DOSSIER "PROCHE-ORIENT"

Publié le par shlomo

© CICAD 2008
Proche-Orient : petit manuel pour comprendre

Sommaire
1. Les liens entre les Juifs et la Terre d’Israël avant 1948

2. Le sionisme
i. Définition
ii. Une forme de colonialisme ?
iii. Une forme de racisme / d’apartheid ?

3. La création d’Israël
i. Une réparation de la Shoah ?
ii. Légitimité internationale d’Israël

4. Les Palestiniens
i. Qu’est-ce que la Palestine ?
ii. Peuple palestinien : histoire et légitimité
iii. La politique arabe du IIIe Reich
iv. Terrorisme ou résistance des Palestiniens ?

5. Les réfugiés
i. Les réfugiés palestiniens : quel droit au retour ?
ii. Le statut de réfugié
iii. Les réfugiés juifs des pays arabes

6 Sabra et Chatila : quelle responsabilité ?

7. La critique d’Israël
i. La critique légitime d’Israël
ii. Quand la critique d’Israël devient-elle antisémite ?



Proche-Orient : petit manuel pour comprendre

1. Les liens entre les Juifs et la Terre d’Israël avant 1948
«Eretz Israël est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel,
religieux et national. C’est là qu’il réalisa son indépendance, créa une culture d’une portée
à la fois nationale et universelle et fit don de la Bible au monde entier.»1
La présence des Juifs en Terre d’Israël est attestée dès le XIIe siècle avant notre ère. La
fondation de la royauté remonte à - 1020, avec le règne de Saül. En - 932, un schisme se
produit entre les royaumes d’Israël et de Juda. Israël est conquis en - 721 par les Assyriens
et Juda en - 587, par les Babyloniens. Le roi Nabuchodonosor ordonne alors la destruction
du Temple de Jérusalem et la déportation des Juifs en Babylonie (premier exil). Une partie des
Juifs revient sur sa terre en - 539 et reconstruit le Temple, mais ne parvient pas à restaurer
une domination juive sur cette terre, qui sera successivement administrée par les Perses, les
Grecs, puis les Romains. Ce sont ces derniers qui, emmenés par le général Titus, détruiront le
deuxième Temple, en 70, et provoqueront le deuxième exil, après avoir maté la révolte menée
par Bar Kochba, en 135.
A partir de ce moment, la majorité des Juifs va se retrouver dispersée en dehors d’Israël (diaspora);
une présence juive sera néanmoins maintenue de manière ininterrompue sur cette terre
et d’importantes communautés vont même être fondées, à Jérusalem et Safed, par exemple.
Cette contrée subira encore plusieurs invasions étrangères (byzantine au IVe siècle, arabe au VIIe,
des Croisés au XIe, puis mamelouke au XIIIe et enfin ottomane au XVIe), durant lesquelles les Juifs
maintiendront tant bien que mal leurs communautés et leur mode de vie.
Au XIXe siècle, sous la double influence des thèses sionistes et de la montée de l’antisémitisme,
un grand nombre de Juifs européens émigreront vers la Terre d’Israël dans le but d’y fonder un
Etat.
Ce n’est cependant qu’au milieu du XXe siècle, alors que ce territoire se trouve sous mandat
britannique, que cet espoir pourra se concrétiser.

1. Déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, 14 mai 1948 (extrait)

2. Le sionisme

i. Définition
Bien que le terme «sionisme» désigne en réalité plusieurs idéologies et sensibilités différentes
(religieuse, laïque, de gauche, de droite,…), il est possible d’identifier un certain
nombre de caractéristiques communes à ces différentes idéologies. Le sionisme peut
ainsi se définir comme «le mouvement de libération nationale du peuple juif»2 , dont le but est de
«donner un Etat au peuple juif dispersé de la Diaspora»3
Le terme «sionisme» a été créé en 1890 par l’intellectuel Nathan Birnbaum4, l’un des premiers
penseurs sionistes, et fait directement référence au Mont Sion, symbole de Jerusalem et de la
Terre d’Israël.

