Iran-Israël : La leçon de Damas !

Publié le par shlomo


En visite à Damas, Ahmadinejad a lancé une nouvelle attaque virulente contre Israël en le qualifiant de « microbe destructeur ». Ces propos blessent certes les juifs, mais ce serait un tort de les analyser de ce seul point de vue et réduire l’ensemble du discours à ces deux mots. Ces propos ont été prononcés pour perturber le rapprochement Damas-Tel Aviv. Il s’agissait d’un discours passionné et passionnant en termes d’analyses.



Contexte syrien | Au cours de l’année dernière, les relations entre Téhéran et Damas se sont détériorées : Damas a accepté de dialoguer avec Israël. Sans la Syrie, le régime des mollahs sera vulnérable car il sera incapable d’approvisionner le Hezbollah en armes et cette milice qui assure ses intérêts dans la région perdra son influence. Téhéran avait alors manifesté son mécontentement, mais Damas avait continué.

Peu avant ce rapprochement, Imad Moughnieh, un des chefs de guerre du Hezbollah, un homme très aimé des mollahs, a été tué à Damas. Dans un article consacré à cet assassinat sur la base d’une information affirmant que Moughnieh avait été tué alors qu’il quittait l’école des enfants de Pasdarans où avait lieu une conférence, nous avions attribué cet assassinat aux mollahs dans le cadre de leur dialogue secret avec Washington. A l’époque, Téhéran avait demandé d’être associé à l’enquête mais sa demande avait été refusée. Nous avions supposé que Téhéran voulait effacer les indices de sa culpabilité.

Mais par la suite en octobre 2008, nous avons reçu une information selon laquelle ce 12 février (anniversaire de la révolution islamique), Moughnieh ne sortait pas de cette école, mais d’une importante réunion dans les locaux des Moukhabarat, les services syriens, un bâtiment situé dans le même quartier que l’école iranienne. L’information reçue attribuait l’attentat aux Syriens. A l’époque la Syrie n’avait pas encore commencé ses négociations indirectes avec Israël et l’information penchait pour une dissidence interne dans le pouvoir syrien. Ces négociations avec une médiation turque ont débuté immédiatement après et c’est le 23 avril 2008 que l’on a pour la première fois entendu parler d’elles. La mort mystérieuse de Moughnieh prenait alors un autre sens : un gage de bonne foi syrienne et le refus syrien de laisser les Pasdaran enquêter sur place évoquait aussi une lente rupture avec Téhéran.

Cette rupture a été marquée par d’autres évènements comme la conférence d’Annapolis : Téhéran a boycotté Annapolis, mais la Syrie a envoyé une délégation à cette réunion hostile aux intérêts des mollahs. Il y eut par la suite, le rendez-vous parisien de l’Union pour la Méditerranée, puis les sessions estivales de négociations entre Damas et Tel-Aviv et des annonces syriennes de possibles rencontres directes. Fin juillet 2008, Téhéran a produit et diffusé sur ses chaînes arabophones une vidéo sur l’assassinat de Sadate en guise d’avertissement à ceux qui pactisent avec l’ennemi juste avant une visite officielle d’Assad à Téhéran. Sur place, le président Syrien a maintenu sa décision de continuer le dialogue avec Israël contre la volonté de Téhéran.

Avant son retour à Damas, l’homme de confiance d’Assad, le Général Mohammad Suleiman qui était également le chef de la sécurité personnelle du président syrien a été abattu par un sniper sur le territoire syrien. Les images de ce jour sont évocatrices : Assad est abattu, effondré, hagard et à ses côtés, Ahmadinejad sourit. Nous avons alors assisté à des actions successives de représailles mutuelles sur un fond de poursuite des négociations avec Israël, mais aussi avec les Etats-Unis et ses alliés régionaux.

Dans ce processus, Téhéran a agi pour retenir la Syrie sans laquelle il ne peut rester en contact avec le Hezbollah : il n’a donc rien fait qui puisse rompre leurs relations.

