ETAT DES LIEUX

Publié le par shlomo


Israël avait quatre ans quand je suis né.

Pour mes aînés, sa création bouleversait l’ordre du monde. Pour moi, son « intemporalité » a construit l’ordre de mon monde.

Soixante ans après son douloureux enfantement, la perception inlassablement suggérée par les médias que le désordre du monde tient à cette seule existence a fécondé une interrogation désormais audible sur la pertinence pour les Juifs d’avoir un Etat dans lequel ils organisent leur souveraineté et se réapproprient la maîtrise de leurs destins collectif et individuels.

En 2003 déjà, une enquête de l’Eurobaromètre « révélait » la « dangerosité » d’Israël pour la paix mondiale.

Cinq ans plus tard (avril 2008), un sondage BBC World juge son influence sur les affaires du monde plus négative que celle du Pakistan, de la Corée du Nord, de la Russie ou de la Chine et à peine moins mauvaise que celle de l’Iran qui, « accessoirement », peut ainsi continuer impunément de promettre son anéantissement.

Il s’écrit partout qu’Israël doit cette image infâmante à sa part écrasante de responsabilité dans le conflit qui l’oppose aux Arabes des territoires disputés.

Il s’entend partout qu’il n’assurera sa survie qu’en consentant à tous les abandons utiles à la création d’un Etat pour des Palestiniens exonérés, eux, d’en consentir également comme ils sont exemptés de répondre de leurs délires assassins.

Et partout s’énonce tranquillement que cette Palestine à naître serait non le dividende identitaire tiré par ses futurs citoyens de la création et de la résistance opiniâtre et solitaire d’Israël, mais, nouveau dogme aussi risible qu’incontesté, son assurance-vie sécuritaire et la vraie garante de sa pérennité.

C’est coupablement oublier que la paix avec un peuple toujours majoritairement solidaire des crimes perpétrés volontairement contre des civils juifs innocents et sans défense ne se fera pas avant de lui apprendre la répulsion que les abominations commises en son nom devraient lui inspirer.

C’est oublier qu’elle ne se fera pas non plus sans guérir un monde qui invente une langue pour travestir des terroristes en « résistants », et bannit celles et ceux qui, interrogeant au péril de leurs vies le silence puissant de l’ « écrasante majorité des musulmans modérés », se rebellent à son empire hypnotique.

C'est oublier

C’est oublier qu’elle ne se fera pas plus sans soigner les nations « civilisées » qui jugent Israël coupable non pas d’être un Etat juif, mais de ne plus l’être sur la foi de mensonges caractérisés de médias monomaniaques présentant les soldats de son armée sous les traits de violeurs cyniques ou d’assassins sadiques d’enfants.

C’est oublier qu’elle ne se fera pas tout le temps que le monde instruit le procès d’Israël pour expier ses propres fautes passées et présentes, et se commande de déceler dans le Sionisme comme hier dans le Juif, les causes de ses contrariétés et de ses lâchetés.

C’est oublier en somme, qu’elle ne se fera pas si, pour exister, le prix exigé d’Israël est d’être parfait à tous égards, et si il est le seul Etat de la communauté des Nations à devoir répondre de ce qu’il est en plus de plaider pour ce qu’il fait.

C’est oublier qu’elle ne se fera pas sans questionner un Occident dont l’humus culturel et religieux répugne à « déléguer la garde de ses lieux saints à un Judaïsme avec lequel il se sent, avec lui seulement, en compétition, même si l’Etat juif d’Israël s’acquitte honorablement de cette tâche, et quand l’Islam qu’il méprise ignore, lui, cette responsabilité partout où il règne en maître. » (I. Franco, « Dans l’espace et dans le temps », Mai 2003)

C’est oublier enfin qu’elle ne se fera pas sans interpeller fièrement « un monde égaré, veule et privé d’espoir, qui couvre la nudité de son profond malaise culturel, religieux et identitaire, des pans étriqués de cette malheureuse guerre israélo-arabe, une société malade, mais dans laquelle ce sont les Juifs qui auront eu mal et auront mal longtemps encore de la parole de haine libérée. » (Ibid.)

Soixante années d’agressions par ses voisins n’auront pas eu raison de la démocratie israélienne, de la place de ses minorités dans son tissu social et culturel, de ses performances économiques et de son excellence scientifique et technologique.

Mais aussi, Israël souffre d’une grave crise de leadership, de l’humeur collective d’une société civile tentée par l’hédonisme et fatiguée de ne pouvoir jamais être fatiguée de la guerre, de l’inclination naturelle de ses citoyens à se déchirer, d’une profonde et indécente fracture sociale, d’une population arabe israélienne intoxiquée, de son isolement politique et médiatique, de l’agressivité de l’Iran, de la Syrie et de leurs affidés du Hamas et du Hezbollah, de l’ombre menaçante d’Al Qaïda sur ses marges, de l’insignifiance et de la duplicité du président de l’Autorité palestinienne, de l’hypocrisie égyptienne et du cynisme de la Ligue arabe.

Mais surtout, ce pays jeune de soixante ans et quelques millénaires paie, un peu avant les autres, pour la Raison que la communauté des Hommes « congédiait à Durban deux jours avant la tragédie du 11 septembre 2001 pour s’abandonner, libérée et obscène, au culte de la Mort et du Suicide, comme on succombe à une idole. » (Ibid.)

Un peu avant les autres…

N’était Israël, le pessimisme serait de rigueur.

Avec Israël, « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté » (Alain)

Isaac Franco © Primo (Bruxelles – Mai 2008)

Publié dans ISRAEL

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article