ii. Une forme de colonialisme ?
C’est l’un des arguments majeurs des adversaires du sionisme, qui décrivent Israël comme l’un
des derniers Etats coloniaux au monde.
Qu’est-ce le colonialisme? Une «doctrine qui vise à légitimer l’occupation d’un territoire ou d’un
Etat, sa domination politique et son exploitation économique par un Etat étranger»5. L’installation
des Juifs en Terre d’Israël ne répond pas à cette définition puisque:
- elle n’a pas été organisée par un Etat, mais par un mouvement de libération nationale, dans
le but justement de construire un Etat;
- les Juifs n’étaient pas étrangers à cette terre.

iii. Une forme de racisme / d’apartheid ?
Le 10 novembre 1975, l’Assemblée générale des Nations Unies votait une résolution assimilant
le sionisme à une «forme de racisme»6. Cette résolution «s’inscrivait dans le cadre d’une
campagne anti-israélienne menée par l’URSS et les pays arabes à l’époque de la guerre froide.
Presque tous les pays non-arabes qui soutenaient la résolution ont formulé des excuses et ont
modifié leur position. Quand l’Assemblée Générale a décidé en 1991 d’annuler la résolution7,
seuls quelques états arabes et musulmans, ainsi que Cuba, la Corée du Nord et le Vietnam, s’y
sont opposés»
Le racisme est une «idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes
humains, les “races“»
 Or, il n’est nul part fait mention, dans les écrits sionistes, d’une
quelconque supériorité des Juifs sur les Arabes ou sur n’importe quels autres êtres humains; le
concept de «race juive» est d’ailleurs complétement étranger à la pensée juive et renvoie bien
plutôt à l’idéologie nazie, selon laquelle les Juifs sont une «race inférieure».
Les adversaires du sionisme utilisent également un autre terme, qui fait référence à une idéologie
raciste: «apartheid». Ce mot désigne «la politique de ségrégation raciale mise en place dans la
République sud-africaine en mai 1948»
cette politique impliquait notamment la création de
ghettos et faisait de la population noire une population de seconde catégorie. La situation prévalant
en Israël n’a aucun rapport avec cette politique puisque les citoyens arabes d’Israël, estimés
à près d’un million, ont les mêmes droits que leurs concitoyens juifs, à cette exception près
qu’ils ne font pas de service militaire. Un certain nombre de députés arabes siègent d’ailleurs à
la Knesset (le Parlement israélien).


3. La création d’Israël

i. Une réparation de la Shoah ?
L’argument selon lequel la création d’Israël servirait de «dédommagement» pour les souffrances
subies par les Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale est non seulement faux,
mais également dangereux.
Il est faux car il donne l’impression que les rescapés de la Shoah auraient, en quelque sorte,
débarqué un beau matin sur ce territoire, occupant ainsi un espace déjà occupé par une autre
population, et ce sans aucune légitimité ni aucun lien avec ce territoire. Or, comme nous l’avons
vu, les Juifs étaient présents sur cette terre depuis des siècles et la revendication d’un Etat pour
le peuple juif date de bien avant la Shoah.
Il est dangereux dès lors qu’on le met en parralèle avec les théories négationnistes, qui ont de
plus en plus de succès dans le monde arabo-musulman: en effet, si la seule légitimité d’Israël
est la Shoah, et si l’on nie l’existence de la Shoah, alors Israël n’a plus aucune légitimité.

ii. Légitimité internationale d’Israël
En 1917, le gouvernement britannique publie la déclaration suivante, connue sous le nom de
Déclaration Balfour11: «Le Gouvernement de Sa Majesté envisage avec faveur la création en Palestine
d’un foyer national pour le peuple juif, et fera de son mieux pour faciliter la réalisation de
cet objectif, étant bien entendu que rien ne doit porter préjudice aux droits civils et religieux des
communautés non juives qui vivent actuellement en Palestine ou aux droits et au statut politique
dont bénéficient les Juifs dans tout autre pays.»12
Suite à la publication de cette déclaration, la Société des Nations confie à la Grande-Bretagne
un mandat devant lui permettre de mener à bien les objectifs contenus dans la déclaration. «Ce
mandat se référait spécifiquement aux “rapports historiques du peuple juif avec la Palestine” et à
la validité morale de «la reconstitution de leur foyer national dans ce pays». […] Le mandat a été
formellement accepté par les gouvernements de 52 Etats membres de la Société des Nations
le 24 juillet 1922.»13
Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies votait en faveur d’un plan de
partage de la Palestine mandataire en deux Etats: l’un juif et l’autre arabe14. Ce plan, accepté
par les Juifs mais rejeté par les Arabes, signifiait implicitement une reconnaissance de la légitimité
des revendications juives sur la Terre d’Israël. Le refus des Arabes de ce plan de partage
s’est manifesté par le déclenchement de la guerre.
Cette reconnaissance internationale est devenue explicite et sans équivoque, deux ans plus
tard, lors de l’admission du tout jeune Etat d’Israël au sein des Nations Unies15.

