LETTRE OUVERTE A UN HEBDOMADAIRE CATHOLIQUE
[*] Voir : "Les 4 articles 'offerts' à Israël pour ses 60 ans, par l’hebdomadaire catholique « Dimanche-Express »".
Titre original : "Diffamer un Etat est-il une charité bien ordonnée ?"
Je sais qu'entre les lignes, les amis chrétiens n'apprécieront pas certaines formulations liées à 2000 ans d'écorchures dues au port de la rouelle comme une couronne d'épines, en tant qu'adhérent au club du "peuple déicide". Et que, peut-être, au fond de moi, je ne laisse pas le choix au monde chrétien, lui renvoyant, selon le Saint Patron de sa Multinationale, que "ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous" - on est avant Vatican II ou après, mais on ne recycle pas les vieilles lunes. Devra-t-on, encore et encore, éprouver de la compassion pour eux, être prêts à quémander des repentances ou des "rachats", un par un, pour toutes les fautes commises par leurs pairs, attendre qu'ils fassent le tri entre le "bon grain et l'ivraie", ou patienter 2000 ans de plus ?... (M. Brzustowski).
A l'attention de la Rédaction de Dimanche Express
J'ai parcouru votre "dossier" bâclé sur les 60 ans d'Israël et en suis ressorti en me demandant si vous vous situez plutôt du côté de la tradition "chrétienne" antijudaïque viscérale, ou si votre antisionisme fondamentaliste, obtus, dogmatique vous apparaissait comme pavant la voie de la Rédemption et de la paix des cimetières, par l'espérance de destruction de ces "abominations" que semblent être, pour vous, l'Etat, le peuple Juif et leur histoire ?
La perversité et la mauvaise foi de votre ligne éditoriale sont, me semble-t-il, à leur comble dans la façon de conduire les questions pour tenter de piéger le pacifiste Elie Barnavi, du mouvement "La Paix Maintenant", afin de l'amener incidemment à dire des horreurs sur le peuple dont il est issu, et le "convertir" à votre entreprise - qu'à l’instar de votre ancienne qualification de l’incroyance juive, je qualifierais de proprement "perfide". Heureusement, si à gauche du spectre politique qu'il se trouve, l'ancien ambassadeur d’Israël a tâché de vous ramener à la raison, de rétablir le sens des proportions [1], vous abandonnant, en chemin de Damas, à votre passion de salir, noircir et détruire, qui commence comme suit, dès les premières lignes :
- "Le Sionisme, une doctrine à proscrire?" ;
et se termine par :
- "Justifier l'injustifiable".
Il faudra que vous expliquiez en quoi il y a
- "génocide palestinien",
selon les Evangiles apocryphes de Dimanche Express.
Et puisque vous osez poser la question :
- "Comment expliquez-vous que de telles atrocités aient été commises après ce que les Juifs ont vécu? ",
supportez que je vous demande, à mon tour :
- Lesquelles, ô Tribunal de la Sainte Inquisition ?
Savez-vous que chaque incident contestable fait l'objet d'une enquête et que les Palestiniens peuvent porter plainte devant la Cour suprême s'il leur semble que des exactions ont été commises ?
Malheureusement, du fait que les terroristes se terrent dans des zones à forte densité de population – et ce en violation de l’honneur et de toute loi de la guerre -, il est techniquement impossible d’éviter ce qu'on appelle "les victimes collatérales". Mais tout est fait pour en limiter le nombre.
Israël a, maintes fois, proposé la paix, que les Palestiniens et, avant eux, les pays arabes, ont toujours refusée. (Qui écrira l’histoire du rejet arabe systématique de tout compromis, depuis 1948 ?)
- Au nom de qui et de quoi vous arrogez-vous le droit de proscrire quoi que ce soit, messieurs les inquisiteurs d'Israël, qui ne proscrivez même pas le terrorisme destructeur de toute paix, de toute vie ?
- Au nom de quel "apartheid" entre Flamands et Wallons, qui ne parviennent toujours pas à cohabiter, vous arrogez-vous ce droit d'attenter à la souveraineté d'un pays, d'une nation, d'un Etat, ou à sa doctrine fondatrice ?
