Rapport explosif
La publication, samedi 30 mai, d'un rapport dans lequel plusieurs dirigeants palestiniens appellent à faire tomber le gouvernement Netanyahou a déclenché la colère israélienne.
Ces déclarations ont suivi le voyage officiel du chef de l'Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, la semaine dernière à Washington. C'est plus exactement dans les pages du Washington Post que ces informations ont parues, dès le lendemain la rencontre entre Abbas et le président américain Barack Obama.
"Il faudra quelques années" pour que la pression américaine soit suffisamment forte pour renverser Netanyahou, affirmait l'un des représentants officiels de l'AP. "Avec tout le respect que je dois aux Etats-Unis, notre allié stratégique, nous sommes un Etat indépendant et démocratique et notre leadership est formé à l'aide d'un processus démocratique interne", a répondu Zeev Elkin, chef officiel de la coalition et député Likoud.
Un autre représentant du gouvernement a préféré, lui, reprendre les propos de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Abba Eban : "Les Palestiniens ne manquent jamais l'opportunité de manquer une opportunité (…). Ce serait vraiment dommage que le leadership palestinien ne saisisse pas cette occasion d'aller de l'avant en acceptant notre proposition à trois voies, à savoir : une triple approche politique, économique et sécuritaire. S'ils décident de ne pas coopérer, ils ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes", a-t-il ajouté.
Toujours selon le même article de presse, Abbas et son gouvernement estiment que la coalition de Netanyahou a de bonnes chances de tomber si elle se soumet aux exigences américaines et gèle entièrement les constructions d'implantations en Judée-Samarie. "Le fait qu'Abbas préfère négocier avec [la dirigeante Kadima, Tzipi] Livni prouve simplement la perspicacité des électeurs israéliens qui ont placé quelqu'un d'autre à la tête du gouvernement", affirme Elkin, qui insiste particulièrement sur la grande stabilité de l'actuel gouvernement.
"Je pense que chaque membre de la coalition est suffisamment responsable pour permettre au gouvernement de compléter son mandat (…). Notre expérience avec les Américains n'a pas toujours été très bonne. Ce sont les Etats-Unis qui ont tout fait pour que le Hamas puisse se présenter aux élections palestiniennes. Je ne pense pas que notre gouvernement cèdera facilement à des exigences qui ne sont pas suffisamment raisonnables, quelle que soit la valeur stratégique de nos relations avec les Etats-Unis."
Le Washington Post précise, par ailleurs, qu'Abbas n'assistera en aucun cas l'envoyé spécial des Etats-Unis au Proche-Orient, George Mitchell, dont l'un des objectifs dans la région consiste à encourager en rapprochement entre Israël et le monde arabe. "Nous ne parlerons aux Etats arabes qu'à condition qu'Israël cesse toutes les constructions d'implantations et reconnaisse la solution à deux Etats", a précisé le chef de l'AP. "Avant cela, nous ne pourrons parler avec personne."
Mais, "Abbas et son équipe s'attendent déjà au refus israélien", poursuit le journaliste. "Si Netanyahou accepte ces exigences, sa coalition de centre-droite s'effondrera sans aucun doute. Alors, ils [les Palestiniens] comptent simplement attendre et regarder la pression américaine progressivement éjecter le Premier ministre de son siège." Abbas "refuse d'envisager de faire lui-même de telles concessions - telle que reconnaître Israël en tant qu'Etat juif, ce qui reviendrait finalement à renoncer à un retour massif de réfugiés palestiniens", précise l'article.
Abbas a l'intention de rester les bras croisés. "J'attendrai que le Hamas accepte les engagements internationaux. J'attendrai qu'Israël gèle les nouvelles constructions… En attendant, nous jouissons de très bonnes conditions de vie en Cisjordanie… Les gens vivent normalement."
Enfin, Abbas aurait également affirmé que l'ancien Premier ministre, Ehoud Olmert, avait accepté le principe de droit au retour des réfugiés palestiniens. Il aurait même proposé d'en reloger plusieurs milliers en Israël et de créer un Etat palestinien sur 97 % des Territoires de Judée-Samarie, selon le chef de l'AP. Abbas a néanmoins refusé l'offre d'Olmert "en raison de l'existence de fossés trop larges".
Ce qui est vraiment intéressant dans les déclarations d'Abbas, explique le journaliste du Washington Post Jackson Diehl, "c'est ce qu'elles révèlent sur le message envoyé par l'administration américaine aux Palestiniens et aux autres gouvernements arabes."
Alors que le gouvernement de George W. Bush avait surtout misé sur les efforts à fournir côté palestinien, la nouvelle administration se concentre davantage sur les efforts israéliens. Autrement dit, "c'est beaucoup plus facile d'être Palestinien sous Obama", poursuit Diehl.
Sous Bush, les Palestiniens savaient que "tant qu'ils ne mettraient pas fin au terrorisme et n'établiraient pas les fondements d'un gouvernement démocratique, les Etats-Unis n'exigeraient pas de grandes concessions israéliennes", écrit Diehl.
Obama, en revanche, "a redonné vie à un vieux fantasme palestinien, selon lequel les Etats-Unis pourraient forcer l'Etat hébreu à faire des concessions douloureuses, que son gouvernement l'accepte ou non, alors que les Arabes se contenteront, eux, d'observer."