4. Les Palestiniens

i. Qu’est-ce que la Palestine ?
Le terme «Palestine» trouverait son origine dans le nom des Philistins, un peuple aujourd’hui
disparu et qui vivait le long de la côte méditerranéenne, aux frontières du royaume d’Israël,
au XIIe siècle avant notre ère. En l’an 135 de notre ère, après que les Romains eurent
écrasé la révolte des Juifs, ils rebaptisèrent la Judée «Syria Palaestina» dans le but de «minimiser
l’identification des Juifs avec la terre d’Israël»16. Puis, au IVe siècle, le terme «Palestine»
sera utilisé pour définir un territoire bien plus grand que celui occupé aujourd’hui par Israël et les
territoires palestiniens; ce territoire sera divisé administrativement en trois entités, répondant au
nom de Palaestina Prima, Secunda et Tertia. Les Arabes conquièrent ensuite le Proche-Orient et
donnent le nom de Filastin (Palestine en Arabe) au territoire s’étendant du Sinaï à Akko (St. Jean
d’Acre). Le terme «Palestine» cessera d’être utilisé à l’époque des Croisés, pour être réhabilité
après la défaite de ces derniers, au XIVe siècle. Sous l’Empire ottoman, le terme «Palestine»
ne sera plus une dénomination officielle mais continuera d’être utilisé par la population locale.
Enfin, à l’époque de la colonisation anglaise, l’usage sera de parler de «Palestine sous mandat
britannique». En 1947, le Plan de Partage voté par l’ONU soutiendra d’ailleurs la création d’un
«Etat juif» et d’un «Etat arabe», sans parler d’«Etat palestinien»17.
En résumé, selon Emmanuel Navon, professeur de relations internationales à l’Université de
Tel-Aviv18: «la Palestine n’a jamais constitué un pays et le concept même de Palestine n’existait
pas dans l’Empire ottoman. Comme l’explique Bernard Lewis, le spécialiste du Proche-Orient:
“Depuis la destruction de l’Etat juif dans l’Antiquité et jusqu’au Mandat britannique, le territoire
connu sous le nom de “Palestine” n’avait pas de frontières... Cette région englobait des subdivisions
administratives changeantes”19. La Syrie fut en 1887 divisée en deux vilayets: Beyrouth
et Damas, et les sandjaks d’Acre et Naplouse rattachés à Beyrouth, celui de Jérusalem étant
indépendant. Point de Palestine, donc, dans l’Empire ottoman, que ce soit au plan physique,
administratif ou linguistique. Le mot même de Palestine n’était pas usité chez les Turcs et les
Arabes. Ce furent les Britanniques qui “ressuscitèrent” la Palestina romaine. Il n’y avait ni Etat ni
peuple palestinien. Comme le reconnut d’ailleurs le rapport Peel de 1937, qui n’était pourtant en
rien favorable aux Juifs: “Durant les douze siècles qui se sont écoulés depuis l’invasion arabe,
le pays a quasiment disparu de la scène historique (…) Il est resté en dehors de l’Histoire tant
sur le plan économique que politique. Même sur le plan culturel et scientifique, sa contribution
à la civilisation est nulle.”20.»

ii. Peuple palestinien: histoire et légitimité
Contrairement à une idée largement répandue, les Palestiniens d’aujourd’hui ne sont pas les
descendants des Philistins. Il s’agit, pour la plupart, de descendants des populations arabes et
musulmanes venues s’installer sur ce territoire à l’époque de l’Empire ottoman (à partir du XVIe
siècle). La population palestinienne actuelle est, dans sa grande majorité, musulmane sunnite
mais comprend également une importante minorité chrétienne, ainsi qu’une petite communauté
samaritaine.
Si des mouvements nationalistes voient le jour, chez les Arabes de Palestine, depuis le début du
XXe siècle, il s’agit la plupart du temps d’un nationalisme panarabe et non pas spécifiquement
palestinien. La Charte nationale palestinienne de 196421 déclare à ce propos, à son article 1er,
que «la Palestine est une terre arabe unie par des liens nationaux étroits aux autres pays arabes.
Ensemble, ils forment la grande nation arabe»; la Charte ne parle d’ailleurs pas de «peuple palestinien
», mais du «peuple arabe de Palestine» (art.3). Il faudra attendre quatre ans pour que la
notion de «peuple palestinien» fasse son entrée dans la deuxième Charte nationale palestinienne
de 196822.

