Dhimmi du mois: Faut-il oublier Averroès sous prétexte qu’il y a eu Ben Laden? (But Averroes was a jihadist, too)
Faut-il oublier Averroès sous prétexte qu’il y a eu Ben Laden? À suivre un tel amalgame, il faudrait oublier le Christ sous prétexte qu’il y a eu Torquemada. Henri Pena Ruiz
A l’heure où, sous les vivats des foules, le premier président multiculturel des Etats-Unis n’en finit pas de battre la coulpe de son propre pays et, refusant d’appeler un génocide par son nom, de vanter les supposés mérites de l’islam …
Et au lendemain d’une prétendue conférence onusienne sur le racisme où, sous couvert de dénonciation du prétendu seul racisme sioniste et appuyé par le trio de démocrates de choc Chavez-Castro-Poutine, un notoire rayeur de cartes tentait de rameuter la rue arabe et de sanctuariser ses plus grands perpétrateurs dont l’épurateur soudanais de musulmans non arabes tout récemment encensé, au mépris du mandat international dont il est l’objet, par la Ligue arabe …
A signaler ce petit joyau de relativisme bien-pensant et d’équivalence morale, repéré par le site Riposte laïque, du philosophe et membre de la Commission Stasi Henri Pena Ruiz aux rencontres internationales laïques de Saint-Denis au début du mois …
Particulièrement exemplaire de toute une frange de l’Occident bien-pensant et adepte du tout se vaut refusant de reconnaître l’évidence de l’origine judéo-chrétienne des droits de l’individu comme leur négation dans les pays musulmans …
Où, renvoyant dos à dos Jésus au chef de tribunal islamique et prêcheur du jihad Averroes, Torquemada à Ben Laden et sans voir qu’une large part du Moyen-orient actuel a été pendant des siècles bien avant son islamisation guerrière (Jérusalem comprise d’où le contresens de présenter les croisades comme une agression), on récite le nouveau et interminable bréviaire des exactions du seul Occident chrétien et de son prolongement actuel israélien (bûchers de l’Inquisition, Index des livres interdits, expéditions coloniales, ethnocides, bombardements de civils, camps d’extermination, notion judéo-chrétienne de chef de famille, internement des magdalena sisters irlandaises, assassins et colons intégristes juifs) ……
L’islam se voyant lui paré de tous les apports (sauvetage de l’héritage culturel grec, dialogue des cultures, invention de la lecture rationnelle des textes et même des « Lumières ») …
Extraits :
Un tel idéal n’est le produit d’aucune civilisation. Il a été conquis de haute lutte dans l’Occident comme il peut l’être ailleurs. A l’époque, c’était le cléricalisme catholique, essentiellement, qui lui faisait obstacle. Rompons aussi avec les illusions de perspective et avec les amnésies sélectives. Il ne faut pas que la géographie présente rende aveugle sur l’histoire passée. Chaque monothéisme a engendré ses formes d’oppression et de communautarisme, et nul ne peut donner la leçon à l’autre en la matière. C’est en Occident « chrétien » que furent inventés les croisades, les bûchers de l’Inquisition, l’« Index des livres interdits », les expéditions coloniales assorties d’ethnocides, les bombardements massifs de population civile et les camps d’extermination à caractère raciste. Joli bilan.
C’est en terre arabo-musulmane qu’a été sauvé l’immense héritage de la civilisation grecque, qu’on a inauguré une coexistence harmonieuse et un dialogue exigeant des grandes cultures, que s’est inventé le principe de lecture rationnelle des textes (avec Averroès) : les « Lumières » y ont devancé les Lumières européennes de plusieurs siècles.
Serions-nous assez amnésiques pour l’oublier, et feindre de croire aujourd’hui qu’il n’y a d’Islam qu’intégriste et de christianisme que libérateur ? Certes, la figure intégriste de l’Islam politique est venue depuis ternir singulièrement l’image évoquée. Mais faut-il oublier Averroès sous prétexte qu’il y a eu Ben Laden ? À suivre un tel amalgame, il faudrait oublier le Christ sous prétexte qu’il y a eu Torquemada.
En réalité, nulle civilisation n’est réductible à un de ses moments, et c’est faire preuve d’une lecture partisane – à moins qu’elle ne soit simplement mal instruite- que de vouloir hiérarchiser les civilisations comme prétend le faire Samuel Huntington dans sa vision apocalyptique du « clash des civilisations ». Ceux qui dressent la croix contre le croissant en prétendant faire de l’Europe un club chrétien sont les ancêtres momifiés des fous de Dieu qui dressent l’Islamisme politique contre les « croisés ». Symétrie des ostracismes. Les uns et les autres développent une critique de la modernité laïque, de la raison, des Lumières, comme si on pouvait leur imputer les pires maux de notre époque. Il est si commode de prendre à témoin l’opinion en insistant sur les indéniables ravages produits par une mondialisation capitaliste inhumaine, et de faire semblant de les imputer aux idéaux laïques et démocratiques !