Dans le même temps, la Syrie a aussi évité la rupture car elle négociait pour obtenir de bonnes compensations en échange de cette rupture. N’accordant aucune confiance aux Américains qui avaient sans cesse cherché à le renverser pour le remplacer par des frères musulmans syriens, Assad a alors commencé un jeu trouble pour tirer son épingle du jeu.

Au lieu de sauter le pas pour joindre le camp des alliés arabes des Etats-Unis, sur la base du crédit que lui accordaient les Etats-Unis, il a tenté une OPA sur le Hezbollah et le Hamas pour devenir le pouvoir régional dominant à la place des mollahs. Parallèlement il a cherché à se présenter comme un médiateur valable pour l’Europe (et non les Etats-Unis) pour parler à Téhéran.

Cette conduite bloque aujourd’hui les négociations avec les Etats-Unis : pour donner de la valeur à une éventuelle rupture avec Téhéran, la Syrie a repris ses relations avec les mollahs, qui sont évidemment ravis car cet Etat est un allié indispensable pour leur rôle régional.

Les mollahs ont cependant pleinement conscience que leur seul allié en Syrie est Assad, l’indocile qui veut justement les lâcher. Ils ne peuvent pas l’affaiblir : cela le rendrait vulnérable et il pourrait céder aux Américains.

C’est dans un contexte où leur marge de manoeuvre est limitée, que l’on a entendu ces propos injurieux sur Israël, propos prononcés pour perturber le rapprochement Damas-Tel Aviv. Mais il serait déraisonnable de réduire le discours entier à ces 2 mots. Ces deux injures ont été placées là pour surmédiatiser un discours qui était celui tenu à Durban 2 : un discours pour inciter les Arabes et les musulmans à se révolter.

Nouveau discours| C’est le 18 avril que Téhéran a initié ce langage en retirant tous les slogans anti-israéliens écrits sur ses missiles à l’occasion de la Journée de l’armée. La tendance s’est confirmée à la veille de Durban 2 : Téhéran a mis un frein à tout propos injurieux envers Israël. Il a commencé à jouer sur un nouveau registre : celui du défenseur apaisé des droits Arabes et des musulmans dans les institutions internationales. Son objectif était de créer un front unis des pays membres de l’organisation de la conférence islamique pour demander une refonte du Conseil de sécurité avec la suppression du droit de veto (« qui protège Israël ») et l’exigence de la création d’un siège supplémentaire pour les Etats musulmans.

Ces efforts ont échoué à Genève car les Etats musulmans n’ont pas donné suite à la demande de Téhéran, mais le régime n’a pas renoncé à son nouveau discours anti-sioniste exempt d’injures. On a eu droit à une variante de ce discours dans l’interview accordée par Ahmadinejad à la chaîne américaine ABC et l’on a eu droit à une autre variante à Damas.

Cette variante n’est pas un écart de la ligne politiquement correcte définie pour les prochaines années, encore moins l’expression d’une haine irrépressible, mais simplement l’expression d’une situation urgente vis-à-vis de la Syrie, Etat qui permet aux mollahs d’avoir un rôle régional qui plait à la rue arabe.

Dans ce discours de Damas, rien n’a été laissé au hasard : l’homme du régime des mollahs a lâché son venin dans une conférence de presse commune avec Assad, c’est-à-dire en présence de tous les médias arabes, indispensables intermédiaires avec la rue Arabe, le véritable interlocuteur du régime des mollahs.

Les mots aussi ont été choisis avec précision :

« Les occupants sionistes sont des microbes destructeurs, car le sionisme en soi c’est l’occupation, l’agression, l’assassinat et l’anéantissement. Le sionisme a été créé pour (nous) menacer. Soutenir la résistance palestinienne est un devoir humanitaire et populaire. La Syrie et l’Iran sont unis et se placent aux côtés de la résistance palestinienne ».

 


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En fait, Téhéran a fait la leçon à Assad dans sa propre langue devant l’ensemble du monde arabe et musulman. Il serait superficiel de ne retenir que deux mots de ce discours fondamental, fermé à tout dialogue et compromis, qui sera au menu de nos prochaines années.

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Publié dans IRAN NUCLEAIRE

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