CE JOUR-LA, 14 MAI 1948, A TEL AVIV...

Publié le par shlomo

Par Jean-Marie Allafort, Cecile Pilverdier
 

 "Un écho d’Israël".

 

A partir du vote du plan de partage de la Palestine à l’assemblée générale de l’ONU, le 29 novembre 1947, les Juifs sont confiants. Ils savent qu’ils auront un pays et que les Anglais mettront fin à leur mandat sur la Palestine le 15 mai (qui tombe cette année un shabbat). Ce plan est rejeté par les Britanniques et les Arabes. Les heurts et les émeutes se multiplient. Dès la fin du mois d’avril 1948, la Hagana permet la levée du siège de Jérusalem, prend Haïfa et Safed, reliant ainsi les localités juives. Dans ce même temps les Britanniques accélèrent le rythme de leur évacuation, supprimant ainsi les services comme la poste, les transports ferroviaires et le téléphone.

C’est alors que l’Assemblée générale sioniste établit un Conseil national de 37 membres, formé de tous les partis, dirigé par David Ben Gourion. Un comité exécutif de 13 membres est mis en place. Ce sera le premier gouvernement provisoire après la proclamation de l’Indépendance.

Le 11 mai, Moshé Sharet revient des Etats-Unis où il vient de rencontrer Georges Marshall, le ministre américain des Affaires étrangères. Marshall lui avait dit :

« Ne créez pas d’Etat, on vous égorgerait et nous ne pourrions pas vous aider. »

Le comité central du Mapaï était réuni à Tel Aviv et attendait la venue de Sharet. Reuven Shiloah, qui sera le premier patron du Mossad, était venu attendre Moshé Sharet, en jeep, à l’aéroport. Shiloah lui explique que Ben Gourion veut le voir immédiatement. Sharet refuse. Il doit parler au comité central du Mapaï et rapporter les propos de Marshall. Shiloah ne lui laisse pas le choix et Sharet se retrouve au deuxième étage de la maison du dirigeant. Il transmet les paroles du chef de la diplomatie américaine et ajoute :

« Je pense que Marshall a raison ».

Ben Gourion se lève, ferme la porte à clé et se tourne vers son futur ministre des Affaires étrangères :

« En partant d’ici, tu iras rapporter les propos de Marshall au comité central du Mapaï, mais les quatre derniers mots que tu viens de dire, tu ne les prononcera pas, sinon tu ne sortira pas d’ici. »

Sharet s’exécuta et, le soir même, il se prononça publiquement pour la proclamation de l’Indépendance.

Le 12 mai, le comité exécutif décide que l’Indépendance sera proclamée deux jours plus tard. La discussion a duré 13 heures, de midi à une heure du matin. Les nouvelles militaires du Goush Etsion qui viennent de tomber sont alarmantes.

Lorsque Haïm Weizmann est contacté à New York pour en recevoir l’annonce [celle de l’Indépendance], il répond, en yiddish :

« Qu’attendent-ils, ces idiots ! »

Puis, rencontrant le Président Truman, il déclare :

« Monsieur le Président, notre peuple a le choix entre l’établissement d’un Etat indépendant, ou l’extermination. Je suis convaincu que votre décision sera inspirée par des raisons morales ».

Il reste 48 heures pour les préparatifs : la rédaction de la déclaration, la cérémonie et les invitations. La proclamation aura lieu le vendredi à 16 heures, avant l’entrée du shabbat.

Pour le lieu, on choisit le Musée de Tel Aviv, l’une des premières maisons juives de la ville, qui appartenait, depuis 1910, à Meïr Diezengoff, futur maire de Tel Aviv, et qui était devenue le lieu de rendez-vous des écrivains et artistes. W. Churchill et A. Einstein y avaient été reçus.

Zeev Sharef, plus tard secrétaire du cabinet de Ben-Gourion, est nommé responsable de la préparation de la cérémonie. Dans la salle, il ne devait y avoir que des ornementations juives : un portrait de Herzl et un tableau de Chagall représentant un juif portant un rouleau de la Tora. Tout se précipite : un menuisier construit une estrade, on emprunte des chaises dépareillées dans un café proche, un tapis chez un marchand, un micro d’un magasin de musique, et les deux drapeaux, de chaque côté du portrait de Herzl, sont lavés.

TEXTE DE LA DECLARATION D’INDEPENDANCE

 

14 mai 1948

 

La terre d’Israël est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que s’est fondée son identité spirituelle, religieuse et nationale. C’est là qu’il a réalisé son indépendance et créé une culture qui a une signification nationale et universelle

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350 invitations sont envoyées. Le texte, écrit et réécrit plusieurs fois, est voté à l’unanimité, au second tour, une heure avant la déclaration. On n’a pas le temps de le mettre au propre. Dépassé par les événements, Sharef se trouve encore dans le bâtiment du Fonds National Juif, avec, en mains, le texte de la déclaration. Tout est parfaitement organisé, il a simplement oublié de prévoir un taxi pour lui. Il arrête le premier véhicule de passage ; le jeune qui est au volant, sans permis de conduire, refuse de le prendre en stop. Il veut être chez lui pour entendre la déclaration d’Indépendance à la radio. Sharef lui rétorque alors : « Si vous ne m’amenez pas au Musée, vous ne pourrez pas l’entendre, parce qu’elle est là, dans ma main ».

Sur l’estrade, siègent onze membres du Gouvernement Provisoire, avec Ben Gourion au centre, et, plus bas, 14 membres du Conseil national. Deux membres du Gouvernement Provisoire et 10 du Conseil sont absents.
A 16 heures, Ben Gourion frappe la table de son marteau, on entonne le chant de la HaTikva.

Après la lecture de la déclaration, Ben Gourion lit le dernier paragraphe :

« Confiants dans le Tsour (roc) d’Israël [cf. 2 S 23, 3 = Is 30, 29. NDLR d’upjf.org], nous signons cette déclaration sur le sol de la patrie, dans la ville de Tel Aviv, en cette séance de l’Assemblée provisoire de l’Etat, tenue la veille du shabbat, 14 mai 1948. »

Le moment de signer arrivé, Moshe Sharet aide à maintenir le parchemin, le texte tapé à la machine étant attaché avec une agrafe. Au nouveau rouleau calligraphié plus tard, les signatures seront attachées au fil et à l’aiguille ! 37 personnalités, représentant toutes les composantes du peuple en Israël, ont signé cette déclaration. On peut ainsi voir la signature de rabbins orthodoxes, à côté de celles de communistes athées. Seules deux femmes (Golda Meïr et Rachel Cohen, représentante de l’organisation Wizo) ont signé le précieux document. Certains ne le paraferont que quelques jours après la cérémonie, à laquelle ils n’ont pu participer.

La cérémonie a duré 32 minutes. Dans tout le pays, les danses et les pleurs de joie éclatent.

Yediot Aharonot et Maariv décident d’une édition spéciale conjointe, pour l’occasion. Le journal titre :

« Dernier jour du gouvernement étranger ».

Les enfants le vendront dans les rues de Tel Aviv, mais sans succès. Les nouveaux Israéliens sont occupés à faire la fête et à se préparer à la guerre...

 

Jean-Marie Allafort et Cecile Pilverdier

 

© Un écho d’Israël

 

Publié dans ISRAEL

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