1977: LA DROITE ARRIVAIT AU POUVOIR

Publié le par shlomo

Histoire : Il y a 30 ans, la droite arrivait au pouvoir
Jean-Marie Allafort

1977 restera dans la mémoire d’Israël l’année du changement radical. Le parti politique créé par Zeev Jabotinski prend sa revanche sur l’histoire.

Depuis 1933, la force politique au pouvoir au sein du Yichouv de la Palestine mandataire était le Mapaï dont David Ben Gourion allait devenir très vite la figure dominante. Avec la création d’Israël en 1948, le Mapaï est à la clef de toutes les Institutions du jeune État. Chaque nouvelle élection confirme la prédominance du parti de gauche sur les autres mouvements politiques. Le Mapaï et l’État ne semblent être qu’une seule réalité.

Le 17 mai 1977 tout bascule. Les Israéliens votent le changement et plébiscitent le parti de Menahem Begin. A la fermeture des bureaux de vote, les leaders du Likoud ne se doutent pas encore de leur victoire ou du moins ne veulent pas y penser. Le journaliste de Yediot Aharonot, Yohanan Lahav, raconte quelques jours plus tard comment la nouvelle de la victoire fut reçue au quartier général du Likoud rue King George à Tel Aviv. En entendant les estimations de la télévision israélienne (à l’époque il n’y avait qu’une seule chaîne), la stupeur gagna les militants du Likoud qui refusèrent d’y croire. Le chef de la campagne électorale, Ezer Weizmann, prend le micro : « Ce ne sont que des estimations. Nous n’avons pas à sauter de joie tant que nous ne connaissons pas les résultats définitifs. » Puis l’ancien commandant en chef de l’aviation israélienne qui, un mois plus tard, deviendra ministre de la Défense murmura à son entourage : « J’ai déjà vu revenir un avion à sa base après qu’on ait annoncé qu’il s’était écrasé. »

C’est seulement à 1h40 du matin, plus de 3 heures après la publication des estimations de la télévision que les premiers résultats parviennent au Q.G. du Likoud. Ezer Weizmann se permet de déclarer au micro : « Il me semble que nous gagnons ».

Le 43ème candidat sur la liste du Likoud, Menahem Savidor n’en croit pas ses oreilles. Interrogé par Yohanan Lahav, il déclare incrédule « Je ne suis pas encore à la Knesset. »

Cette victoire n’aurait pas dû surprendre les têtes de file du Likoud. Plusieurs sondages internes avaient prédit que le parti de Menahem Begin gagnerait ces élections. Quatre jours avant le scrutin, Ezer Weizmann reçoit les résultats d’un sondage : le Likoud est crédité de 44 mandats, le parti travailliste de 26 sièges seulement. Pourquoi ce sondage ne fut-il pas publié alors ? Parce qu’au Likoud personne n’y croyait vraiment.

En fin d’après-midi, Menahem Begin avait effectué une tournée à Jérusalem dans les quartiers de Katamon et de Kyriat Yovel, à Ramleh et à Richon LeTsion. Lorsqu’il apprend les estimations de la télévision il reste incrédule : « J’espère et je prie pour que ces gens ne soient pas déçus demain matin » confie-il à ses proches. Il refuse de faire une déclaration tant que les résultats officiels ne sont pas connus. La crainte d’un nouvel échec le force à la plus grande prudence. Au Q.G. de Tel Aviv à la citadelle de Zeev (en mémoire à Jabotinski) la fièvre monte et la fête commence. A deux heures du matin, Begin se laisse convaincre : il a gagné les élections. En apprenant les résultats du Kibboutz Ein Harod ses derniers doutes tombent : le parti travailliste connaît un échec sans précédent. Même dans certains bastions du parti travailliste, le Likoud l’emporte. Lorsqu’il quitte sa maison pour la citadelle de Zeev le commandant de la police de Tel Aviv ordonne une protection rapprochée. A cette époque, le chef de l’opposition n’avait pas de garde du corps. La police ne craignait pas tant un acte malveillant contre Begin que l’exaltation de la foule qui voulait saluer son héros. Le leader du Likoud eut du mal à se frayer un chemin. Il lui fallut une demi-heure de la porte du Q.G. au podium de la salle de l’Indépendance. La foule hurlait : « le peuple d’Israël est vivant ».

Les députés l’attendaient sur l’estrade. Il ne commença pas son discours tant que ses proches ne furent pas à ses côtés dont Ezer Weizmann, l’homme clef de cette victoire. Simha Arlech, le numéro deux du parti qui allait devenir ministre des Finances était là, dubitatif. Begin, d’une voix enrouée, dit : « C’est un tournant dans l’histoire du peuple juif et du mouvement sioniste comme nous n’en avons jamais connu depuis 46 ans. » Les applaudissements n’en finirent pas. Il improvisa en grande partie son discours où il appela les dirigeants arabes à entreprendre des négociations de paix avec Israël : « Après que le président de l’État m’ait confié la charge de former le gouvernement, je me tournerai vers Sadate, vers Assad et vers le roi Hussein et je les appellerai à venir négocier la paix. »

Puis, Begin, savourant quelque peu une victoire ayant un arrière-goût de vengeance sur le parti travailliste se tourna vers le perdant de la soirée : « J’attends un télégramme de félicitation de Shimon Pérès. Je ne tiens rancœur à personne et suis prêt à tout pardonner » ajouta-t-il.
Le lendemain, les analystes politiques prédisaient la fin de la carrière politique de Shimon Pérès après un échec aussi cuisant. « Il ne s’en remettra jamais » pouvait-on lire. Trente ans plus tard, Pérès devenait le 9ème président de l’État d’Israël après avoir été deux fois Premier ministre...

Le parti travailliste ne connaîtra à nouveau une véritable victoire qu’en 1992. Le Likoud dominera la vie politique du pays pendant 15 ans.
Aux hésitations des travaillistes divisés entre eux sur la question palestinienne et sur la paix avec le monde arabe succède une vision claire du nationalisme. Le lendemain de son élection, Begin ira inaugurer une synagogue dans l’implantation d’Elon Moré près de Naplouse. Il lancera à cette occasion : « Il y aura de nombreux Elon Moré en Israël. » Une nouvelle politique se met en place. Si, très vite, Begin a entamé des négociations avec l’Égypte, il a négligé le dossier palestinien.

La victoire du Likoud en 1977 qui marque une rupture fondamentale dans l’histoire du jeune État fut le signe de sa maturité politique. Israël devenait une véritable démocratie occidentale. L’alternance politique serait désormais la règle et plus aucun parti n’aurait l’exclusivité de tous les pouvoirs.


 

 


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