(…)
Un tel exercice, l’histoire le montre, n’est l’apanage d’aucune civilisation particulière, et c’est de lui que naît le patrimoine universel de la pensée libre, affranchie des tendances les plus oppressives et les plus rétrogrades qui se manifestent en chaque civilisation. Cessons de confondre le fait de respecter toutes les cultures avec celui de tout respecter dans les cultures. Car enfin, la répudiation unilatérale, la notion judéo-chrétienne de chef de famille, la lapidation pour adultère, la culpabilisation du plaisir sexuel, la mutilation du clitoris, sont-elles choses respectables ?
(…)
La laïcité n’est pas une particularité culturelle, et nulle religion ne lui est plus favorable qu’une autre. En Occident, elle fut conquise de haute lutte, souvent dans le sang et les larmes, à rebours de la tradition religieuse dominante. C’est pourquoi aujourd’hui on ne peut s’acharner unilatéralement contre une figure théologico-politique particulière, celle de l’islamisme politique, évidemment distincte de l’Islam. Certes, il ne faut lui faire aucune concession, et être intraitable tant sur la laïcité des institutions publiques que sur l’égalité des femmes. Mais cela doit se faire au nom d’une laïcité universaliste, qui ne soit pas à géométrie variable. La France laïque de la loi sur les signes religieux de Mars 2004 a demandé aux élèves d’ôter le voile, la kipa ou la croix charismatique en entrant dans les espaces scolaires. La même France, entre 1883 et 2005, a fait ôter les crucifix des salles de classes, des mairies, des palais de justice. Et en 1937 une circulaire du ministre Jean Zay avait déjà prohibé les signes religieux dans les établissements scolaires. Ce n’est donc pas une « loi sur le voile » qui a été votée sur proposition de la Commission Stasi, mais une loi sur l’ensemble des manifestations ostentatoires des religions.
(…)
Gardons en mémoire la jeune étudiante algérienne Katia Bengana, assassinée par les Islamistes parce qu’elle refusait de porter le voile : son courage est une leçon de liberté, hélas chèrement payée. N’oublions pas non plus les « magdalena sisters », ces femmes-parias de la très catholique Irlande, qui les enfermait et les pliait aux travaux forcés, pour avoir un jour « péché » contre une morale sexuelle intégriste. N’oublions pas non plus les intégristes du judaïsme qui assassinèrent des musulmans à Hébron ou colonisent des terres palestiniennes en considérant la Bible comme le titre de propriété du « grand Israel (Eretz) » supposé « terre promise » au peuple élu.
La domination masculine est la propre des sociétés marquées par les trois grands monothéismes. L’Ancien Testament fait dire à Dieu s’adressant à Ève : « Tes désirs te porteront vers ton mari, et lui dominera sur toi » (Genèse III, 15). À mettre en écho avec une prière juive traditionnelle du fidèle masculin : « Je remercie Dieu de na pas m’avoir fait naître femme ». Saint Paul, dans sa Lettre aux Éphésiens (V, 22), stipule : « Que les femmes soient soumises à leurs maris ». À mettre en écho avec la notion juridique de « chef de famille », présente dans les livrets de mariage occidentaux jusqu’à une époque récente. Et le Coran n’est pas en reste, qui précise : « Les femmes ont droit à l’équivalent de ce qui leur incombe selon les convenances. Les hommes ont toutefois sur elles préséance d’un degré ». (Sourate II, verset 228). À mettre en écho avec le Code de la famille, qui depuis 1984 organise en Algérie l’inégalité des droits des femmes et des hommes.
La laïcité, un idéal d’émancipation universel
Henri Pena Ruiz
Saint-Denis, rencontres internationales laïques
5 avril 2009
Faite pour tout le peuple, la république laïque libère le droit de ce qui divise les hommes. Ni religions reconnues, ni athéisme consacré. Ni credo imposé, ni credo interdit non plus. Une même loi vaut pour tous. À la liberté de conscience se conjugue la pleine égalité de celui qui croit au ciel et de celui qui n’y croit pas, comme des divers croyants. La complicité tendue de Dieu et de César laisse la place à l’affranchissement réciproque de Dieu et de Marianne.
