LES MEDIAS ET LA « RUE ARABE » FACE A LA CRISE DE GAZA
Par Lhoussain AZERGUI et Claude MONIQUET
Comment les médias arabes traitent-ils de la crise à Gaza ? Comment la « rue arabe » fait-elle écho à ses intellectuels ?
L’ESISC disposant d’un service spécialisé dans le suivi, la traduction et l’analyse des journaux et sites Internet arabophones, il nous a semblé particulièrement intéressant de nous pencher sur cette question. On découvrira dans
les pages qui suivent à quel point cette presse manque, le plus souvent, du plus simple recul et d’une approche analytique objective, confondant de plus l’exposé des faits et leur commentaire. Et à quel point elle se fait, depuis plusieurs semaines, le vecteur d’un discours de haine non seulement contre Israël, mais aussi contre ses propres dirigeants, contre « l’Occident » - et surtout les Etats-Unis et la France – et même contre certaines minorités du « monde arabe », par exemple les Amazighs et les Kabyles ou les Chrétiens suspectés de ne pas être assez « solidaires » avec la population de Gaza.
Il n’est pas anecdotique de s’arrêter à cet aspect des choses car la presse arabe, en dépit de son taux de pénétration extrêmement bas (une constante due à l’analphabétisme des foules dans de nombreux pays concernés par notre étude a néanmoins une influence sur la jeunesse éduquée et les intellectuels. Le fait qu’elle pousse à la haine et à la violence ne peut donc pas rester sans conséquence. Des points de vue politique et sécuritaire, la crise et surtout son traitement pas les médias arabes pourraient donc avoir des conséquences graves à moyen terme. On découvrira aussi que cette crise est surtout un révélateur. Révélateur des frustrations du peuple et de la rancoeur qu’il nourrit parfois pour ses dirigeants, révélateur des tensions entre sunnites et chiites, révélateur de ce sentiment complexe et même mêlé d’amour/haine que la rue arabe voue au monde occidental.
Mais on verra aussi que quelques voix libres et indépendantes tentent, en dépit de tout et malgré les risques encourus, d’aller à contre-courant, d’expliquer et, même parfois, de heurter le sentiment dominant.
1) En guise d’introduction
Du point méthodologique, nous avons travaillé de manière empirique, en sélectionnant plusieurs dizaines d’articles parus dans des médias d’opinion différentes dans plusieurs pays arabes entre le 5 janvier et le 13 janvier, alors que la crise de Gaza était en pleine escalade.
Notre critère de choix était de révéler différentes thématiques qui apparaissaient comme des constantes transversales dans l’ensemble des pays étudiés. On trouvera peu de citations extraites de la presse marocaine car celle-ci, à la notable exception du quotidien islamiste Attajdid, est restée relativement factuelle et n’a pas cédé à la surenchère qui caractérise, par exemple, la presse algérienne. La même réflexion vaut pour la presse tunisienne, elle aussi très factuelle. La Tunisie et le Maroc ont des liens anciens et complexes avec leurs communautés juives et avec Israël et il est manifeste qu’en se bornant le plus souvent à reprendre des dépêches d’agences internationales et en les commentant fort peu, les médias de ces deux pays ont souhaité ne pas rajouter des tensions inutiles à celles qui se manifestaient déjà.
Nous n’avons traité aucun média syrien ou libyen car ceux-ci nous ont semblé absolument inintéressants, ne faisant que relayer de manière servile les directives des pouvoirs en place.
Enfin, mais cela va de soi, nous ne nous sommes intéressés qu’aux médias arabophones et pas aux journaux publiés en français ou en anglais : notre but était bien de tenter de décrypter les lignes de forces des discours destinés aux populations locales, dans leur langue.
2) Les attaques contre des chefs d’Etat arabes modérés et les menaces de troubles internes
Vue à travers le prisme des médias arabes, la crise de Gaza semble souvent cristalliser les rancoeurs et frustrations que la rue arabe nourrit trop souvent à l’égard de ses dirigeants. Elle est aussi, pour certains gouvernements qui tirent leur légitimité de la guerre d’indépendance ou de la révolution (comme c’est le cas à Alger), l’occasion de susciter la mise en cause de grands rivaux modérés, comme l’Egypte, chef de file du monde arabe. De nombreux médias et tous les sites islamistes attaquent régulièrement les chefs d’Etat et les régimes arabes modérés.
Ainsi, le 5 janvier, le quotidien algérien Ennahar (« très proche » des services de sécurité) cite longuement le cheikh Abderrahman Chiban, président de l’Association des oulémas musulmans algériens, qui qualifie les chefs des Etats arabes de « traîtres et d’alliés des Etats-Unis et du régime raciste et barbare d’Israël»
Le 5 janvier toujours, un autre quotidien algérien, Echorouk, met en garde les régimes arabes contre des révoltes et des actes de violences, du fait de leur « passivité devant la machine de guerre israélienne » : «La rue arabe est en colère contre les dirigeants qui baissent l’échine devant Israël et les Etats-Unis ».
