HISTOIRE : LES HESITATIONS D'ISRAEL A ANNEXER LA VIEILLE VILLE DE JERUSALEM

Publié le par shlomo

 J.-M. Allafort
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18/05/07

 

Texte repris du site Un écho d’Israël.

 

Depuis les débuts de l’aventure du sionisme politique, la question des Lieux saints de Jérusalem a souvent été abordée. Dans bien des cas, les dirigeants ont tenu à rassurer les musulmans et les chrétiens en leur promettant, dans un futur Etat hébreu, l’autonomie des Lieux Saints.

David Ben Gourion, dans les années 30, accepta l’idée d’un gouvernement britannique ou international sur les Lieux Saints chrétiens et musulmans à Jérusalem. Il fut, en fait, le premier qui proposa la division de la ville sainte en trois zones : à l’ouest, la ville juive ; à l’est, la ville arabe, et enfin les Lieux Saints, « comme un territoire international sous le pouvoir britannique ». Hayim Weizmann émit également des réserves quant à une éventuelle souveraineté du futur Etat Juif sur la vieille ville de Jérusalem. Il s’exprima ainsi le 8 juillet 1937 : « Je n’accepterais pas la vieille ville, même si on me la donnait en cadeau. »

Dix ans plus tard, lors du partage de la Palestine en 1947, le chef du département politique de l’Agence juive, Moshé Sharet, déclara que le mouvement sioniste trouvait juste l’internationalisation de la ville de Jérusalem et était prêt à renoncer à la ville sainte « en contre partie d’un bien plus grand : un Etat ». Ben Gourion et les autres dirigeants de la communauté juive acceptèrent les conditions des Nations Unies, non sans difficultés. S’ils étaient prêts à renoncer à la vieille ville, ils étaient moins enclins à renoncer à Jérusalem comme capitale du futur Etat Juif.

Au terme de la guerre d’Indépendance, la vieille ville de Jérusalem était aux mains des Jordaniens, qui refusèrent de mettre en application l’internationalisation de la ville prévue par le plan de partage du 9 novembre 1947. La Ligue Arabe n’accepta jamais que le roi Abdallah se proclame gardien des Lieux Saints de Jérusalem et joignit ses efforts à ceux du Vatican en exerçant des pressions sur le royaume hachémite. En 1949, Israël exposa sa position et demanda l’internationalisation des Lieux Saints de toutes les religions. Ce sera la position officielle de tous les gouvernements d’Israël jusqu’au 7 juin 1967.

Suite à la victoire éclatante d’Israël et à la prise de la vieille ville de Jérusalem, lors de la guerre des Six Jours, tout fut bouleversé. Israël tenait les lieux saints de l’islam et du christianisme. Que fallait-il faire ? Très vite, les ministres du gouvernement de Lévi Eshkol s’opposèrent sur cette question. Fallait-il annexer la vieille ville immédiatement, ou entamer des discussions avec le monde arabe et la communauté internationale ? Certains ministres, enivrés par la victoire de Tsahal, firent pression et demandèrent l’annexion immédiate des Lieux Saints du christianisme et de l’islam même au prix d’un affrontement avec la communauté internationale et le monde musulman. D’autres, à l’opposé, furent d’avis de poursuivre la position soutenue par le mouvement sioniste depuis le 19ème siècle et refusèrent l’idée d’annexer les Lieux Saints, voire la vieille ville.

Déjà, lors de la bataille de Jérusalem, Moshé Dayan avait hésité à pénétrer dans la vieille ville. Alors que les parachutistes encerclaient les murailles, le général Uzi Narkiss vint demander à Dayan, posté sur le mont Scopus, l’autorisation de pénétrer dans la vieille ville. La Légion jordanienne était en en pleine débandade. Dayan lui répondit : « En aucun cas ! Qu’avons-nous besoin de ce Vatican-là ? ».

Il était persuadé qu’au bout de quelques heures, les drapeaux blancs flotteraient sur la vieille ville. Il n’avait pas peur de perdre de nombreux soldats dans les combats de rue, mais craignait qu’Israël ne paye un prix politique très élevé par la suite.
Finalement, suite aux pressions exercées par certains ministres, dont Ygal Alon et Menahem Begin, il donna son feu vert à une opération militaire en vieille ville de Jérusalem.

