QUI EST BRUNO GUIGUE ?

Publié le par shlomo

Ingres et son violon

Ingres peignait magnifiquement. C’était un maitre en son genre. A ses admirateurs qui le couvraient d’éloges, il répondait modestement : « Cela n’est rien. Vous m’entendriez sur un violon… ». Duquel il ne sortait rarement autre chose qu’un bruit de crincrin abominable.

Il est vrai que si le peintre est passé à la postérité, le violoniste qui sommeillait en lui a eu beaucoup de peine à sortir de sa léthargie. Il se murmure que la musique y a gagné, tout autant que la peinture.

Jean Cocteau, qui n’a pas dit que des sottises, affirmait : « C'est en jouant médiocrement du violon qu'Ingres nous a donné une formule si commode qu'on se demande de quelle autre on se servait auparavant ».

Depuis que l’homme existe, l’une de ses principales faiblesses est de croire qu’excellant dans un domaine, il peut également en affronter d’autres.

Les malentendus qui résultent de cette volonté de briller sont légion. Vers 1912, les travaux publics viennois ont perdu un excellent peintre en bâtiment, lequel est ensuite devenu dictateur. On a vu le résultat.

Plus proche de nous, les journalistes, sous prétexte qu’ils écrivent leurs dépêches et ânonnent leurs vérités, se piquent d’être romanciers. Les animateurs télé, avec plus ou moins de bonheur, s’essayent à la chansonnette ou au roman. Nous sommes à l’ère du tout est dans tout et réciproquement.

Cela n’est du reste pas gênant pour les campagnes promotionnelles puisque ce sont en général les renvois d’ascenseurs qui permettent à ce petit monde de s’auto-congratuler avec suffisance lors d’émissions littéraires truquées.

Il est même des comiques qui se lancent en politique. Les politiques, eux, ont perdu depuis longtemps, la faculté de nous faire rire. Sauf de temps en temps mais, au moins, ils ont la décence de ne pas le faire exprès.

Ne soyons pas d’un esprit chagrin. S’essayer à d’autres domaines, en un temps où l’on privilégie la Validation des acquis de l’expérience (VAE) et la formation tout au long de la vie, revient à saisir une magnifique opportunité de se réaliser complètement.

Relevons cependant que ce changement d’activité est plus facile dans certains corps de métiers. La surreprésentation du monde de l’Education Nationale en politique en est un signe évident. La consultation des listes aux dernières municipales est éloquente. Plus difficile en revanche reste l’accès à un changement d’orientation professionnelle pour les salariés du privé.

Ces mêmes cadres de l’Education Nationale et fonctionnaires des collectivités publiques territoriales font montre d’une extrême souplesse dès qu’il s’agit d’être mis à disposition d’un syndicat, de briguer le suffrage universel ou de changer de métier pour se consacrer à leurs passions du moment. Ils se montrent pointilleux à l’extrême dés lors qu’il s’agit d’offrir les mêmes opportunités aux autres travailleurs.

La haute fonction publique territoriale n’échappe pas à cette règle du bien vivre. Il en est ainsi notamment d’un haut fonctionnaire de l’Etat qui, depuis quelques années, sévit sous le nom de Bruno Guigue dans des départements d’outre-mer ainsi que d’autres postes honorables.

Luc Rosenzweig, ancien Rédacteur en chef du Monde, a été le premier à dénoncer cette vilénie sur RCJ.

Ce sous-préfet se répand sur les ondes, dans les colloques et dans des maisons d’éditions comme L’harmattan. Dans ses ouvrages, il critique férocement l’idée même de l’existence d’Israël et se pique d’être spécialiste du Moyen Orient.

Ce faisant, il trouve tribune chez les mouvements « palestinolâtres », tous heureux de pouvoir, à bon compte, trouver ainsi une caution morale, que Bruno Guigue se complait à leur accorder.

Le même collabore régulièrement au site citoyen Agora Vox - fort pertinent par ailleurs - et donne des conférences en tous lieux et sous couvert de l’Université française dont il serait, à ce qu’il paraît, un des fleurons.

Le 10 septembre 2002, en tant que directeur général adjoint des services de Région de La Réunion, Monsieur fait de la théologie et philosophe sur le renouveau aristotélicien afin de lui imputer l’esclavage (lire). Ce raccourci intellectuel ne sera jamais relevé par les universitaires du cru. Même à la Réunion, il n’est pas très habile de reprendre vertement le directeur des services. La manne financière risque de tarir.

Bruno Guigue a tout simplement oublié que l’Histoire n’a pas attendu Aristote pour procurer son lot d’esclaves.

C’est le propre des penseurs à la petite semaine, les Ingres du savoir, que de proposer des théories sans avoir les outils intellectuels indispensables pour les étayer.

Que l’on se comprenne bien !

Il n’est pas ici question de nier à ce « penseur préfet » le droit de penser et de réfléchir.

Le 26 octobre 2001, Bruno Guigue déclare, à propos du 11 septembre : "Quelle que soit l’identité de ses commanditaires, il est clair que l'attaque terroriste est une conséquence directe de la crise qui sévit au Moyen-Orient, et qu'elle est une réplique meurtrière à la politique des Etats-Unis dans la région".