Les choix qui règlent la vie personnelle sont d’autant plus libres que la laïcité radicalise le respect de la sphère privée en émancipant le droit de tout privilège accordé à un modèle d’accomplissement. Le droit ainsi promu pose comme règles communes des principes d’émancipation : liberté de conviction et d’éthique de vie, égalité de principe de tous les êtres humains, égalité des sexes, égalité de droits sans distinction d’origine ou de conviction. Quant aux conditions positives d’une telle liberté, l’Etat laïque les assure pour tous s’il joue pleinement son rôle par la promotion de l’instruction publique et de la justice sociale. Contrairement aux particularismes exclusifs, la laïcité permet de concilier la diversité des croyances et des patrimoines culturels avec l’égalité des droits. Ainsi, le bien commun échappe à la guerre des dieux. Et l’ouverture à l’universel est préservée par l’espace civique, pour le plus grand bien de la richesse culturelle des peuples, appelée à se manifester dans la liberté et non enrôlée dans des volontés très politiques de mise en tutelle.
La laïcité n’est pas le degré zéro des convictions. Elle parie sur des hommes libres, maîtres de leur jugement, capables de concorde authentique. L’école laïque apprend à ne pas transiger avec l’exigence de vérité : elle fait le pari de la culture et du jugement éclairé. Elle ose la liberté radicale d’une pensée maîtresse d’elle-même. Cette confiance dans la souveraineté de la pensée humaine est la vertu propre à la laïcité, force d’âme fraternelle où se transcendent les “différences”. Liberté, égalité et fraternité trouvent en elle leur sens plein et généreux.
Voilà le message que nous rappelle aujourd’hui l’idéal laïque, et il peut faire le tour du monde. Car il libère la création des censures, la culture des rapports d’oppression qui se réclament d’elle, les patrimoines collectifs des captations identitaires qui veulent faire que les hommes marchent au pas. Ce faisant, elle permet un authentique dialogue des civilisations, un libre métissage si l’on veut. Mais n’oublions pas que l’on ne peut « métisser » la liberté avec l’esclavage, l’égalité des sexes avec l’oppression traditionnelle des femmes, l’épanouissement créateur de l’art et de la culture avec la police politico-religieuse des œuvres et des pensées.
Du Maghreb, de France, d’Europe et du monde entier, osons dire tout haut les principes d’une humanité réconciliée de la seule façon qui permette d’éviter le retour des fanatismes meurtriers : l’union des hommes par ce qui les élève au meilleur d’eux-mêmes. Liberté authentique fondée sur l’autonomie de jugement, égalité des droits rendue crédible par la justice sociale et internationale, se conjugueront alors, et elles le feront grâce à l’émancipation laïque des sociétés comme des personnes.
Un tel idéal n’est le produit d’aucune civilisation. Il a été conquis de haute lutte dans l’Occident comme il peut l’être ailleurs. A l’époque, c’était le cléricalisme catholique, essentiellement, qui lui faisait obstacle. Rompons aussi avec les illusions de perspective et avec les amnésies sélectives. Il ne faut pas que la géographie présente rende aveugle sur l’histoire passée. Chaque monothéisme a engendré ses formes d’oppression et de communautarisme, et nul ne peut donner la leçon à l’autre en la matière. C’est en Occident « chrétien » que furent inventés les croisades, les bûchers de l’Inquisition, l’« Index des livres interdits », les expéditions coloniales assorties d’ethnocides, les bombardements massifs de population civile et les camps d’extermination à caractère raciste. Joli bilan. C’est en terre arabo-musulmane qu’a été sauvé l’immense héritage de la civilisation grecque, qu’on a inauguré une coexistence harmonieuse et un dialogue exigeant des grandes cultures, que s’est inventé le principe de lecture rationnelle des textes (avec Averroès) : les « Lumières » y ont devancé les Lumières européennes de plusieurs siècles. Serions-nous assez amnésiques pour l’oublier, et feindre de croire aujourd’hui qu’il n’y a d’Islam qu’intégriste et de christianisme que libérateur ? Certes, la figure intégriste de l’Islam politique est venue depuis ternir singulièrement l’image évoquée. Mais faut-il oublier Averroès sous prétexte qu’il y a eu Ben Laden ? À suivre un tel amalgame, il faudrait oublier le Christ sous prétexte qu’il y a eu Torquemada.
