L'EGYPTE CONSTRUIT UN MUR ET CHANGE DE TON A PROPOS DE LA BARRIERE D'ISRAEL

Publié le par shlomo


David Schenker

The Weekly Standard Vol. 13, n° 31, du 28 avril 2008

 

Texte anglais : "Egypt builds a wall and changes its tune on Israel's barrier".

 

Traduction française : Menahem Macina pour upjf.org

 

On a fait beaucoup de bruit autour de la barrière de sécurité, qui isole la Cisjordanie. Quand elle sera achevée, en 2010, cette barrière – qui suit approximativement la frontière entre Israël et le territoire palestinien – s’étendra sur quelque 805 km. Les Israéliens affirment que le but de cet ouvrage est de réduire les attentats terroristes contre l’Etat juif. Il y a peu de raisons de mettre la chose en doute : malgré un attentat, perpétré en mars, qui a tué huit étudiants d’un institut religieux juif de Jérusalem, les statistiques montrent que cette barrière et son homologue autour de Gaza sont efficaces.

Les habitants de la Cisjordanie condamnent l’ouvrage parce qu’il empiète sur le territoire palestinien d’avant 1967, qu’il limite la liberté de mouvement, et sépare les agriculteurs de leurs champs. Le Hamas, qui a pris le contrôle de la Bande de Gaza depuis juin 1967, décrit son territoire comme une « grande prison ». Jusqu'à récemment, l’Egypte comptait parmi les critiques bruyants. En 2003, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Ahmed Maher, décrivait l’ouvrage comme « défiant la légitimité internationale et l’opinion publique mondiale ».

Et tandis qu’Israël s’active rapidement à circonscrire hermétiquement sa menace côté Cisjordanie, les Palestiniens font face à la perspective d’un autre mur qui va les encercler. Toutefois, ce mur n’est pas construit par les Palestiniens, mais par l’Egypte, qui aspire à se protéger davantage de ses voisins palestiniens de Gaza.

Le Caire a toutes les raisons de se faire du souci. En janvier 2008, le Hamas a démoli la clôture de la frontière entre Gaza et l’Egypte, ce qui a permis à environ 700 000 Palestiniens – près de la moitié de la population de Gaza – de déferler dans le désert du Sinaï. Au début, Le Caire a considéré la brèche de Gaza comme une occasion de conforter sa bonne foi pro-palestinienne. Puis, la réalité s’est mise en place. L’Egypte, à ce qu’il semble, s’est inquiétée de ce que l’entrée des Palestiniens dans le Sinaï exacerbe le problème qu’elle a avec le terrorisme. En avril 2006, 23 touristes ont été tués dans un attentat à la voiture piégée, dans la station touristique de Dahab, dans le  Sinaï ; deux jours plus tard, des Observateurs de la Force multinationale de l’ONU, chargés de l’application du traité de paix entre l’Egypte et Israël, ont été la cible d’un attentat-suicide.

Pour le Caire, la menace s’étend au-delà du Sinaï. Les islamistes d’Egypte - menés par les Frères Musulmans – ont enregistré des gains politiques importants, ces dernières années, obtenant 88 des 444 sièges au Parlement en 2005. La perspective d’une connexion entre le Hamas et les Frères Musulmans terrifie le gouvernement égyptien. Pour reprendre l’expression d’un analyste politique égyptien, « le Hamas, c’est les Frères Musulmans sous forme de stéroïdes [hormones] ».

Moins de deux semaines après la brèche dans la frontière de Gaza, Le Caire a pris des mesures draconiennes pour ramener les Palestiniens à Gaza. Il en a arrêté des dizaines – dont un groupe de Palestiniens armés, réputés préparer un attentat contre des touristes israéliens dans le Sinaï – et a promptement scellé à nouveau sa frontière avec des kilomètres de barbelés. Le Hamas a crié à la honte et juré qu’il ne permettrait pas que la frontière reste close. En février, deux gardes-frontière égyptiens ont été blessés par des tirs palestiniens et plusieurs autres ont dû être soignés pour des fractures, après avoir été atteints par des pierres lancées depuis l’autre côté de la frontière.

Du fait de l’accroissement des tensions le long de la frontière, l’Egypte a assoupli sa position concernant la barrière [israélienne] de Cisjordanie. En mars, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, a déclaré : « Quiconque veut ériger une barrière de sécurité dans son pays est libre de le faire ». Par la suite, il a été annoncé que l’Egypte utiliserait 23 millions de dollars de l’assistance américaine pour édifier sa propre barrière le long de la frontière avec Gaza.

Des équipes du corps du génie militaire sont attendues sous peu en Egypte, pour encadrer le projet.

Le changement d’attitude du Caire est dû, au moins en partie, à Washington. Durant plus d’une décennie, des armes ont été introduites librement dans Gaza, des tunnels de contrebande omniprésents relient le Sinaï aux zones palestiniennes, et contournent la surveillance israélienne. Mais depuis la prise de pouvoir du Hamas à Gaza, le problème attire de plus en plus l’attention, du fait que des roquettes à plus longue portée  - que l’on suppose avoir été transportées via ces tunnels – ont commencé à tomber, avec une plus grande fréquence, sur des villes israéliennes. Au cours des discussions concernant le budget 2008, le Congrès s’est montré si inquiet de l’inaction égyptienne perceptible concernant les tunnels, qu’une clause a été insérée conditionnant l’aide américaine de près de 100 millions de dollars à des mesures égyptiennes pour contrer ces voies de contrebande d’armes.

Pour Le Caire, cette pression américaine a été un mal bienvenu. Le gouvernement égyptien se limite à déverser un flot de bonnes paroles à propos de la crise humanitaire à Gaza, alors qu’au fond, il éprouve de l’appréhension pour le caractère militant de Gaza sous la domination du Hamas. Ces sentiments sont seulement devenus plus intenses du fait des récentes percées politiques et sociales des islamistes d’Egypte.

En définitive, la frontière de Gaza est, plus que toute autre chose, une question de sécurité nationale égyptienne. Aussi, malgré les comparaisons qui ne manqueront pas d’être établies entre les barrières israélienne et égyptienne, Le Caire n’a d’autre d’alternative que d’avancer dans la construction d’un mur à lui. Comme Israël l’a appris il y a quelque temps, les bonnes barrières font les bons voisins, surtout quand vos voisins sont vos ennemis.

 

David Schenker *

 

© The Weekly Standard

 

* David Schenker est membre permanent et directeur du programme de politique arabe à l’Institut d’Etudes du Proche-Orient de Washington.


[Texte aimablement signalé par M. Taub, Israël.]

 

Mis en ligne le 23 avril 2008, par M. Macina, sur le site upjf.org

Publié dans TERRORISME

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