Il n’a de cesse de fustiger l’intervention en Irak, en Afghanistan. Mais l’Etat qui fait l’objet de toute son attention, c’est bien entendu Israël.

Bruno Guigue a le droit de ne pas être d’accord avec la politique israélienne. Il a le droit de réclamer, stupidement, le retour aux frontières de 1967. Il a aussi le droit de sous tendre dans chacun de ses propos qu’il serait effectivement plus logique qu’Israël cesse d’exister pour parvenir enfin à la grande paix mondiale.

Il a le droit d’être antisioniste mais n’a aucun droit à propager des idées qui favorisent l’antisémitisme.

Son violon d’Ingres ? La démonisation de l’Etat d’Israël.

Pour parvenir à nous jouer sa partition, Bruno Guigue n’hésite pas à reprendre tous les poncifs inventés par les antisionistes primaires depuis quelques décennies déjà. Inutile de s’étendre sur leur interminable litanie dans laquelle le spectre du « complot juif mondial » apparaît en filigrane derrière ce qui est qualifié de lobby pro-israélien.

Ce dernier s’évertuerait à agiter le chiffon rouge du génocide du Darfour pour mieux occulter celui qui s’opèrerait dans les Territoires.

Il est de peu d’intérêt de lire sous sa plume la description de la « souffrance palestinienne » sacrifiée sur l’autel des exigences d’un Etat théocratique et hégémonique.

On finit même par trouver un peu fastidieuses certaines antiennes comme la dénonciation d’un Etat qui, « s’il avait appliqué la peine de mort aux civils palestiniens avec davantage de discernement depuis soixante ans, il n’aurait pas suscité un tel rejet de la part de ses voisins proches ou éloignés » (sic). Guigue veut ignorer que les Juifs ont été massacrés pendant 2000 ans sans avoir eu besoin de tuer le moindre enfant.

Peu importe également si ce Monsieur Guigue se livre, à l’instar d’un Dieudonné ou d’un Tarik Ramadan, à l’établissement de listes de Juifs sous la pudique appellation « d’intellectuels organiques du lobby pro-israélien » (2).

Tout cela, à Primo, nous connaissons. La toile foisonne de ce genre d’écrits délirants relevant de cette pathologie paranoïaque bien connue, propre à ceux qui se considèrent comme étant les « damnés de la terre ».

Ce qui pose problème ici relève de la personnalité et de la fonction de leur auteur.

Bruno Guigue est encore sous-préfet. L’administration centrale, apparemment peu sensible à ses compétences administratives, ne l’a pas gâté. Il semble sévir dans une province française dans laquelle il se fait remarquer pour son peu de goût pour le dialogue civil et social.

Mais la phrase qui ne passe pas, qui ne peut pas passer, c’est entre autres l’affirmation qu’Israël "est le seul Etat au monde dont les snipers abattent des fillettes à la sortie des écoles".

Notez au passage l’affront qui est fait à ces piètres tireurs que sont les Israéliens qui visent des fillettes mais tuent des terroristes. Rien à voir avec ces « excellents » stratèges que sont les auteurs et les commanditaires des attentats-suicide.

La question est aujourd’hui posée : quels sont les moyens auxquels le sous-préfet Guigue a eu recours pour obtenir de sources sérieuses et recoupées les éléments d'information permettant d’accuser une démocratie de donner ordre à ses soldats de tirer sur des fillettes ?

Pour cette phrase seulement, mais il y aurait, dans son article paru sur le site islamiste Oumma, bien d’autres affirmations inacceptables, le sous-préfet Bruno Guigue devrait être radié et non simplement mis hors cadre, avant les prochains mouvements préfectoraux.

En tant que haut-fonctionnaire, il est tenu à un certain devoir de réserve qui devrait lui interdire de se répandre dans les médias alternatifs à la recherche de la plus petite notoriété.

Monsieur le sous-préfet ne peut exiger de ses administrés le respect de la loi s'il ne l'applique pas d'abord à ses écrits.

En attendant, et à défaut de violon, Monsieur Guigue serait bien avisé de se mettre à la poterie ou encore au macramé. S’il lui reste quelques heures à consacrer à son métier de sous-préfet, cela n’en serait que mieux.

Mais, à l’impossible, nul n’est tenu.

Ce qui importe désormais, c’est que très vite sa hiérarchie prenne conscience de l’incongruité de la présence de cet individu à un tel niveau de la République et agisse en conséquence.

Si elle le fait, mais cela reste à prouver car elle est finalement bonne fille, Monsieur Guigue et ses principaux soutiens dans la sensibilité palestinophile ne sauraient se plaindre d'être victimes du lobby pro-israélien. Le sous-préfet n'a tout simplement pas respecté l'impartialité à laquelle l'oblige ses fonctions de représentant de l'Etat.

On sait des préfets, en Corse notamment, qui ont allumé des feux de moindre importance et qui l'ont payé cher.

© Primo, 22 mars 2008

(1) Lire l'article sur Oumma.com
(2) rubrique Opinions Le Monde


Publié dans FRANCE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article