des musulmans (76). On a également évoqué des manifestations en Australie et en Nouvelle-Zélande. A Sydney, un Juif a été agressé lors d’un meeting pro-palestinien (77). A Wellington, en Nouvelle-Zélande, un prêtre catholique, le père Gerard Burn, a aspergé de peinture rouge mélangée à une goutte de son propre sang, le mémorial consacré à Yitzhak Rabin (78). Le 14 janvier, en Afrique du Sud, la ministre adjointe des Affaires étrangères, Fatima Hajaig, a déclaré, lors d’un meeting pro-palestinien, que « l’Amérique, comme la plupart des pays occidentaux, est contrôlée par l’argent juif ». Elle a, par la suite, présenté des excuses pour ces propos (79).
En Argentine, à la suite d’une manifestation, un dirigeant d’extrême gauche a traité les Juifs de « rats », sur une grande chaîne de radio (80). Certains manifestants, qui arboraient des t-shirts du Hezbollah - responsable, selon un tribunal argentin, de l’attentat d’un immeuble en 1994, qui avait fait 85 morts et des centaines de blessés - se sont dirigés vers le bâtiment de l’association juive AMIA. Le président de l’institut national contre la discrimination (INADI) est resté silencieux sur les manifestations antisémites ayant eu lieu dans le pays (81).
Un grand nombre d’incidents antisémites ont eu lieu en divers endroits, bien plus que durant la seconde guerre du Liban. Une fois encore, c’est en Scandinavie qu’a eu lieu le plus grave. Dans un centre commercial de la petite ville danoise d’Odense, on a tiré sur deux Israéliens, qui ont été blessés. Un suspect danois d’origine libanaise, dont les parents sont Palestiniens, a été arrêté (82).
La plus grande quantité d’incidents a eu lieu en France et en Grande-Bretagne. De nombreuses attaques de synagogues ont été perpétrées en France. On a lancé une voiture enflammée contre les grilles d’une synagogue de Toulouse (83). A Villeneuve-St-Georges, près de Paris, on a mis le feu à la porte de la synagogue et, dans une autre banlieue, un jeune homme a été poignardé à quatre reprises quand deux hommes ont reconnu un symbole juif à son cou (84).
A Lingolsheim, en Alsace, la porte d’entrée de la synagogue a été taguée par ces mots : « Assassins ! » et « Longue vie à la démocratie israélienne ! ». A Metz, au cours d’un défilé pro-palestinien, 200 jeunes se sont approchés de la synagogue mais ont été tenus à distance par la police. A Toulon, on a incendié une voiture sur le parking de la synagogue. A Villeurbanne, près de Lyon, on a cassé les vitres d’une synagogue. A Paris, on a projeté un liquide jaunâtre sur une synagogue et, dans une autre, des affiches ont été apposées sur les murs avec comme slogans « Partez de Gaza ! ». A Sedan, on a brisé les vitres de la synagogue et tracé une croix sur le mur. A St. Denis, dans la banlieue parisienne, des cocktails Molotov ont été lancés sur la synagogue dont les vitres ont été brisées. La même chose s’est produite à Schiltigheim, en Alsace (85). Le 13 janvier, à Lille, une swastika et le sigle ZOG (Zionist Occupation Government) ont été peints sur la porte de la synagogue. Le 14 janvier, à Mulhouse, en Alsace, des graffitis comme « A mort Israël ! », « Vive la Palestine ! » et « Nike (sic !) la France », ont été dessinés sur les murs de la synagogue (86).
Le Community Security Trust, une association de défense juive britannique, a rapporté quelques exemples, parmi les multiples incidents dont a été victime par la communauté juive. On compte notamment un incendie d’une synagogue du nord de Londres, deux agressions d’hommes visiblement juifs, par des sympathisants pro-palestiniens, des inscriptions anti-israéliennes sur des synagogues et d’autres bâtiments juifs, et des graffitis antisémites dans des zones où il notoire qu’habite une population juive (87) Le Sun a parlé d’un site extrémiste islamique qui a publié une liste de Juifs célèbres à prendre pour cible en priorité, dont la chanteuse Amy Winehouse, le ministre des affaires étrangères David Miliband, et l’avocat Anthony Julius (88).
De nombreux autres incidents antisémites ont eu lieu dans divers endroits. En Italie, des œufs remplis de peinture rouge ont été jetés sur une synagogue à Pise (89), et un engin explosif a été trouvé près du centre Loubavitch de Florence (90). En Belgique, une bombe à essence a été lancée sur une synagogue de Bruxelles ; les vitres d’une synagogue de Charleroi ont été brisées (91) ; une ménorah a été brûlée et on a peint des swastikas sur les vitrines de commerces juifs (92). A Istanboul, une bombe a explosé près de la banque israélienne Pozitif et des affiches, prospectus et graffiti ont envahi la ville. A Izmir, on a écrit sur la porte d’une synagogue : « Nous vous tuerons ! » (93). A Ankara, un match de basketball entre le Turk Telekom et l’équipe israélienne de Bnei Hasharon a été annulé après que les supporteurs turcs eurent envahis le terrain aux cris de « Allahu Akbar ! » et de « Mort aux Juifs ! » (94).
Plusieurs agressions antisémites ont eu lieu en Suède. A Helsingborg, on a mis le feu aux escaliers d’un centre juif. A Stockholm, l’ambassade israélienne a été couverte de graffitis déclarant : « Ecrasez Israël, vous avez brisé le cessez-le-feu ! », et autres imprécations comme « Vous mourrez ! », et « Assassins ! » (95). A Malmö, une chapelle funéraire juive a été, à trois reprises, trois fois l’objet d’attaques (96).
Le président de la communauté juive du Venezuela, Abraham Levy Ben Shimol, a raconté aux participants du Congrès Mondial Juif que des swastikas avaient été dessinées sur les murs d’une synagogue de Caracas, avant d’ajouter que « là où nous vivons, l’antisémitisme est permis : il vient du président lui-même, du gouvernement, des médias. Comme le gouvernement est très influent dans la vie quotidienne de ses relais locaux, son influence est d’autant plus efficace. » (97).