iii. La politique arabe du IIIe Reich
Le concept d’une alliance entre Arabes et nazis peut sembler étrange, voire paradoxal. Pourtant,
c’est bien la même haine des Juifs qui a poussé Amin al-Husseini, Grand Mufti de Jérusalem,
à se rendre à Berlin en novembre 1941 pour rencontrer un certain nombre de dirigeants
nazis, dont Adolf Hitler. Le but de cette rencontre était d’amener les nazis à soutenir la cause
des Arabes de Palestine, au nom de leur «combat» commun contre les Juifs. Hitler répondit positivement
à cette demande en assurant au Mufti que «l’Allemagne fournirait une aide concrète
et pratique aux Arabes impliqués dans le même combat»23. La reconnaissance d’Al-Husseini
pour cette aide se manifestera par la création de «deux brigades SS musulmanes en Bosnie,
appelant à l’extermination des Juifs du Yishouv»24. Inculpé en 1945 pour son rôle dans le massacre
des Juifs de Croatie et de Hongrie, il s’évadera un an plus tard et continuera son «combat»
antisémite depuis l’Egypte et le Liban jusqu’à sa mort, en 1974.

iv. Terrorisme ou résistance des Palestiniens ?
Le terrorisme se définit comme l’«ensemble des actes de violence (attentats, prises d’otages,
etc.) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, exercer un chantage sur un
gouvernement ou satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système»25.
La résistance, quant à elle, désigne l’action d’une «personne qui s’oppose à une occupation
ennemie»26.
A première vue, les actions des groupes palestiniens tels que le Hamas, le Djihad islamique
et les groupes issus du Fatah, semblent donc s’apparenter à de la résistance puisqu’ils sont
dirigés, d’après leurs auteurs, contre l’occupation israélienne. Néanmoins, si l’on y regarde de
plus près, force est d’admettre que ces actions doivent être qualifiées de terroristes, pour les
raisons suivantes:
- la majorité d’entre elles visent, intentionnellement, des civils;
- leur but n’est pas uniquement de lutter contre l’occupation israélienne, mais bien de terroriser
la population israélienne;
- elles ne sont pas limitées au territoire considéré sous occupation, comme le seraient des
actions de résistance, mais frappent également des villes qui ne sont pas, officiellement du
moins, revendiquées par les Palestiniens (Jerusalem-Ouest, Tel-Aviv, Haïfa, Sderot, Ashkelon,…).