- Ne voyez-vous pas l’état de déréliction de votre propre pays, dont on dit que la capitale sera soumise à la chari'a dans moins de 20 ans ?
- Ignorez-vous que, dans certains quartiers de Bruxelles - où la police se fait plus invisible qu'une souris -, des djihadistes militants ne permettent pas que l'on filme dans les rues, ou que les femmes s'y promènent sans voile ?
- Doit-on aussi vous rappeler les controverses de l'affaire Belliraj, agent de liaison entre Al Qaeda et le Hezbollah au Maroc, supposé être indicateur de votre police ?
Mus sans doute par des relents de charité rexiste à la Léon Degrelle, vous n'avez pas eu le moindre mot non seulement pour "condamner" les attentats, mais même pour seulement tâcher de décrire, de la façon la plus neutre, la plus "objective" possible, le quotidien des Israéliens sous la menace de bombes humaines depuis la paix d'Oslo, et bien contraints de se "séparer" de leurs assassins en série, exposés aux Katiouchas du Hezbollah (dont vous justifiez l'agression au nom de la sacro-sainte cause palestinienne!), ou des Grad iraniens parvenus à Gaza en contrebande, des missiles Qassam, des tentatives d'infiltration, des massacres planifiés, malgré la restitution de Gaza et d’autres territoires.
Il n'y a, dans votre torchon de sacristie, pas une ligne d'analyse politique, de répartition des responsabilités, des "occasions" volontairement manquées par les Palestiniens depuis 60 ans et la première seconde d'existence de cet Etat, jusqu'en 2000, époque du déclenchement de l'Intifada par Arafat, pour toute réponse à la proposition israélienne de recevoir, sans rien avoir mérité, la moitié de Jérusalem et 96% de la Cisjordanie.
Pas une ligne sur la réussite économique, sociétale, scientifique de cet Etat, ses nombreux contrats avec l'Union européenne, et cela sous les bombes et malgré les guerres, seul contre tous, alors que – rappelez-vous -, la Belgique n'a pas tenu une semaine face à l'avancée des nazis [2].
D'autre part, la cause palestinienne - aujourd'hui duelle ou schizophrénique, versions Abbas ou Haniyeh -, n’est devenue prévalente qu'après 1987 (soit il y a environ 20 ans, et scindée en deux depuis juin 2007) et la première Intifada. Auparavant il faut parler de 40 ans de conflit israélo-arabe dans son ensemble, ces Arabes qui se servent, encore aujourd'hui, des Palestiniens (lesquels ? variable selon l'obédience : "modérée", ou irano-syrienne), comme d'un prétexte pour ne pas reconnaître l'existence de ce pays, son droit à la sécurité, conformément à la résolution 242, et sa présence, qui va se confirmant, alors que Gaza régresse sous la férule des islamo-fascistes du Hamas.
Je vous laisse à vos incantations impuissantes comme des feux de la Saint-Jean, à vos malédictions à l’égard du peuple juif pour les 60 ans de son Etat, à vos prières du Vendredi-Saint - maugréées à contrecoeur et seulement pour la conversion des "mécréants" -, à votre absence de vision d'avenir, à votre dhimmitude et à votre profonde méconnaissance de la situation dans la région ; à votre obscurantisme aussi, qui, depuis bientôt 2000 ans, en tout cas, depuis le Concile Vatican II, n'a pas évolué d'un iota. Il est vrai que quand un Pape a fait ses premières armes dans les Jeunesses Hitlériennes, malgré toutes ses repentances, on ne peut que penser que, malgré tout, il y avait du "bon et du vrai" à l'époque... Continuez donc à "justifier l'injustifiable", les ceintures d'explosifs, les attentats, les guerres de basse intensité sans déclaration officielle de belligérance, etc. Ce ne sont que des Juifs, après tout !
Je ne suis pas inquiet, votre tour viendra, soyez patients. Ce jour-là, vous réclamerez l'aide de ceux qu'hier, vous mettiez au pilori.