LA SUITE ICI
http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/les-medias-et-la-rue-arabe--431.pdf
Comment les médias arabes traitent-ils de la crise à Gaza ? Comment la « rue arabe » fait-elle écho à ses intellectuels ?
L’ESISC disposant d’un service spécialisé dans le suivi, la traduction et l’analyse des journaux et sites Internet arabophones, il nous a semblé particulièrement intéressant de nous pencher sur cette question. On découvrira dans
les pages qui suivent à quel point cette presse manque, le plus souvent, du plus simple recul et d’une approche analytique objective, confondant de plus l’exposé des faits et leur commentaire. Et à quel point elle se fait, depuis plusieurs semaines, le vecteur d’un discours de haine non seulement contre Israël, mais aussi contre ses propres dirigeants, contre « l’Occident » - et surtout les Etats-Unis et la France – et même contre certaines minorités du « monde arabe », par exemple les Amazighs et les Kabyles ou les Chrétiens suspectés de ne pas être assez « solidaires » avec la population de Gaza.
Il n’est pas anecdotique de s’arrêter à cet aspect des choses car la presse arabe, en dépit de son taux de pénétration extrêmement bas (une constante due à l’analphabétisme des foules dans de nombreux pays concernés par notre étude a néanmoins une influence sur la jeunesse éduquée et les intellectuels. Le fait qu’elle pousse à la haine et à la violence ne peut donc pas rester sans conséquence. Des points de vue politique et sécuritaire, la crise et surtout son traitement pas les médias arabes pourraient donc avoir des conséquences graves à moyen terme. On découvrira aussi que cette crise est surtout un révélateur. Révélateur des frustrations du peuple et de la rancoeur qu’il nourrit parfois pour ses dirigeants, révélateur des tensions entre sunnites et chiites, révélateur de ce sentiment complexe et même mêlé d’amour/haine que la rue arabe voue au monde occidental.
Mais on verra aussi que quelques voix libres et indépendantes tentent, en dépit de tout et malgré les risques encourus, d’aller à contre-courant, d’expliquer et, même parfois, de heurter le sentiment dominant.
1) En guise d’introduction
Du point méthodologique, nous avons travaillé de manière empirique, en sélectionnant plusieurs dizaines d’articles parus dans des médias d’opinion différentes dans plusieurs pays arabes entre le 5 janvier et le 13 janvier, alors que la crise de Gaza était en pleine escalade.
Notre critère de choix était de révéler différentes thématiques qui apparaissaient comme des constantes transversales dans l’ensemble des pays étudiés. On trouvera peu de citations extraites de la presse marocaine car celle-ci, à la notable exception du quotidien islamiste Attajdid, est restée relativement factuelle et n’a pas cédé à la surenchère qui caractérise, par exemple, la presse algérienne. La même réflexion vaut pour la presse tunisienne, elle aussi très factuelle. La Tunisie et le Maroc ont des liens anciens et complexes avec leurs communautés juives et avec Israël et il est manifeste qu’en se bornant le plus souvent à reprendre des dépêches d’agences internationales et en les commentant fort peu, les médias de ces deux pays ont souhaité ne pas rajouter des tensions inutiles à celles qui se manifestaient déjà.
Nous n’avons traité aucun média syrien ou libyen car ceux-ci nous ont semblé absolument inintéressants, ne faisant que relayer de manière servile les directives des pouvoirs en place.
Enfin, mais cela va de soi, nous ne nous sommes intéressés qu’aux médias arabophones et pas aux journaux publiés en français ou en anglais : notre but était bien de tenter de décrypter les lignes de forces des discours destinés aux populations locales, dans leur langue.
2) Les attaques contre des chefs d’Etat arabes modérés et les menaces de troubles internes
Vue à travers le prisme des médias arabes, la crise de Gaza semble souvent cristalliser les rancoeurs et frustrations que la rue arabe nourrit trop souvent à l’égard de ses dirigeants. Elle est aussi, pour certains gouvernements qui tirent leur légitimité de la guerre d’indépendance ou de la révolution (comme c’est le cas à Alger), l’occasion de susciter la mise en cause de grands rivaux modérés, comme l’Egypte, chef de file du monde arabe. De nombreux médias et tous les sites islamistes attaquent régulièrement les chefs d’Etat et les régimes arabes modérés.
Ainsi, le 5 janvier, le quotidien algérien Ennahar (« très proche » des services de sécurité) cite longuement le cheikh Abderrahman Chiban, président de l’Association des oulémas musulmans algériens, qui qualifie les chefs des Etats arabes de « traîtres et d’alliés des Etats-Unis et du régime raciste et barbare d’Israël»
Le 5 janvier toujours, un autre quotidien algérien, Echorouk, met en garde les régimes arabes contre des révoltes et des actes de violences, du fait de leur « passivité devant la machine de guerre israélienne » : «La rue arabe est en colère contre les dirigeants qui baissent l’échine devant Israël et les Etats-Unis ».
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http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/les-medias-et-la-rue-arabe--431.pdf