5. Les réfugiés

i. Les réfugiés palestiniens: quel droit au retour ?
Entre 1947 et 1949, un peu plus de 900 000 Arabes27 ont fui la Palestine mandataire. S’il
est incontestable qu’un certain nombre d’entre eux ont été expulsés par les Juifs, il est
à souligner que la majorité a fui à l’appel des dirigeants arabes qui lançaient l’offensive
contre Israël, en raison de leur refus d’une implantation juive en Palestine mandataire. En effet,
«Benny Morris, historien de l’extrême gauche israélienne qui enquêta sur des cas d’expulsions
d’Arabes, conclut […] que les leaders arabes encouragèrent leurs frères à partir. Le Comité
National Arabe à Jérusalem, suivant, le 8 mars 1948, les instructions du Haut Comité Arabe,
ordonna aux femmes et aux personnes âgées de différents quartiers de Jérusalem de quitter
leur foyer. ”Toute opposition à cet ordre […] est un obstacle à la guerre sainte […] et générera les
opérations des combattants dans ces quartiers”»28. De plus, toujours «selon […] Benny Morris,
dont les travaux sur le sujet font autorité, seule une petite minorité de villages arabes évacués au
cours du printemps 1948 le fut sous la contrainte des forces juives du Yishouv […]»29.
Le «droit au retour» de ces réfugiés prend sa source dans le droit international, notamment dans
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques30, qui dispose que «nul ne peut être
arbitrairement privé du droit rentrer dans son propre pays» (art. 12 al. 4). Cette disposition doit
cependant être interprétée de manière restrictive puisqu’elle «s’applique aux personnes revendiquant
ce droit à titre individuel. Il ne s’agit aucunement ici des prétentions d’un grand nombre de
personnes ayant été déplacées par suite d’une guerre ou de transferts politiques de territoires
ou de populations comme la réinstallation des minorités allemandes d’Europe orientale pendant
et après la Seconde Guerre mondiale, la fuite des Palestiniens de ce qui est devenu Israël, ou le
mouvement des juifs des pays arabes.»31
De plus, un quelconque retour des réfugiés palestiniens est tout simplement inacceptable pour
Israël, pour les raisons suivantes: «[…] aux yeux des Israéliens, il y a une contradiction absolue
entre le soutien à “deux Etats pour deux peuples” et la revendication du droit au retour. Si un
nombre important de Palestiniens devait exercer le droit au retour, cela signifierait qu’en une
génération, l’Etat d’Israël deviendrait un Etat bi-national, alors que l’Etat de Palestine resterait un
Etat palestinien. […] La plupart des Israéliens se sont faits à la question palestinienne sous son
angle territorial. La plupart des Israéliens sont plus que prêts à voir se créer un Etat palestinien
[…]. La seule question où aucun compromis n’est possible, car il n’y a pas de place pour le
compromis, est celle des réfugiés.» 32

ii. Le statut de réfugié
La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, adoptée à Genève le 28 juillet
1951, définit le réfugié comme une personne «qui, par suite d’événements survenus avant le
1er janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de
sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se
trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut
se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors
du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou,
en raison de ladite crainte, ne veut y retourner» (art. 1er).
Cette définition devrait, en toute logique, s’appliquer aux réfugiés palestiniens puisqu’Israël a
ratifié cette convention le 1er octobre 1954. Pourtant, cas unique au monde, les réfugiés palestiniens
bénéficient d’un statut particulier, qui déroge en partie à cette convention. En effet,
«contrairement au statut de réfugié donné depuis 1945 par l’ONU aux autres populations déplacées
au cours de conflits dans le reste du monde, le statut de réfugiés palestiniens englobe
non seulement l’ensemble des personnes qui résidaient en Palestine mandataire entre juin 1946
et mai 1948 et qui ont quitté leur région suite à la guerre israélo-arabe de 1948-1949, mais
comprend également leurs descendants.»34
Ils sont également les seuls réfugiés au monde à être pris en charge par un organisme spécialement
créé à leur intention: l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés
de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestine
Refugees, UNRWA)35. En dérogation au droit applicable à l’ensemble des réfugiés, l’UNRWA
définit les réfugiés palestiniens comme «les personnes dont le lieu normal de résidence était
la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 [et] qui ont perdu aussi bien leur maison que leurs
moyens de subsistance comme résultat du conflit israélo-arabe de 1948. […] La définition de
réfugié de l’UNRWA recouvre également les descendants des personnes qui sont devenues réfugiés
en 1948. Le nombre de réfugiés de Palestine enregistrés est passé, en conséquence, de
914 000 en 1950 à plus de 4,4 millions en 2005, et continue d’augmenter à cause de la croissance
naturelle de la population.»36
D’après la Direction suisse du Développement et de la Coopération (DDC), «en 2006, l’UNRWA
était la plus grande opération des Nations Unies au Moyen Orient, employant plus de 25 000
personnes presque toutes réfugiées elles-mêmes. La Suisse a apporté son concours à l’UNRWA
en 2006 à concurrence de 16 millions de francs suisses.»37

iii. Les réfugiés juifs des pays arabes
Dans les années qui ont suivi la création de l’Etat d’Israël, environ 820 000 Juifs se sont vus
contraints de fuir les pays arabes, certains étant même expulsés de force. Contrairement aux palestiniens,
ces réfugiés juifs n’ont jamais bénéficié d’un statut particulier, ni de l’aide internationale.
Récemment, le Congrès américain a adopté une résolution reconnaissant le problème des réfugiés
juifs et demandant que ce problème soit reglé, au même titre que celui des réfugiés
palestiniens38.