En réalité, nulle civilisation n’est réductible à un de ses moments, et c’est faire preuve d’une lecture partisane – à moins qu’elle ne soit simplement mal instruite- que de vouloir hiérarchiser les civilisations comme prétend le faire Samuel Huntington dans sa vision apocalyptique du « clash des civilisations ». Ceux qui dressent la croix contre le croissant en prétendant faire de l’Europe un club chrétien sont les ancêtres momifiés des fous de Dieu qui dressent l’Islamisme politique contre les « croisés ». Symétrie des ostracismes. Les uns et les autres développent une critique de la modernité laïque, de la raison, des Lumières, comme si on pouvait leur imputer les pires maux de notre époque. Il est si commode de prendre à témoin l’opinion en insistant sur les indéniables ravages produits par une mondialisation capitaliste inhumaine, et de faire semblant de les imputer aux idéaux laïques et démocratiques !
D’ailleurs la confusion régnante sur le terme de « culture » n’aide guère à voir clair. La culture, au sens émancipateur, ce n’est pas la soumission servile à une tradition, mais la capacité d’assumer celle-ci de façon éclairée, ce qui implique distance et recul critique. Pour être traditionnelle, la soumission de la femme à l’homme n’en est pas moins inacceptable. Dira-t-on que c’est trahir sa culture que la rejeter ? Cessons donc de penser que l’universel se construit par simple « métissage » de civilisations, sans égard à ce qui est vrai et juste en chacune d’elles, ce qui implique l’exercice du jugement critique et non le fidéisme ou une conception obscurantiste de l’« identité collective ». Un tel exercice, l’histoire le montre, n’est l’apanage d’aucune civilisation particulière, et c’est de lui que naît le patrimoine universel de la pensée libre, affranchie des tendances les plus oppressives et les plus rétrogrades qui se manifestent en chaque civilisation. Cessons de confondre le fait de respecter toutes les cultures avec celui de tout respecter dans les cultures. Car enfin, la répudiation unilatérale, la notion judéo-chrétienne de chef de famille, la lapidation pour adultère, la culpabilisation du plaisir sexuel, la mutilation du clitoris, sont-elles choses respectables ?
Bref, il est temps de rompre avec les amalgames. Il est temps de soumettre toute civilisation à l’examen critique de ce qui s’est effectivement produit en elle, et de cesser de s’agenouiller devant la « différence culturelle » sous prétexte qu’elle fut jadis bafouée et méconnue par des entreprises oppressives. Il est temps d’éviter d’enfermer chacun dans sa « différence », et de rappeler l’humanité une à elle-même, mémoire vive d’aspirations universelles à la liberté et à l’égalité, au bonheur et à la découverte éclairée de la richesse des peuples. Il est temps de sortir le débat de questions souvent mal posées, d’attitudes réactives, voire de bons sentiments qui produisent le contraire de ce qu’ils visent.
La laïcité n’est pas une particularité culturelle, et nulle religion ne lui est plus favorable qu’une autre. En Occident, elle fut conquise de haute lutte, souvent dans le sang et les larmes, à rebours de la tradition religieuse dominante. C’est pourquoi aujourd’hui on ne peut s’acharner unilatéralement contre une figure théologico-politique particulière, celle de l’islamisme politique, évidemment distincte de l’Islam. Certes, il ne faut lui faire aucune concession, et être intraitable tant sur la laïcité des institutions publiques que sur l’égalité des femmes. Mais cela doit se faire au nom d’une laïcité universaliste, qui ne soit pas à géométrie variable. La France laïque de la loi sur les signes religieux de Mars 2004 a demandé aux élèves d’ôter le voile, la kipa ou la croix charismatique en entrant dans les espaces scolaires. La même France, entre 1883 et 2005, a fait ôter les crucifix des salles de classes, des mairies, des palais de justice. Et en 1937 une circulaire du ministre Jean Zay avait déjà prohibé les signes religieux dans les établissements scolaires. Ce n’est donc pas une « loi sur le voile » qui a été votée sur proposition de la Commission Stasi, mais une loi sur l’ensemble des manifestations ostentatoires des religions. Il faut y insister, afin de rendre lisible l’exigence universelle qui légitime la loi. Et d’éviter toute stigmatisation. Il faut également rappeler la nécessité de bien distinguer ce qu’on peut légitimement combattre par la loi, et ce qu’il faut combattre par l’éducation et le travail de persuasion émancipatrice. Toute erreur dans les moyens utilisés se retournerait contre la laïcité elle-même. On ne peut interdire à une femme voilée ou à un homme portant la kipa de pénétrer dans tout lieu de la société civile. Certes, on peut considérer qu’un tel marquage est contestable, mais alors c’est par le débat argumenté qu’il faudra le contester.
