IL FAUT DISSOUDRE LE PEUPLE AMERICAIN

Publié le par shlomo

Laurent Murawiec
Ce texte magistral, d’un auteur magistral, m’a rappelé ce passage inquiétant du non moins magistral Orwell : «Comme d'habitude, le visage d'Emmanuel Goldstein, l'Ennemi du Peuple, avait jailli sur l'écran. Le programme des Deux Minutes de la Haine variait d'un jour à l'autre, mais il n'y en avait pas dans lequel Goldstein ne fût la principale figure. Il était le traître fondamental. Quelque part, on ne savait où, il vivait encore et ourdissait des conspirations. Peut-être au-delà des mers, sous la protection des maîtres étrangers qui le payaient. Peut-être, comme on le murmurait parfois, dans l'Océania même, en quelque lieu secret.» (George Orwell, 1984). (Menahem Macina).
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Novembre 2006

Texte initialement paru en deux parties sur le site de Metula News Agency, repris ici du site Sur l’autre rive.

 

 

On rencontre aujourd’hui, à tous les coins de rue du débat international, l’idée que la politique moyen-orientale de Bush a été subrepticement manigancée par une sombre clique de néo-conservateurs, tous plus ou moins juifs, agissant à l’insu d’un président stupide et ignorant, et imposant une ligne de conduite subordonnant les intérêts des Etats-Unis à ceux d’Israël.

Chaque fois que je participe à un débat sur une télévision arabe, c’est la même ritournelle, et quand il m’arrive d’être interviewé par une radio New Age en Californie, j’entends le même refrain.

C’était le leitmotiv d’un disgracieux « filmouillet » produit, il y a quelques années pour la chaîne Arte, par l’Israélien repenti (et désireux de le faire savoir), William Karel, comme c’est la rengaine favorite de la bien-pensance européenne.

L’opéra de quat’ sous dont la partition a été, une fois pour toutes, publiée sous le nom de « Protocoles des Sages de Sion », est un succès permanent au hit-parade du sordide.

Qui lit le servile et poisseux al-Ahram du Caire, qui suit les déglutitions du Hezbollah sur al-Manar et ce qui dégouline des médias de Téhéran, ou encore les élucubrations meurtrières du cheikh Youssouf Qaradawi, patron de la branche internationale des Frères musulmans et téléprédicateur à succès, connaît bien la recette : la conspiration juive, vous dis-je.

Parés des sauces plus raffinées qui siéent à la cuisine française, ce sont les mêmes mets que servent les médias hexagonaux. Tout le monde est d’accord

Il y a trois ans peut-être, après m’avoir interviewé à Washington, un journaliste (dont j’ai charitablement oublié l’identité) de France 2, la chaîne qui invente les assassinats d’enfants par les Juifs d’Israël, me demanda, dans un souffle, l’air ténébreux - de peur d’être épié, sans doute : « et l’influence… ici… à Washington… des Juifs ? ».

Il y avait donc, dans son esprit, une influence uniforme, homogène, systématique, des Juifs en tant que tels, visant donc, unanimement, un but unique et indivisible, et s’entendant à l’atteindre, non au moyen de la politique ou des idées, mais grâce à l’ « influence ».

Le bon journaliste répétait les Protocoles avec bonne foi et probité.

Or, j’examine les résultats d’une enquête d’opinion, réalisée tout récemment aux Etats-Unis. Les sondeurs de l’institut de sondage de l’Université de Quinnipiac, que les médias citent souvent, ont demandé, à la mi-novembre de cette année, à 1 623 électeurs d’exprimer leur degré de sympathie ou d’antipathie envers une série de pays, plus l’ONU et les Palestiniens.

La liste qui ressort du sondage du « Thermomètre global » de cet institut est révélatrice :

 

Par ordre de sympathie, on trouve l’Angleterre, le Canada, Israël, l’Allemagne, l’Inde, le Mexique, l’ONU, la Russie, la France, la Chine, et, en queue de peloton, largement décrochés, l’Arabie Saoudite, le Venezuela, l’Irak, la Syrie, les Palestiniens, Cuba, l’Iran et la Corée du Nord…

Après l’Angleterre de la special relationship, vient le Canada, sorte de version light de l’Amérique, puis, donc, Israël.

Ce sont les trois seuls pays dont la "cote" se situe au-dessus des 65 pour cent d’opinions favorables !

Voilà qui confirme bien d’autres sondages, rapports et études : Israël jouit d’un formidable capital de sympathie dans l’opinion américaine.

La judéophilie traditionnelle des Puritains – qui remonte à Oliver Cromwell, en Angleterre - que l’on retrouve dans l’extraordinaire lettre de George Washington à la communauté juive de Newport, Rhode Island, où, loin de ne concéder à la religion d’Israël qu’une tolérance, il la met sur un pied d’égalité avec les religions chrétiennes [1].

C’est cette judéophilie, lectrice de la Bible juive, qui donna des prénoms bibliques à tant d’Américains - je pense à Abraham Lincoln ! - et motive les centaines de milliers de pèlerins, qui partent annuellement d’Amérique pour visiter la Terre Sainte, et y admirent, y soutiennent Israël et sympathisent avec lui.

Quand l’AIPAC (le comité d’action politique Amérique-Israël) réunit ses assises annuelles à Washington, et que le tout-Washington parlementaire et ministériel s’y presse pour parler, écouter, être vu, cette affluence ne fait que traduire un courant plus vaste.

Les contes à dormir debout sur l’influence « occulte » transforment cette activité - ô combien publique et transparente ! - en sombre complot.

