IRAN : LE PEUPLE NE CARBURE PLUS A LA REVOLUTION
Ahmad Zaidabadi
28/06/07
Traduction française : Courrier International.
La flambée de violence [*] consécutive à la décision de rationner l'essence était relativement prévisible. Pourtant, si l'on en juge par l'attitude quelque peu désemparée des autorités iraniennes, le gouvernement ne s'attendait manifestement pas à une telle réaction.
Il y a deux ans, le président Ahmadinejad avait remporté l'élection présidentielle grâce à une campagne populiste dans laquelle il promettait notamment de "ramener l'argent du pétrole à la table du peuple". Mais, très vite, cette promesse d'améliorer le niveau de vie de la population est devenue le talon d'Achille du gouvernement ultraconservateur, qui s'est montré incapable de faire bénéficier les Iraniens de l'énorme manne pétrolière du pays.
Le délabrement de l'économie iranienne, aggravé par des décisions de politique économique précipitées et peu
scientifiques, a rapidement rendu ces engagements irréalisables.
Cette incapacité s'explique surtout par la contradiction entre les promesses socio-économiques d'Ahmadinejad et ses prétentions idéologiques. En effet, sa volonté affichée de lutter contre la cherté de la vie, le chômage et la corruption économique s'est [avérée incompatible avec] ses prises de position. Il a ainsi rapidement sacrifié l'objectif de stabilité économique, pourtant indispensable si l'on veut encourager et attirer des investisseurs, notamment étrangers. En fait, Ahmadinejad voudrait que les Iraniens sacrifient leur bien-être matériel pour pouvoir préserver ce qu'il considère comme les "valeurs de la révolution". Le confortable budget alloué à l'organisation de cérémonies religieuses et aux rénovations de mosquées, l'aide à des organisations proche-orientales partisanes, la discrimination à l'embauche au profit de ceux qui se conforment à la doctrine, l'attitude qui a mené au boycott économique du pays… tous ces comportements profondément idéologiques ont montré le peu d'intérêt que porte le président aux conditions de vie de ses millions de concitoyens.
La divergence entre les slogans économiques et l'idéologie n'a jamais été aussi flagrante que pour la question du nucléaire. Les conservateurs annoncent que cette nouvelle énergie va améliorer le niveau de vie des Iraniens, et demandent dans le même temps à la population de supporter un embargo international pour permettre l'enrichissement de l'uranium nécessaire au développement du programme nucléaire.
Dans un tel contexte, la réaction de colère d'un grand nombre d'Iraniens [en raison du] rationnement de l'essence est révélatrice de l'irritation grandissante de la population face aux pressions économiques. Ce ras-le-bol constitue un avertissement pour le président Ahmadinejad : celui-ci doit comprendre que, contrairement à il y a trente ans, les Iraniens ne sont plus disposés à sacrifier les besoins de leur vie quotidienne au nom des principes de la révolution. Ils souhaitent désormais inverser ce rapport de valeurs, et ils placent les impératifs économiques avant toute autre forme de considération philosophique.
Ahmad Zaidabadi
© BBC Persian.com *
* Ce site [en persan] offre de nombreuses analyses propres qui ne sont ni traduites de l'anglais ni consultables sur le site de la BBC britannique. L'équipe, outre les nombreux correspondants persanophones à l'étranger, comprend des journalistes iraniens interdits de plume, comme Massoud Behnoud, ou Ahmad Zeid-Abadi.
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Note de upjf.org
Sous le titre "Mass Rioting Against the Regime in Iran" [émeutes de masse contre le régime en Iran], le blogue de Gateway Pundit traite également de ces incidents et fournit de nombreux liens à des reportages et à des vidéos et des photos des incidents.
On peut également voir six courtes vidéos (de scènes - visiblement tournées à la sauvette - de mises à sac et d’incendies de stations-services), ainsi qu’une dizaine de photos des émeutes, sur le blogue sjk-news (en persan).
[L’article de "Courrier International et le lien au blogue de Gateway Pundit nous ont été aimablement signalés par Kae.]
Mis en ligne le 30 juin 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org