6. Sabra et Chatila: quelle responsabilité ?
Sabra et Chatila sont les noms de deux camps de réfugiés palestiniens se trouvant au Liban,
aux alentours de Beyrouth. A la mi-septembre 1982, en pleine guerre du Liban, des
membres des Phalanges (milices chrétiennes libanaises) pénètrent dans ces camps et,
sous le prétexte de venger leur chef, Bechir Gemayel, qui venait d’être assassiné, tuent plus de
900 civils. Le slogan qualifiant Ariel Sharon, alors ministre israélien de la défense, de «boucher
de Sabra et Chatila» est donc faux, puisque ce n’est pas Tsahal qui a perpétré ces massacres
mais bien les phalangistes chrétiens. Néanmoins, étant donné que les camps se trouvaient
dans une zone alors sous contrôle de l’armée israélienne, elle aurait dû intervenir et empêcher
le massacre. C’est en tout cas l’avis de la Commission Kahane – commission israélienne nommée
pour enquêter sur ces massacres39 – qui conclut, le 9 février 1983, à la «responsabilité
indirecte»40 d’Ariel Sharon, «car il ne pouvait ignorer le risque qu’il prenait en faisant entrer les
phalangistes dans les camps sans que Tsahal ait la possibilité de contrôler efficacement leurs
faits et gestes»41.

7. La critique d’Israël

i. La critique légitime d’Israël
Il arrive à Israël, comme à n’importe quel Etat au monde, de commettre des erreurs. Lorsque
c’est le cas, la critique peut alors être admise, comme à l’égard de n’importe quel autre pays.
Les Israéliens ne se gênent d’ailleurs pas pour critiquer leur Etat, que ce soit en rapport avec
la politique extérieure (conflit avec les Palestiniens) ou intérieure (respect des minorités, par
exemple).

ii. Quand la critique d’Israël devient-elle antisémite ?
De manière générale, la critique d’Israël est inacceptable, et assimilable à de l’antisémitisme,
lorsque:
- d’autres Etats ne sont pas critiqués pour des faits similaires, voire plus graves;
- la critique d’Israël se concentre, non pas sur ses actions, mais sur son existence en tant
qu’Etat des juifs.
Plus spécifiquement, le Centre européen de surveillance du racisme et de la xénophobie (European
Monitoring Center on Racism and Xenophobia, EUMC) a établi une définition de travail de
l’antisémitisme, dont une partie est consacrée à la critique d’Israël:
«[…] Des exemples de la manière dont l’antisémitisme se manifeste en rapport avec l’Etat d’Israël
[…] pourraient inclure:
- Le fait de nier au peuple juif son droit à l’auto-détermination.
- Le fait d’appliquer un double standard en réclamant [d’Israël] un comportement qui n’est
exigé ou attendu d’aucune autre nation démocratique.
- Le fait d’utiliser les symboles et images associées à l’antisémitisme classique (p.ex., l’affirmation
que les Juifs ont tué Jésus ou les accusations de meurtre rituel) pour caractériser
Israël ou les Israéliens.
- Le fait de dresser des comparaisons entre la politique israélienne et celle des nazis.
- Le fait de tenir les Juifs pour collectivement responsables des actions de l’Etat d’Israël.
[…]»42

