Netanyahou et Sarkozy : une sympathie réciproque mais des désaccords politiques

Publié le par shlomo

par Tsilla Hershco, chercheuse israélienne,
Perspectives papers n°82, BESA, le 22 juin 2009

Thème : France



 
Rédaction d'Objectif-info : Israël a besoin d'amis et si Tsilla Hershco, chercheuse israélienne, donne une image complète des divergences franco-israéliennes, elle les exprime sur un ton très modéré. En réalité, ce qui transparait à travers ce bref panorama, c'est l'alignement complet de Nicolas Sarkozy sur les positions "palestiniennes". C'est dire que ses propositions aboutiraient, si elles étaient appliquées, à l'éradication pure et simple du petit état juif. Sarkozy est en effet opposé à la barrière de sécurité et à la démilitarisation de l'éventuel état palestinien: autant exposer directement la gorge des Israéliens au couteau du djihad palestinien. Mais il ne s'en tient pas là: il est aussi favorable au droit au retour des Palestiniens (manière sûre d'étouffer la majorité juive) et à la division de Jérusalem, mais il est opposé à l'exigence de reconnaissance d'Israël comme un état juif, c'est à dire un état fondé sur des bases radicalement différentes de celles de la civilisation islamique dominante dans la région. Les Palestiniens, qui rêvent de gober tout cru  un jour ou l'autre Israël, ne veulent pas entendre parle de cette reconnaissance de l’état juif et Sarkozy les y encourage. Le redoutable "ami" d'Israël qui siège à l'Élysée prendra peut-être le soin de démentir clairement chacun des points qui sont soulevés ici...
 
Résumé : Netanyahou et Sarkozy se ressemblent par leur leadership charismatique, leur approche du dynamisme du capitalisme et leur vision mondiale des menaces sur la sécurité. Cependant, au cours de leur réunion prévue à Paris le 24 juin 2009, des désaccords substantiels pourraient survenir sur des questions comme le gel des constructions en Judée et en Samarie et la division de Jérusalem que les français exigent. Netanyahou est fermement opposé à ces demandes. Par ailleurs, la France critique Netanyahou, entre autres, pour les préconditions qu’il avance, à savoir que les Palestiniens 1) reconnaissent Israël comme un État juif et 2) soient démilitarisés.

Le 24 juin, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le président Nicolas Sarkozy doivent se retrouver à Paris pour la première fois depuis des élections israéliennes de février 2009. Les deux chefs charismatiques, qui se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises, et qui ont fait publiquement état de leurs sentiments mutuels d'amitié et de respect, ont beaucoup de choses en commun.

Les deux chefs partagent une approche dynamique capitaliste des réformes économiques internes nécessaires pour que leurs pays puissent s’adapter aux nouveaux défis de la mondialisation. En outre, ils pensent tous deux que la coopération régionale fondée sur des projets économiques communs constitue un instrument efficace pour favoriser la paix dans les régions frappées par la crise comme le Moyen-Orient.

Les deux chefs d’état proclament leur attachement aux valeurs de la démocratie libérale et ils insistent sur les menaces que les groupes terroristes et les pays fanatiques font peser sur les régimes démocratiques. Sarkozy et Netanyahou accordent beaucoup d'importance au renforcement de la coopération entre les régimes démocratiques et modérés pour contenir les attaques permanentes des islamistes fanatiques. Les deux dirigeants attribuent une signification considérable aux aspects internationaux des questions de sécurité, en particulier aux défis constitués par le terrorisme mondial et la prolifération des armes non conventionnelles. En conséquence, ils considèrent que les relations de leurs pays avec les États-Unis sont une priorité de premier ordre pour faire face à ces menaces.

Pourtant, en dépit des déclarations mutuelles d’amitié entre les deux chefs d'État, des divergences significatives pourraient apparaître.

En effet, sur le dossier iranien, Sarkozy et Netanyahu considèrent la question du nucléaire iranien comme la menace centrale sur la stabilité et la sécurité mondiales. Cependant, Sarkozy croit que seuls la combinaison d’un dialogue et de sanctions internationales peuvent faire barrage au projet nucléaire iranien. En conséquence, le président français s'oppose énergiquement à une quelconque option militaire, qui selon lui pourrait mettre en danger le monde entier. Netanyahu semble au contraire plus réservé sur les résultats du dialogue et des sanctions internationales et il n'exclut pas l'option d’une intervention militaire préventive contre l'Iran.

Les autres désaccords significatifs possibles se rapportent au conflit israélo-palestinien. Sarkozy s’est félicité du discours de politique étrangère de Netanyahou au Centre d’études stratégiques Begin-Sadate (BESA) de l'université Bar-Ilan du 14 juin. Le Français a félicité en particulier Netanyahou pour la reconnaissance du droit des Palestiniens à un État qui leur soit propre. Néanmoins, de nombreux désaccords importants demeurent entre les deux pays sur des questions comme le gel des constructions dans les implantations, mais aussi sur l’abandon de la barrière de sécurité en Judée et en Samarie et sur l'ouverture des passages frontaliers entre Israël et la Bande de Gaza.

Les conditions préalables fermes qu’a posées Netanyahou, comme la reconnaissance par les Palestiniens d'Israël comme État juif et la démilitarisation du futur État palestinien ont également fait l’objet des critiques du Français.

Au delà, la pomme de discorde la plus grave entre les deux dirigeants est relative à la question de Jérusalem. Alors que Netanyahou déclare que la ville est indivisible et restera la capitale éternelle d'Israël, Sarkozy insiste sur le fait que Jérusalem Est doit devenir la capitale de l'État palestinien.

Une question qui relève du statut final pourrait aussi provoquer de sérieux désaccords entre les deux dirigeants : elle concerne le règlement du problème des réfugiés palestiniens. Bien que l'ancien premier ministre israélien Éhoud Olmert ait déclaré en octobre 2008 après une réunion avec Sarkozy, que le président français envisage le règlement de la question des réfugiés au sein du futur État palestinien, le porte-parole du ministère français des affaires étrangères a souligné le soutien de la France à la résolution 194 (décembre 1948) de l'ONU, qui mentionne le droit au retour des réfugiés palestiniens.

En conclusion, il semble que la prochaine visite de Netanyahou dans la ville des lumières ne masquera probablement pas les divergences politiques significatives entre les positions israéliennes et françaises. Il est douteux que l’alchimie des relations personnelles entre les deux chefs d’État puisse combler l’écart entre leurs positions, à moins qu'ils ne décident de mettre l’accent sur les objectifs, les intérêts et les valeurs qu’ils ont en commun.

Mme Tsilla Hershco est chercheur associé au Centre d’études stratégiques Begin-Sadate (BESA) : elle est spécialiste des relations franco-israéliennes.
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