Qui ne voit par ailleurs que le fait de reconnaître des droits à des groupes et non aux individus qui les constituent peut conduire à donner des instruments d’oppression aux guides et aux chefs religieux qui les dominent, plaçant dès lors sous tutelle la libre disposition de soi des personnes individuelles ? Une femme qui refuse de porter un voile, de réduire sa vie sexuelle à la procréation, d’être soumise à l’homme, le pourra-t-elle si au nom de son « identité culturelle » on la somme de se plier à des normes qui captent de façon tendancieuse les textes dits sacrés ? Gardons en mémoire la jeune étudiante algérienne Katia Bengana, assassinée par les Islamistes parce qu’elle refusait de porter le voile : son courage est une leçon de liberté, hélas chèrement payée. N’oublions pas non plus les « magdalena sisters », ces femmes-parias de la très catholique Irlande, qui les enfermait et les pliait aux travaux forcés, pour avoir un jour « péché » contre une morale sexuelle intégriste. N’oublions pas non plus les intégristes du judaïsme qui assassinèrent des musulmans à Hébron ou colonisent des terres palestiniennes en considérant la Bible comme le titre de propriété du « grand Israel (Eretz) » supposé « terre promise » au peuple élu.
La domination masculine est la propre des sociétés marquées par les trois grands monothéismes. L’Ancien Testament fait dire à Dieu s’adressant à Ève : « Tes désirs te porteront vers ton mari, et lui dominera sur toi » (Genèse III, 15). À mettre en écho avec une prière juive traditionnelle du fidèle masculin : « Je remercie Dieu de na pas m’avoir fait naître femme ». Saint Paul, dans sa Lettre aux Éphésiens (V, 22), stipule : « Que les femmes soient soumises à leurs maris ». À mettre en écho avec la notion juridique de « chef de famille », présente dans les livrets de mariage occidentaux jusqu’à une époque récente. Et le Coran n’est pas en reste, qui précise : « Les femmes ont droit à l’équivalent de ce qui leur incombe selon les convenances. Les hommes ont toutefois sur elles préséance d’un degré ». (Sourate II, verset 228). À mettre en écho avec le Code de la famille, qui depuis 1984 organise en Algérie l’inégalité des droits des femmes et des hommes.
De deux choses l’une. Ou bien ces références religieuses oppressives doivent être relativisées par l’évocation du contexte historique et social qui les a déterminées, et alors elle perdent toute valeur normative aujourd’hui : la raison humaine, disait Averroès, nous affranchit ainsi d’une lecture littérale qui nous conduirait à admettre l’inacceptable et à le parer d’une dimension sacrée. Ou bien on décide, congédiant la raison, de considérer que de tels textes doivent s’appliquer aujourd’hui sans égard à leur contexte d’origine. Cela ne peut se faire que parce qu’on nourrit alors un projet de domination et d’oppression : on en vient à se défier ainsi de la puissance éclairante propre à la raison et à la culture, et l’on tente d’ailleurs de la faire taire, comme ont fait partout les intégristes.
Dans un monde où les populations se mélangent de plus en plus, il est clair que les lois communes des Etats doivent s’affranchir de tout particularisme, pour ne mettre en œuvre que des exigences universelles, bonnes pour tous les hommes et tous les peuples, car propres à les émanciper des traditions rétrogrades tout en dégageant le bien commun de tout privilège. C’est en cela aussi que la laïcité est un idéal de paix de concorde, et de fraternité. Un idéal qui fera le tour du monde.
Voir aussi:
Averroès – avocat du djihad
AJM
January 23, 2006
Ibn Rushd, dit Averroès (1126-1198), est l’un des érudits musulmans les plus célèbres en Occident. On le connaît surtout pour ses commentaires d’Aristote, pour ses talents de médecin et pour le fait qu’il a été persécuté pour ses prises de position philosophiques. Averroès était trop influencé par la philosophie, la logique et les mathématiques grecques pour toujours rester un parfait Musulman. Bref, il fait figure de progressiste. On en a même fait un héros de cinéma.
Mais un érudit musulman est d’abord un juriste. Et un juriste musulman traite forcément du djihad. Ibn Rushd le fait dans son traité de droit intitulé Bidayat al-mudjtahid. Voici quelques extraits du premier des deux chapitres qu’il consacra au djihad. Cette traduction est basée sur celle, en anglais, de Rudolph Peters, parue dans Jihad in Mediaeval and Modern Islam: The Chapter on Jihad from Averroes et retranscrite dans The Legacy of Jihad, un recueil de textes sur le djihad édité par Andrew G. Bostom.