NOTES

2. Frédéric Encel et François Thual, Géopolitique d’Israël, éditions du Seuil, 2006, p. 353
3. Michel Mourre, Dictionnaire d’Histoire universelle, éditions Bordas, 2006, p. 1335
4. Né à Vienne en 1864, Nathan Birnbaum est le cofondateur, en 1882, de la première organisation d’étudiants juifs, Kadima. En 1884, il publie Die Assimilationsucht (« La maladie de l’assimilation »), un des premiers textes à développer des thèses sionistes. La même année,
il fonde le périodique Selbst-Emancipation ! (« Auto-émancipation »), qui reprendra, entre autres, les idées de Léon Pinsker, l’autre
précurseur du sionisme. C’est dans ce cadre qu’il crée les termes « sioniste », « sionisme » et « sionisme politique ». Ses idées seront
plus tard reprises et développées par Theodore Herzl.
5. Le Petit Larousse illustré, 2007
6. Résolution 3379 (XXX) de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 10 novembre 1975
7. Résolution 46/86 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 16 décembre 1991
8. Mitchell G. Bard, Mythes et réalités des conflits du Proche-Orient, éditions Raphaël, 2003, p.11
9. Le Petit Larousse illustré, 2007
10. Michel Mourre, op. cit., p. 84
11. Du nom de Lord Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères.
12. Cité in : Mitchell G. Bard, op. cit., p.6
13. Idem
14. Résolution 181 (II) de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 29 novembre 1947
15. Résolution 273 (III) de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 11 mai 1949
16. Mitchell G. Bard, op. cit., p.4
17. Résolution 181 (II), déjà citée
18. Emmanuel Navon, Sionisme et vérité: plaidoyer pour l’Etat juif, article paru dans la revue française de géopolitique Outre-Terre N°9, de
novembre 2004, et consultable à l’adresse suivante: http://www.nuitdorient.com/n3718.htm#_ftn18
19. Cf Bernard Lewis, The Palestinians and the PLO : A Historical Approach, Commentary, janvier 1975; et du même auteur, Palestine : On
the History and Geography of a Name, in : Bernard Lewis, Islam in History, Chicago, Open Court, 1993, p. 153-165.
20. Palestine Royal Commission Report Presented by the Secretary of State for the Colonies to Parliament by Command of his Majesty,
July 1937, Cmd. 5479, ch. 1, p.6
21. Traduction disponible sur le site de l’Association France Palestine Solidarité (http://www.france-palestine.org/article1794.html)
22. Traduction disponible sur le site de l’Association France Palestine Solidarité (http://www.france-palestine.org/article1795.html)
23. Mitchell G. Bard, op. cit., p.26
24. Frédéric Encel et François Thual, op. cit., p. 192
25. Le Petit Larousse illustré, 2007
26. Idem
27. Chiffres de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations
Relief and Works Agency for Palestine Refugees, UNRWA)
28. Mitchell G. Bard, op. cit., p.262
29. Frédéric Encel et François Thual, op. cit., p. 328
30. Adopté le 16 décembre 1966
31. Stig Jagerskiold, The Freedom of Movement, in: Louis Henkin, The International Bill of Rights, New York, 1981, pp. 166-184, p. 180;
cité in: Ruth Lapidoth, Les Réfugies palestiniens ont-ils un droit au retour en Israël ?
(http://www.mfa.gov.il/MFAFR/MFAArchive/2000_2009/2001/1/Les%20Refugies%20palestiniens%20ont-ils%20un%20droit%20au
%20reto)
32. Gershon Baskin, Le droit au retour : oui, mais en Palestine, article publié sur le site internet de La paix maintenant (http://www.
lapaixmaintenant.org/article1282)
33. Wikipedia, rubrique « Réfugiés palestiniens »:http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9fugi%C3%A9s_palestiniens
34. L’ensemble des autres réfugiés est pris en charge par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
35. Site internet de l’UNRWA : http://www.un.org/unrwa/refugees/whois.htm (traduction CICAD)
36. Site internet de la DDC : www.deza.admin.ch/fr/Accueil/Activites/Cooperation_Multilaterale/Institutions_internationales/UNRWA
37. Chiffre cité par Mitchell G. Bard, op. cit., p.255
38. Voir à ce sujet Shlomo Shamir, U.S. Congress recognizes Jewish refugees from Arab countries for first time, article paru sur le site
internet de Haaretz le 2 avril 2008 (http://www.haaretz.com/hasen/spages/970998.html)
39. Il est intéressant de noter que, si Israël a nommé une commission d’enquête, il n’en a rien été au Liban, où le véritable responsable
des massacres, Elie Hobeika, n’a jamais été inquiété. C’est qu’en Israël, l’idée que l’armée ait pu être mêlée de près ou de loin à un
massacre était insupportable pour la population, qui a manifesté en nombre pour obtenir qu’une enquête soit menée.
40. Cité in : Raphaël Draï, Sous le signe de Sion ; L’antisémitisme nouveau est arrivé, éditions Michalon, 2001, p. 171
41. Cité in : Frédéric Encel et François Thual, op. cit., p. 334
42. Site internet de l’EUMC : http://fra.europa.eu/fra/material/pub/AS/AS-WorkingDefinition-draft.pdf (traduction CICAD)
Coordination Intercommunautaire
Contre l’Antisémitisme et la Diffamation
C.P. 50 – 1211 Genève 11
Tél : +41(0)22.321.48.78 – Fax : +41(0)22.321.55.28
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