AIPAC est souvent, en effet, dépeint comme le centre nerveux, ou la main cachée [2].

Nerveux, peut-être, caché, certainement pas.

Les éternuements indignés des intellectuels gaucho-laïcards européens sur les sympathies sionistes de la droite évangélique américaine omettent de mentionner qu’il s’agit là de dizaines de millions de gens. N’auraient-ils pas voix au chapitre ?

C’est bien le cœur du problème : pour nos élites politico-intellectuelles, le peuple n’a pas voix au chapitre, et surtout, ne doit pas l’avoir.

Ceux qui savent, les professionnels, diplomates, bureaucrates, intellectuels, savent tout et toujours ; il est déplacé et même malséant d’écouter la vox populi, cette grande naïve, qui n’entend pas les délicieuses nuances et les complications du monde « où l’on sait ».

L’irrépressible arrogance qui anime cette gent se résume toujours à cela : comment des gens aussi incultes - les Américains, chacun le sait - osent-ils nous contredire ?

Voilà qui explique ce vitriol qui empuantit le débat : ceux qui se sentent investis de l’éternelle mission de guider le monde sur les sentiers de la sagesse stratégique, les diplomates professionnels et leurs comparses universitaires, déjà, éprouvaient une haine furibonde envers Ronald Reagan et Margaret Thatcher (« la fille de l’épicier », pestaient les Lords et les baronets, ainsi que le snobs d’Oxford et de Cambridge), ainsi qu’envers George Bush.

Le mépris de nos professeurs et la condescendance de nos diplomates se changent en ouragans de rage frustrée quand ils se voient spoliés de ce privilège, de ce monopole, de cette mission qui leur reviennent de droit : dire et guider la politique étrangère des Etats-Unis !

N’oublions pas que, vers la fin du XIXe siècle, la noblesse, refoulée du champ politique par l’avènement des partis de masse, se réfugia massivement dans la diplomatie, qu’elle continua, en Europe, d’occuper comme son pré carré.

Aux Etats-Unis, ceux qui se voulaient l’équivalent d’une aristocratie, les « sang bleu » de Nouvelle-Angleterre, suivirent le même itinéraire.

Pour prendre la pose de la supériorité, les temps s’étant un peu démocratisés, il n’est plus besoin d’exciper d’une particule, ni d’un titre nobiliaire : il suffit d’être anti-Israélien, ce qui, dans certains milieux, constitue un Ordre du mérite (avec palmes).

Evincez-les ou donnez-leur le sentiment de n’être plus vos mandataires exclusifs, introduisez d’autres idées que les leurs, et vous entendrez leurs cris d’orfraie.

La théorie du complot a donc trouvé des plumes universitaires distinguées pour refaire sa beauté flétrie.

J’en veux pour preuve l’exemple donné par les professeurs Mearsheimer, de l’Université de Harvard, et Stephen Walt, de l’Université de Chicago, qui ont publié, en mars 2006, dans l’influente London Review of Books, un article remarqué, "The Israel Lobby".

Ils y réaffirmaient qu’un lobby juif avait acquis, par manipulation, une influence indue sur le gouvernement Bush, et avait utilisé les Etats-Unis pour accomplir les objectifs stratégiques d’Israël en allant renverser Saddam (1).

Je ne m’attacherai pas ici à montrer ou à dénoncer l’inanité du propos. D’autres - le juriste Alan Dershowitz et l’analyste stratégique Eliot Cohen pour ne citer qu’eux - s’en sont excellemment chargés.

Je suis frappé de l’œil torve de nos professeurs, qui voient le monde comme à travers un miroir déformant, ou mieux, un prisme sélectif.

Car s’il faut parler de lobby, le lobby arabe de Washington est puissant ; il ne s’agit pas seulement de la Ligue arabe et des ambassadeurs des pays arabes, qui ont des poches profondes et n’hésitent pas à vider des tonneaux de Danaïdes en faveur de quiconque, journaliste, diplomate, élu ou universitaire, professera quelque forme d’arabophilie.

Il y a les vingt-trois ans de mission du prince Bandar bin Sultan (1) au poste d’ambassadeur saoudien, corrupteur épique du tout-Washington, un lobby à lui tout seul, centralisé, qui ne débat jamais mais agit toujours, et utilise le pétrodollar comme moyen d’influence occulte ; notons-le, la cote saoudienne dans le sondage cité plus haut est inférieure à celle de la Chine ou de la Russie !

Les Saoudiens sont aussi populaires que la mort-aux-rats, le charme en moins.

A cette arabophilie stipendiée, il faut ajouter celle, quasi charnelle, des personnels du département d’Etat, qui voient le monde, comme l’avait sévèrement jugé une commission d’enquête parlementaire il y a trente ans déjà : « à travers une pellicule de pétrole épandue sur leurs globes oculaires ».

Une partie importante du lobby pétrolier est pro-arabe – et donc, évidemment, anti-israélienne.

Et quel lobby ! Quelle puissance de frappe ! Pas au point, cependant, d’attirer l’attention de nos professeurs, qui, tels les aveugles de Breughel, vont droit dans la fosse à purin, en y entraînant les paralytiques et autres handicapés du ciboulot.

Non, l’existence et l’action d’autres lobbies fort importants, ils ne les remarquent pas.

Dans leur ligne de mire, ils ne voient que le « lobby juif ! ».

Il y a de ces coïncidences…


© Laurent Murawiec

 TEXTE REPRIS  DU SITE DE L'UPJF

Publié dans ANTISEMITISME

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