FRANCE/ISRAEL : « Al-Dura » et la chaîne enchaînée
Je ne souhaite pas le désamour, mais il y a, d’ores et déjà, un désaveu dans l’air. En acceptant une Commission d’enquête composée d’experts indépendants, France 2 s’enlise dans la logique du désaveu que son journaliste et seul témoin direct de l’événement, le caméraman Talal Abu Rahma, avait commencé à suivre, lorsqu’il était revenu, le 30 septembre 2002, sur son témoignage donné le 3 octobre 2000, devant l’Organisation palestinienne des droits de l’homme à Gaza. Car, si c’est une chose de prendre l’initiative de sauver son éthique en enquêtant sur un fait douteux, c’en est une autre d’accepter le blâme de ne pas avoir été capable de mener une enquête interne susceptible de faire toute la clarté.
http://www.gerardhuber.fr/
Il y a longtemps que France 2 aurait dû endiguer cette logique du désaveu, en se donnant tous les moyens matériels et moraux pour faire la lumière - surtout si celle-ci devait éclairer favorablement le commentaire de Charles Enderlin. Cela n’aurait pas été une logique de l’aveu, seulement une exigence de la Charte d’éthique de France Télévisions, et personne ne croira un seul instant que France Télévisions ne dispose de ces moyens. Comme l’on sait, elle a, d’ailleurs, tenté de fournir des éléments, mais ceux-ci sont dispersés et surtout ils sont sujets à la critique. En fait, elle a délibérément choisi d’aller vers la vérité, mais par le désaveu. D’abord en refusant de tirer toutes les conséquences du revirement de Talal Abu Rahma et des déclarations contradictoires de Charles Enderlin dans le reportage d’Esther Schapira. Puis, en refusant de reconnaître que les divers audits des images, réalisés notamment par Nahum Shahaf, Esther Schapira, puis, par moi-même et Metula News Agency, justifiaient une remise en question de la vérité officielle. Enfin en se voyant infliger la contrainte de remettre en question cette vérité, mais de l’extérieur, par le CRIF.
La vexation psychologique est immense et elle dépasse le cadre de France 2, puisque nombre de journalistes se précipitent dans la défense de Charles Enderlin, prouvant par là qu’ils ont perçu que c’est désormais la profession, et non plus seulement quelques citoyens indépendants ou une institution juive, qui s’interroge sur l’authenticité du fait de guerre soi-disant illustré par le meurtre délibéré et de sang froid de Mohamed Al Dura par les soldats israéliens. Mais, si la question du désaveu de France 2 est importante, il en est une autre qu’elle ne doit pas cacher : la nature politique de l’enchaînement : captation des images, labellisation, montage, diffusion du reportage et justification sans preuve.
Ces images engagent l’Autorité palestinienne, parce qu’elles font partie de toutes celles qui ont été conçues par la télévision palestinienne, dont on sait qu’elle est au service du pouvoir en place. Or, à Netzarim, ce jour-là, les Palestiniens ne se contentaient pas de faire de l’agitation, mais, c’est un fait établi, mettaient en scène des scénarii d’horreur dont ils espéraient que la diffusion attesterait que les Israéliens sont des êtres cruels qui tuent des enfants froidement.
Par la suite, ces images ont engagé Israël, puis la France. Israël, parce que Charles Enderlin affirme qu’il a donné au porte-parole de l’armée israélienne la possibilité de se prononcer sur ces images avant, puis après les avoir montées en reportage, et, en tout état de cause, avant leur diffusion. Or, Israël s’est mis aux abonnés absents. La France, enfin, parce que France 2 est une chaîne publique et qu’elle a pesé de tout son poids pour entériner la version de Charles Enderlin, sans avoir fait une expertise exhaustive, et pour obtenir que ce reportage soit diffusé gratuitement par toutes les télévisions du monde entier.
Qu’on me comprenne bien : il n’est pas question d’un complot médiatique mené par une coalition d’ennemis et de déçus d’Israël, ou par des partisans d’un État israélo-palestinien binational, dont la condition serait la destruction d’Israël en tant qu’État juif. J’ai expliqué les processus affectifs et intellectuels à l’œuvre (symbolique abrahamique hypnotique, tentative de créer une psyché de masse, auto-hypnose, etc.) dans la mise en abîme individuelle et collective des différentes étapes de cette histoire. Mais je considère que les responsabilités politiques, dans l’enchaînement de faits séparés les uns des autres, sont majeures, qu’elles doivent être décryptées, et que des solutions doivent être trouvées de manière démocratique, pour que la vérité soit dite et connue de tous.
C’est pourquoi, j’appelle à la Constitution d’une Commission d’enquête internationale, et pas seulement nationale, qui, outre les décisions de la télévision palestinienne et de France 2, questionnera aussi les décisions de l’Autorité palestinienne, de l’État d’Israël et de la République Française tout au long de cet enchaînement. Cette enquête ne pouvant prendre place que dans le cadre du processus de paix, il est du devoir de l’Union européenne de s’engager pour la faire aboutir.