Entre le 7 et le 11 juin 1967, où les ministres devaient se prononcer sur le statut de Jérusalem, certains proposèrent des solutions alternatives en vue d’éviter l’annexion de la vieille ville. A la demande de Lévi Eshkol, un comité de spécialistes, dont le professeur Avigdor Levontin et l’historien Yaakov Talmon, préparèrent un dossier sur la question. Ils mirent en garde contre une annexion de la vieille ville de Jérusalem parce que, selon eux, le monde arabe n’accepterait jamais la domination israélienne sur l’esplanade des mosquées. Par contre, ils déterminèrent que le monde chrétien ne devrait pas poser de problèmes majeurs tant l’influence du Vatican avait diminué.

 

 

Lévi Eshkol dans la vieille ville de Jérusalem en 1967

Au ministère des Affaires étrangères, se mit au travail un autre comité comprenant, entre autres, David Kimhi, Itzhak Oron et le général Har-Even. Ils mirent en garde contre l’enthousiasme et la pression de l’opinion publique d’annexer immédiatement la vieille ville. Ils proposèrent comme solution politique la création d’un Etat palestinien sans armée et, pour Jérusalem-est, la mise en place d’une municipalité arabe autonome et un statut spécial pour les Lieux Saints chrétiens et musulmans afin qu’ils ne soient pas sous souveraineté israélienne. Ils pensèrent que l’adoption de leurs propositions donnerait un avantage stratégique à Israël.

Lors du conseil des ministres du 11 juin 1967, sept ministres émirent des réserves sur l’annexion pure et simple de Jérusalem. Le ministre des Postes, Eliyahou Sasson, proposa la création d’une seule municipalité, sans, pour autant, que la vieille ville soit sous souveraineté israélienne. Le ministre de la Justice, Yaacov Shimshon Shapira, prit la tête des opposants à l’annexion de la vieille ville et demanda qu’elle ait le même statut que les territoires de Judée et de Samarie, récemment conquis. Le ministre de l’Intérieur, Moshé Hayim Shapira, alla plus loin et proposa l’internationalisation de la vieille ville.

Le ministre de l’Education, Zalman Aran, lui aussi, s’opposa avec fermeté à l’annexion de la vieille ville en rappelant la position traditionnelle des gouvernements d’Israël en faveur de l’internationalisation de Jérusalem. « Il faut permettre aux Juifs d’accéder aux Lieux Saints et au Mont Scopus, déclare-t-il. Je m’étonne que le ministre des Affaires étrangères soit pour l’annexion. »

A l’opposé, la majorité des ministres, dont Lévi Eshkol, Ygal Alon (vice-Premier ministre), Menahem Begin (ministre sans portefeuille), étaient pour l’annexion de la vieille ville. Eshkol fut sans doute influencé par David Ben Gourion, qui le critiqua pour son hésitation. Pour l’ancien Premier ministre, l’occasion manquée en 1948 ne devait pas l’être une nouvelle fois en 1967. Eshkol déclara, lors de ce fameux conseil des ministres : « De même que Jérusalem-est a été sous souveraineté jordanienne, ainsi elle sera sous celle d’Israël. Les chances de paix sont identiques dans les deux cas de figure. »

Certains ministres demandèrent de reporter la décision de quelques jours, mais Abba Even, ministre des Affaires étrangères, qui se trouvait au siège de l’ONU à New York envoya un message : « Il faut créer un état de fait. »

Lévi Eshkol fit procéder à un vote. Quatre ministre s’opposèrent à l’annexion de Jérusalem-est : Zalman Aran, Eliyahou Sasson, Mordechaï Bentov (ministre de l’Habitat), et Israël Barzilaï (ministre de la Santé). Moshé Dayan finit par se rallier à la majorité et vota pour l’annexion.

Quelques années plus tard, un colonel de Tsahal, Yaakov Salman, demanda à Dayan pourquoi il avait finalement voté l’annexion. Il lui déclara : « Si j’avais voté contre, il ne me serait plus resté assez de doigts... »

 

Jean-Marie Allafort

 

© Un écho d’Israël

 

Mis en ligne le 19 mai 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org

Publié dans ISRAEL

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