Post Scriptum :
Il manque aussi tout un paragraphe concernant ce peuple qui "s'ostracise" lui-même (on eût préféré : qui "se préserve") [3]; il mériterait une leçon de "choses" juives concernant la sanctification du Nom, l'Exil, etc. Ce propos de Barnavi, donne une certaine légitimité aux insinuations de Ménargues, par exemple, sur le Lévitique [4], qu’il applique à la barrière de sécurité. A cette aune, toute frontière par laquelle on entre et sort deviendrait l'expression d’un "racisme".
C'est, sans doute, la partie la plus "douloureuse", puisque Monsieur l'Ambassadeur-Historien est surqualifié pour servir de "témoin à charge", et appelle la "Communauté internationale" à régler le problème à la place des Israéliens, mais surtout à la place des irresponsables palestiniens victimisés.
Et à propos de contre-témoignage, en voici un autre. Je me suis récemment entretenu de l'évolution "politique" d'Elie Barnavi et de Saül Friedlander, avec l'un de leurs amis, grand historien français avec lequel ma famille est liée pour "raisons de guerre" (39-45) et avec lequel je renouais après des années, par nécessité de recréer, à sa demande, les conditions d'un dialogue, pour de multiples raisons, intimes et générales.
Il s'est institué une sorte de "club" d’"exilés", plus ou moins volontaires (Barnavi à Bruxelles, Friedländer à Los Angeles, mon proche-"parent adoptif" à Paris. (Il est peut-être encore plus circonspect que les deux autres dans ses jugements sur un sionisme qu'il soutenait devant l'ambassade, en 67, mais qui se fonde aujourd'hui sur leurs "témoignages").
- Ils sont, à quelques nuances personnelles près, en rupture de ban avec la situation actuelle d'Israël.
- Ils ne justifient pour ainsi dire plus l'existence de ce pays que par "la Shoah" (voir Barnavi).
- Ils acquiescent plus ou moins à l'idée de l’inversion "bourreau-victime" autour du concept réifié "d'occupation" (princeps pour Shalom Akhshav), générateur de leur propre malaise auto-entretenu et de leur propre "auto-ostracisme" (pour reprendre la formule inadéquate de Barnavi).
- Ils pensent incidemment que les deux bornes d'Israël se situent, il y a 60 ans et, tout au plus, d'ici les soixante prochaines années, donnent consistance aux prévisions de "parenthèses de l'histoire", puisque, par effet de boucle tautologique, celui qui est né par la Shoah retournera à la Shoah, en quelque sorte.
Il s’agit d’une vision catastrophiste qui ne se raccroche plus à aucune "Hatikva" [L’espérance, titre de l’hymne national israélien. NDLR d’upjf.org], qui prévoit l'Intifada, violente ou/et démographique, des Arabes Israéliens, des guerres de harcèlement à outrance sur trois frontières, qui considère la mise en œuvre des menaces d'Ahmadinejad comme inéluctable, et Israël comme sans réelle capacité de réplique, etc. A force de ne plus condamner les excès de l'autre partie, ses provocations et ses refus, et de leur accorder une certaine légitimité, Israël est, pour eux, une "voie sans issue", une quasi-erreur de l'histoire, dont la survie est sur le fil du rasoir. Pour se justifier, ils ne manqueront pas d’évoquer Roosevelt (sauf erreur), qui avait la même opinion de cet Etat et ne l’avait reconnu que du bout des lèvres, ou parce que Staline l’avait fait.
Ces esprits "éclairés" ne se rendent pas compte des germes délétères qu'ils sèment par leur désenchantement de dandys amers.
Malheureusement, l'Université israélienne qui s'exporte est largement sous la domination idéologique du post-sionisme.