Qui est mieux placé pour donner du djihad une idée que nous autres Occidentaux pouvons considérer comme valable et légitime qu’Averroès, ce philosophe ami des Grecs, modéré et raffiné, et que les Musulmans aussi donnent volontiers en exemple?
Averroès traite le sujet en vrai juriste, se contentant d’indiquer l’état du débat juridique, sans impliquer sa propre interprétation. Mais il est clair que celle-ci compte parmi les plus pacifiques, à voir le nombre de solutions extrêmes qu’il choisit, visiblement, de ne pas évoquer [je prendrai soin d’indiquer la principale omission d’Averroès, toutefois, dans la 4e partie, en me basant sur le Kitab as-sunan d’Abou Daoud]. Mais même ainsi, dans ce texte d’un Musulman s’adressant à d’autres Musulmans, nous découvrons fort bien la réalité du djihad: une guerre de conquête, religieuse, qui ne s’arrête jamais. Jamais.
J’ai coupé la majeure partie des dissertations de détail pour éviter de trop lourdes répétitions, mais j’ai laissé quelques exemples complets qui témoignent de la réflexion des juristes musulmans et qui mettent bien en lumière le type de différences d’interprétation sur lesquelles s’affrontent les différentes écoles juridiques islamiques.
LE DJIHAD
1ère partie: Les qualifications légales (hukm) de cette activité et les personnes obligées d’y prendre part
Les savants s’accordent à dire que le djihad est un devoir collectif et non personnel. (…) De l’avis de la majorité des savants, la nature obligatoire du djihad est fondée sur [le verset du Coran 2:216] : «Le combat vous a été prescrit alors qu’il vous est désagréable.» (…) L’obligation de participer au djihad s’applique aux hommes adultes libres qui disposent des moyens de partir en guerre et qui sont en bonne santé. (…)
2e partie: L’ennemi
Les savants s’accordent sur le fait que tous les polythéistes doivent être combattus. Cela est fondé sur [le verset du Coran 8:39]: «Et combattez-les jusqu‘à ce qu’il ne subsiste plus d’association, et que la religion soit entièrement à Allah.» Toutefois, il a été relaté à Malik qu’il ne serait pas permis d’attaquer les Éthiopiens et les Turcs sur la base de la tradition du prophète: «Laissez les Éthiopiens en paix aussi longtemps qu’ils vous laissent en paix.» Interrogé sur l’authenticité de ce hadith, Malik ne le reconnut pas, mais dit: «Les gens évitent toujours de les attaquer.»
[Ceci constitue bel et bien la totalité du texte définissant l’«ennemi»]
3e partie: Les dommages pouvant être infligés aux différentes catégories d’ennemis
Les dommages infligés à l’ennemi peuvent consister en atteintes à sa propriété, à sa personne ou à ses libertés individuelles, c’est-à-dire sa mise en esclavage et son appropriation. Conformément au consensus (idjma), cela peut être infligé à tous les polythéistes – hommes, femmes, jeunes et vieux, important et communs. Les opinions ne varient qu’en ce qui concerne les moines. (…).
La majorité des savants s’accordent à dire que l’imam (le chef de l’État islamique, le calife) dispose de nombreux possibilités de traiter les captifs. Il peut leur pardonner, les tuer ou les libérer contre rançon ou sous forme de dhimmi, auquel cas le captif libéré est tenu de payer la taxe de capitation (jiziah).
Quelques savants, néanmoins, enseignent que les captifs ne doivent jamais être tués. Selon al-Hasan Ibn Muhammad al-Tamimi, c’était même la le consensus (idjma) de la Sahabah [les contemporains du prophète qui l’ont connu]. Cette controverse est apparue premièrement parce que les versets du Coran sont contradictoires à cet égard; deuxièmement parce que la pratique [du prophète et des premiers califes] était incohérente; et troisièmement parce que l’interprétation évidente du [verset du Coran 47:4] «Lorsque vous rencontrez les incroyants, qu’ils soient massacrés jusqu’à leur domination» est que l’imam n’a que le droit de pardonner aux captifs ou de les libérer, tandis que par ailleurs [le verset du Coran 8:67] «Un prophète ne devrait pas faire de prisonniers avant d’avoir mis les mécréants hors de combat sur la terre» de même que le contexte de la révélation de ce verset [les captifs de Badr] tendent à prouver qu’il vaut mieux tuer les captifs plutôt que de les mettre en esclavage.
