ISRAEL : L'AFFAIRE AL-DURA ( 2 )
ENTRETIEN E.SCHEMLA ET CHARLES ENDERLIN ....( SUITE )
E. Schemla Pourquoi les confrères qui ont filmé tout ceci ne sont-ils pas intervenus dans la polémique qui vous met en cause ?
C.Enderlin Mais, vous vous trompez ! Nous avons ces images qui sont passées aux EVN, les échanges internationaux, et je les ai diffusées le 27et le 28 novembre 2000 sur France 2 dans des sujets sur la conférence de presse de Yom Tov Samia, qui les a aussi. La vraie question concernant cette affaire est la suivante, me semble-t-il : pourquoi le père et le fils restent-ils derrière le tonneau ? Ma réponse, c’est qu’ils sont paralysés par la peur.
E. Schemla C’est en effet le sentiment que l’on a au visionnage. Alors, que vous inspirent de récents propos de Shahaf – très proches de ceux qu’il tenait dès le début de cette affaire, comme en témoigne un article de Haaretz en anglais que nous produisons ci joint –, prétendant que ce n’est pas le petit Mohamed qu’on voit sur ces images, et que tout ceci n’est qu’une mise en scène des Palestiniens qui auraient sacrifié un de leurs enfants ? Propos repris à leur compte par une partie des juifs français.
C. Enderlin C’est n’importe quoi, une ignominie. Shahaf nous a bombardé de coups de téléphone, il est même venu dans mon bureau à Jérusalem le 5 avril 2001, et il a été expulsé par la sécurité du studio
E. Schemla C’était au moment où, en Israël, les chaînes de télévision faisaient des sujets sur le film qu’Esther Shapira venait de réaliser pour la chaîne de télévision allemande ARD, film qui sera projeté ce mercredi soir à Paris en extérieur, lors de la manifestation contre vous. Pourquoi France 2 refuse-t-il obstinément de le montrer aux téléspectateurs français ? Parce qu’il pourrait introduire un doute dans leur esprit, contredire votre propre travail ? Qu’avez-vous à craindre ?
C. Enderlin Rien. Jamais, nous n’avons reçu de plainte de l’armée ou d’un autre organisme officiel israélien ni sur l’affaire Mohamed A Doura, ni à propos d’un quelconque reportage du bureau de Jérusalem. Quelqu’un imagine t’il que ce bureau pourrait encore fonctionner en Israël s’il y avait le moindre soupçon à notre égard ? En fait, nos relations avec toutes les administrations israéliennes sont bonnes et professionnelles, de même d’ailleurs qu’avec les Palestiniens. Sans cela, nous serions obligés de fermer boutique. Encore une fois, je suis journaliste, pas directeur. Ce n’est pas moi qui décide de ce qui passe à l’antenne, des films, des documentaires qui sont diffusés. Je ne valide pas mes propres sujets dans le journal. Pour cela, il y a une hiérarchie professionnelle… Tout est visionné par les responsables de l’édition, comme il se doit. Les gens qui m’accusent d’empêcher le passage à l’antenne du documentaire allemand font preuve d’une ignorance totale du fonctionnement d’une chaîne de télévision.
E. Schemla Quelles réflexions personnelles vous inspire le film de Shapira ?
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| Le film d’Esther Shapira en apprend plus sur les médias que sur la mort du petit Al-Dura |
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C. Enderlin Là encore, il y a des choses curieuses. Elle a interviewé des soldats qui auraient été dans le poste israélien le 30 septembre 2000. Elle les appelle Ariel, Alexei et Idan. Or, les soldats qui se trouvaient dans la position étaient des Druzes, et ils ne peuvent donc pas se prénommer ainsi. Elle nous accuse de cacher des images, ce qui est complètement faux. Je cite : « C. Enderlin, le chef de Bureau de France 2 dit qu’il a diffusé les 50 secondes disponibles alors que Talal Abou Rahmeh, le cameraman, m’a parlé avec certitude d’une cassette de six minutes » A un confrère qui, lui, a pris la peine de me demander des explications, j’ai répondu : « Madame Shapira pouvait prendre son téléphone et me poser la question. Dans la séquence de cinq minutes que dure l’échange de tirs, il y a les cinquante secondes avec le gosse. » Pour le reste, je partage entièrement l’avis de Tom Segev, journaliste et historien, qui en a fait la critique dans Haaretz. Ce film nous en apprend plus sur les médias et l’échec du service du porte-parole de l’armée que sur la mort de l’enfant. Segev a suivi l’affaire de très près, il est allé en Jordanie interviewer le père, il s’est rendu à Netzarim, il est venu voir toutes les images. Le seul scoop de Shapira, dit-il, c’est une vidéo tournée par l’employeur israélien du père de Mohamed, où l’on voit ce Palestinien participer à la bar mitzva du fils de son patron. A ce jour les chaînes israéliennes n’ont pas diffusé ce documentaire. Il y a là des insinuations, aucune démonstration convaincante.
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Mis en ligne le 23 septembre 2007, sur le site debriefing.org