Il faudrait du temps, des développements étayés pour ébranler ces murailles de certitudes à sens unique. Car il ne suffit pas, selon moi, de se réfugier derrière des catégories convenues une fois pour toutes, du type, les "Alter Juifs" et les autres, mais de ne pas surajouter des arguments ad hominem à des amertumes de post-kibboutzniks. Ce malaise, plus général, est aussi celui d'un certain égalitarisme français érigé en valeur universelle, qui ne résisterait pas à l'épreuve des faits, dont celui de la rencontre avec certains phénomènes de "dé-civilisation" arabo-palestino-musulmane. Et ce conflit de valeurs - on peut le redouter -, nous n'allons pas tarder à l'avoir, une fois de plus, avec la "Maison France", ou "Maison Sarkozy", au prétexte de la croissance naturelle des implantations autour de Jérusalem, des 64% de Monsieur Olmert contre les 2 à 3% de Monsieur Abbas, et de la troisième Intifada qui se profile à l’horizon.
Il me semble - en tout cas, à plus long terme -, au moins aussi important de tenter de renouer le dialogue avec une certaine gauche sioniste désenchantée, qu'avec certains curés belges de choc qui feraient mieux de se consacrer à ranimer la foi chrétienne anémique de leurs paroissiens.
Marc Brzustowski
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Notes de la Rédaction d’upjf.org
[1] A la question « comment expliquez-vous que de telles atrocités aient été commises en Israël, après tout ce que les juifs ont vécu ?" Barnavi répond, entre autres : « C’est un peu trop facile de présenter les choses comme cela. Tout d’abord, ce qui se passe actuellement en Israël n’a rien à voir avec ce qui s’est passé. Pensez seulement à ce que les Belges ont fait au Congo ou les Français, en Algérie. Nous sommes très loin du compte. Ensuite, il ne faut pas oublier que les Israéliens sont des hommes et des femmes comme les autres, ni pires ni meilleurs. Il n’y a donc aucune raison d’attendre de leur part un comportement collectif parfait, surtout que leur situation est loin d’être évidente. Et puis, il ne faut pas oublier que la plupart des juifs vivent avec le sentiment que ce qu’ils ont vécu dans le passé peut encore se produire. C’est ce qu’on appelait autrefois le complexe de Massada. Enfin, je dirais que s’il y a une leçon à tirer de l’Holocauste, celle-ci est forcément universelle. Pourquoi les juifs seraient-ils les seuls concernés et devraient-ils supporter les leçons de morale de l’Europe ? »
[2] En fait, la Belgique "a tenu 18 jours", nous précise une lectrice belge, "et c'était beaucoup face à une force démesurée. On ne voyait pas arriver les forces françaises. En capitulant sans conditions Léopold III n'a peut-être pas recouru à une formule qui aménageait l'avenir, mais, présent sur le front, il a voulu sauver ce qui restait de ses hommes. Tel homme d'état français a été odieux, traitant Léopold III de roi 'félon' pour l'opposer à Albert, le 'roi chevalier', qui a pourtant lui aussi ménagé ses troupes, à Verdun, je crois." Dont acte.
[3] Il est temps de préciser que ce néologisme est une contradiction dans les termes. Par définition l’ostracisme, dérivé du grec ostrakon - littéralement, coquillage, ou tesson, sur lequel les citoyens inscrivaient le nom d’un personnage public qu’ils voulaient voir banni (voir l’article « Ostracisme (Grèce antique) », de Wikipedia), ne peut pas s'appliquer à ce cas de figure. On imagine mal, en effet, quelqu’un se vouer lui-même au bannissement. Même au sens métaphorique, l’expression employée par Barnavi est impropre et même ridicule, quel que soit le contexte.
[4] Selon Taguieff, cité par Meir Waintrater, dans "Sources antisémites du 'racisme juif', P.A. Taguieff (L'Arche VIII)", « Ménargues fait remonter au Lévitique et à la séparation du pur et de l’impur le principe théologico-religieux dont s’inspire, selon lui, la "barrière de sécurité", qualifiée de "mur de la honte", en écho de la propagande palestinienne (voir Alain Ménargues, Le Mur de Sharon, Paris, France Inter et Presses de la Renaissance, 2004, p. 50-53, « La séparation du pur et de l’impur »).
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Mis en ligne le 04 mai 2008, par M. Macina, sur le site upjf.org