Le prophète lui-même a tué certains captifs hors du champ de bataille, alors qu’il pardonna à d’autres. Il réduisait toujours les femmes en esclavage. Abou Abayd a relaté que le prophète n’avait jamais réduit en esclavage des Arabes de sexe masculin. Après lui, le Sahabah réunit l’unanimité autour de la règle voulant que les Gens du Livre, mâles et femelles, soient réduits en esclavage. Ceux qui soutiennent l’opinion selon laquelle le verset qui interdit l’exécution [47:4] abroge l’exemple donné par le prophète maintiennent que les captifs ne doivent pas être tués, D’autres professent toutefois que ce verset ne concerne pas le massacre de captifs et donc n’avait pas pour intention de limiter le nombre de traitements pouvant être infligés aux captifs. Au contraire, disent-ils, le fait que le prophète ait eu pour habitude de tuer les captifs ajoute une règle au verset [47:4] en question et ainsi annule le cas de la plainte selon laquelle il aurait omis de tuer les captifs de Badr. Ceux-ci, donc, professent que le massacre de captifs est autorisé.
(…)
En ce qui concerne les atteintes portées à la personne, c’est-à-dire le fait de tuer l’ennemi, les Musulmans s’accordent à dire qu’en temps de guerre, tous les mâles adultes valides et incroyants doivent être tués [suit une longue discussion sur la question de savoir qui d’autre peut aussi être tué, dans quels cas et selon quelles autorités basées sur quels actes du prophète, sur quels versets et quelles traditions, puis une autre, sur la question de savoir quels dommages peuvent être infligés à la propriété de l’ennemi, notamment l’incendie de ses arbres].
4e partie: les conditions préalables de la guerre
Selon l’ensemble des savants, la condition pour l’entrée en guerre est que l’ennemi ait entendu les appels à adopter l’Islam. Cela implique qu’il n’est pas autorisé d’attaquer avant que l’appel ne les ait atteints. (…) Cependant, une controverse existe quant à la question de savoir si l’appel doit être répété lorsque la guerre est reprise. Certains soutiennent que cela est obligatoire; d’autres considèrent que c’est seulement recommandé; un troisième groupe estime que ce n’est ni obligatoire, ni recommandé. La source de cette controverse se trouve dans les paroles et les actes du prophète. Selon une tradition faisant autorité, le prophète, en lançant ses armées, disait à leur commandant
«Lorsque tu rencontreras tes ennemis polythéistes, appelle-les à trois choses. Accepte celle à laquelle ils consentiront et ne les attaque pas, alors. Appelle-les d’abord à se convertir à l’Islam. S’ils acceptent, ne les attaque pas. Ensuite, appelle-les à quitter leur territoire pour adopter le foyer des émigrants (muhadjirun) [c’est-à-dire Médine] et dis-leur que s’ils acceptent ils auront les mêmes droits et devoirs que les émigrants. S’ils refusent et qu’ils préfèrent restent sur leurs terres, annonce-leur qu’ils seront comme les Bédouins convertis, qui sont sujets d’Allah comme les autres croyants, mais n’ont pas droit à une part du butin, à moins qu’ils ne rejoignent les Musulmans dans la guerre. S’ils refusent cela, alors appelle-les à payer la taxe de capitation (jiziah). S’ils acceptent cela, consens-y et ne les attaque pas. Mais s’ils refusent, invoque l’aide d’Allah et attaque-les.»
[Abou Daoud ajoute ici, au même paragraphe, dans son Kitab as-sunan, qui servait très probablement de source à Averroès, la chose suivante:
«Si tu assièges les gens d’une forteresse et qu’ils désirent se rendre sans condition (ala hukm Allah), n’y consens pas, mais fais-les se rendre quand tu le jugeras bon et fais d’eux ensuite ce que tu voudras.»]
Malgré cela, il est établi de manière irréfutable que le prophète effectua plusieurs attaques surprises contre l’ennemi, la nuit ou à l’aube. Certains, donc, et ils sont la majorité, affirment que les actes du prophète ont abrogé ses paroles. (…)
5e partie: Le nombre maximum d’ennemis contre lesquels on est obligé de se défendre
Le nombre maximum d’ennemis contre lesquels on est obligé de se défendre est le double de celui de ses propres troupes. (…) Ibn Madjishun affirme, sur l’autorité de Malik, que la puissance effective, plutôt que le nombre, doit être considérée, et qu’il peut être admis qu’un homme fuie avant un autre si ce dernier possède une meilleure monture, de meilleurs armes et une force physique supérieure.
