ISRAEL : UNE ERREUR EN AUTOMNE

Publié le par shlomo

Par Shmuel Rosner pour Haaretz, le 17 octobre 2007
Par
Thème : Proche-Orient
 

Titre original : One mistake in the fall

Traduction: Objectif-info

WASHINGTON – Commençons par la fin. C'était une erreur. Pas nécessairement pour cette décision de convoquer un sommet de paix israélo-palestinien à Annapolis, ou une "réunion" comme les Américains tiennent à appeler cet événement, mais à cause de l'annonce trop précoce d'un calendrier rigide. 

Quand on s'est engagé à tenir la réunion en automne, on se trouve contraint d'accepter l'une ou plusieurs des trois éventualités suivantes : un ajournement ou une annulation, qui seront interprétés comme un échec, la tenue d'une réunion qui n'est pas mure, ce qui signifie un échec assuré, et la capitulation devant des pressions externes, qui mènerait aussi à l'échec. La secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice a fait une erreur : elle a aussi fourvoyé le président George W. Bush en le convainquant d'accepter ce calendrier.

Sur le chemin de Tel Aviv, Rice a indiqué aux journalistes qui l'accompagnaient : "j'ai tendance à être personnellement plutôt réticente sur les calendriers contraignants dans presque tout ce qui relève de la diplomatie."

Mardi elle a ajouté : "je suis consciente comme tout le monde que l'on prend un risque quand on annonce une réunion alors qu'il y a encore à effectuer un travail difficile."

Il y a des leçons du passé qu'elle aurait dû avoir à l'esprit, mais comme beaucoup d'autres avant elle, Rice s'est trompée en prenant la pause d'un médiateur directif: elle partait de l'hypothèse absurde que ce qui manque pour parvenir à une solution du conflit israélo-arabe, c'est la présence charismatique d'un diplomate expérimenté.

A partir du moment où cette hypothèse a été formulée, les règles du jeu étaient posées : Rice a voulu forcer les deux parties à accélérer le rythme de leurs réunions et à avancer vers un arrangement, mais elle va finir par être la victime de sa tactique brutale. Tous les participants potentiels sont maintenant en mesure de provoquer l'échec du sommet, c'est-à-dire l'échec de Rice. Ils sont ainsi en position d'exercer sur elle plus de pression qu'elle ne peut en faire sur eux. C'est vrai d'Israël et des Palestiniens, mais aussi des Saoudiens, des Égyptiens, de la Ligue arabe, des partenaires européens, et des responsables de l'ONU. Rien dans la carrière de Rice ne la préparait au bazar moyen-oriental. On voit mal comment elle va tirer son épingle du jeu.

Ces dernières années, la secrétaire d'État américaine s'est trop mêlée de sujets mineurs. D'un coté elle a manifesté sa volonté de tout faire pour aboutir à un accord sur "les points de passage" à Gaza qui n'a jamais été appliqué ; de l'autre elle a manqué d'application sur des questions centrales, comme son accord peu réaliste à la participation du Hamas aux élections palestiniennes.

Dans les deux cas, elle a tordu le bras à Israël, et à chaque fois elle s'est trompée. Il y a déjà, même dans l'actuelle administration, des gens qui tiennent Annapolis comme une erreur de la deuxième catégorie, de type sérieux. Leur principale crainte est que l'échec d'Annapolis ne renforce le Hamas dans l'opinion palestinienne, et ne lui ouvre une porte pour faire irruption en Cisjordanie depuis sa place forte de Gaza.

Le premier ministre Éhoud Olmert n'est pas particulièrement désireux de se disputer avec Rice, mais il n'a pas non plus le besoin vital de maintenir avec elle d'excellentes relations. Cela restera vrai aussi longtemps qu'il sera convaincu que Bush n'a pas l'intention de changer de politique. Bush a déjà expliqué dans son discours annonçant la conférence, que c'est là le domaine réservé de Rice. Il ne partage pas l'enthousiasme messianique qu'elle éprouve pour l'arène palestinienne. Il est assez lucide pour voir que la plupart de ceux qui l'invitent à intervenir pour exercer des pressions, sont ses adversaires, ceux qui ne lui veulent pas du bien. Les amis de Bush, à l'exception de Rice, lui disent que ce n'est ni le bon endroit ni le bon moment pour agir. Et néanmoins, Rice affirme avec force que Bush soutient ses initiatives. Peut-être sait-elle quelque chose qui échappe encore à tout le monde.

Ce n'est pas une coïncidence si Olmert a envoyé le leader du Shas, Eli Yishai, et le ministre de la défense Éhoud Barak rencontrer Rice. Ces deux personnalités, qui représentent les ailes gauche et droite de sa coalition, diffèrent sur beaucoup de questions, mais ils tiennent tous deux en suspicion l'initiative de Rice. Tous deux se sont rendus à Washington cette semaine pour plaider pour un point de vue déjà très répandu ici : la réunion d'Annapolis a très peu de chances d'aboutir à la réalisation des ambitions de Rice.

Les observateurs pessimistes pensent déjà qu'il vaudrait mieux reporter la conférence à des temps plus propices, alors que les plus optimistes essayent de faire des propositions pour lui éviter la dégringolade. Par conséquent, pendant que ce jeu biaisé se poursuit, un principe est d'ores et déjà établi. Maintenant tout ce qui reste à faire, c'est de mettre en évidence le prix que toutes les parties auront à payer pour cette bévue.

Publié dans ISRAEL

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article