6e partie: La trêve
La conclusion d’une trêve est considérée par certains comme étant permise d’emblée et sans occasion particulière, à condition que l’imam considère qu’elle est dans l’intérêt des Musulmans. D’autres soutiennent que cela n’est admissible que lorsque les Musulmans en sont réduits à la plus extrême nécessité, comme en cas de guerre civile. (…)
Shafii affirme qu’une trêve ne devrait jamais être conclue pour une durée dépassant celle de la trêve conclue par le prophète avec les incroyants l’année de Hudaybiyyah. La controverse sur la question de savoir si la trêve peut être admise sans une raison impérieuse se fonde sur le fait que l’interprétation évidente du [verset du Coran 9:5] «tuez les polythéistes où que vous les trouviez» et [du verset du Coran 9:29] «Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier» contredit celle [du verset du Coran 8:61] «s’ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allah».
Certains affirment que le verset ordonnant aux Musulmans de combattre les polythéistes jusqu’à ce qu’ils se convertissent ou qu’ils paient la taxe de capitation (jiziah) [C 9:29] abroge le verset pacifique [C 8:61]. En conséquence, ils soutiennent que la trêve n’est admissible qu’en cas de nécessité. D’autres sont d’avis que le verset pacifique [C 8:61] complémente les deux autres versets et ils considèrent donc que la trêve est admise dès lors que l’imam le juge judicieux. Ils ajoutent, pour soutenir leur thèse, que le prophète a agi de la sorte, car la trêve de Hudaybiyyah n’avait pas été conclue par pure nécessité.
Selon Shafii, le principe est que les polythéistes doivent être combattus jusqu’à ce qu’ils acceptent de se convertir ou de payer la jiziah. Les actes du prophète durant l’année de Hudaybiyyah constituent une exception à cette règle. Donc, poursuit Shafii, une trêve ne doit jamais excéder la période pour laquelle le prophète a conclu la trêve dans le cas de Hudaybiyyah. Il reste cependant une controverse quant à la durée de cette période. Les uns disent qu’il s’agit de quatre ans, mais d’autres parlent de trois ans ou de dix ans. (…)
7e partie: Les objectifs de la guerre
Les Musulmans s’accordent à dire que l’objectif de la guerre contre les Gens du Livre, à l’exception de ceux appartenant à la tribu des Koraïchites et des Chrétiens arabes, est de deux ordres: soit la conversion à l’Islam, soit le paiement de la taxe de capitation (jiziah). Ceci est basé sur [le verset du Coran 9:29]: «Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu‘à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés.»
La plupart des juristes admettent que la jiziah peut aussi être collectée auprès des Zoroastriens (madjus) sur la base des paroles du prophète «Traitez-les comme les Gens du Livre». Il y a controverse, toutefois quant aux polythéistes qui ne sont pas des Gens du Livre: est-il admis de prélever la jiziah parmi eux également? Certains, comme Malik, enseignent que la jiziah peut être exigée de n’importe quel polythéiste. D’autres font une exception pour les polythéistes arabes. Shafii, Abu Thawr et quelques autres soutiennent que la jiziah ne peut être acceptée que de la part des Gens du Livre et des Zoroastriens.
La controverse est ici également générée par le fait qu’une règle générale s’oppose à une règle particulière. La règle générale est dérivée des [versets du Coran 2:193 et 8:39 (ces deux versets partagent ce même contenu)]: «Combattez-les jusqu‘à ce qu’il n’y ait plus d’association et que la religion soit entièrement à Allah seul» et de la tradition «‹Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah› S’ils disent cela, leur vie et leurs biens sont inviolables pour moi, excepté si la loi de l’Islam l’autorise. Il sont alors redevables devant Allah.»
La règle particulière est fondée sur la tradition mentionnée plus haut, soit que Mahomet avait pour habitude de dire au commandant des troupes qu’il envoyait contre les polythéistes arabes: «Lorsque tu rencontreras tes ennemis polythéistes, appelle-les à trois choses, etc.» Dans cette tradition, la jiziah est également mentionnée. Maintenant, certains savants affirment qu’une règle générale annule une règle particulière si la règle générale a été révélée à une date ultérieure. (…) D’autres, toutefois, avancent que les règles générales devraient toujours être interprétées en association avec les règles particulières, peu importe que cela soit inconnu. (…)
Une question fameuse reste à traiter dans ce chapitre: s’il est interdit de pénétrer en territoire ennemi en portant un exemplaire du Coran. (…)
http://jcdurbant.wordpress.com/2009/04/29/dhimmi-du-mois-faut-il-oublier-averroes-sous-pretexte-qu%e2%80%99il-y-a-eu-ben-laden-averroes-was-a-jihadist-too/