FORUM MONDIAL DE LUTTE CONTRE L'ANTISEMITISME

Publié le par shlomo

 Discours de la ministre des Affaires étrangères Tsipi Livni
28 février 2008

Les 24 et 25 février 2008, le ministère des Affaires étrangères d’Israël accueillait à Jérusalem la Conférence internationale du Forum mondial de Lutte contre l’antisémitisme (Global Forum for Combating Antisemitism). Tsipi Livni, ministre des Affaires étrangères d’Israël, et le Itzhak Herzog, ministre de la Diaspora, de la Société et de la Lutte contre l’antisémitisme, ont reçu 300 délégués de haut rang venus de 45 pays différents (parlementaires, juges, experts, ambassadeurs et diplomates, universitaires, responsables d’ONG, leaders d’organisations et de communautés juives).

Je suis convaincue que l’antisémitisme, tout comme le racisme et la xénophobie, n’est pas uniquement un problème juif ou israélien.

Merci de cette rencontre, car c’est encourageant. Je pense que le fait que nous soyons tous rassemblés ici aujourd’hui, pas uniquement des représentants du gouvernement israélien ou de la société israélienne, mais des personnes en provenance du monde entier réunies pour mener cette bataille, peut faire une différence.

Même si Israël est la patrie du peuple juif, je suis convaincue que l’antisémitisme, tout comme le racisme et la xénophobie, n’est pas uniquement un problème juif ou israélien. C’est un phénomène qui en dit long sur la société dans laquelle il sévit. Tel que je le vois, l’antisémitisme est une maladie qui dévore le coeur de l’humanité. C’est une plaie que la planète ne peut pas tolérer. Je crois sincèrement que nous devons comprendre le phénomène pour pouvoir changer les choses.

La communauté internationale dans son ensemble doit relever le défi, et Israël, patrie du peuple juif est bien sûr de cette bataille. Nous sommes en quelque sorte au front, mais nous avons besoin du monde, de la communauté internationale et des dirigeants des différentes régions pour oeuvrer ensemble et changer la réalité. Alors que pour nous, en Israël, le combat contre l’antisémitisme fait partie de notre politique étrangère, j’aimerais le voir partie intégrante des politiques intérieures à travers le monde.

Quelquefois nous avons le sentiment- quand je dis nous, je me réfère à la société entière et aux dirigeants internationaux- que certains cas sont mineurs, voire insignifiants, mais néanmoins, je ne pense pas que nous puissions fermer les yeux devant ces situations. Par exemple, lorsqu’un entraîneur israélien en Grande-Bretagne reçoit une lettre haineuse qui se réfère à ses origines juives, cela n’a rien à voir avec le football mais directement au fait qu’il est juif. Nous venons de voir un match néo-nazi à Dresde la semaine dernière ; cela veut dire quelque chose. Et quand un objet en feu est lancé contre une institution juive à Los Angeles, cela signifie aussi quelque chose.

Certains signes doivent être pris en considération. Ces événements ne sont pas mineurs, parce que si nous tolérons les manifestations de haine, nous tolérerons aussi la violence verbale. Et si nous tolérons la violence verbale, nous nous retrouverons dans une culture de violence. Donc nous devons tenir compte de tous ces petits actes contre les minorités, contre « l’autre », et surtout réagir ensemble.

Je crois que la clé pour combattre l’antisémitisme est de réaliser que ce n’est pas seulement l’affaire des Etats et des dirigeants ; nous devons attendre de chaque individu qu’il en soit conscient. Chacun devrait comprendre que c’est un phénomène qu’il ou qu’elle ne peut pas tolérer lorsque cela a lieu dans son quartier, sa communauté ou son pays.

Nous devrions être conscients du fait que pendant que nous nous réunissons ici, il y a d’autres lieux dans le monde ou certains encouragent l’antisémitisme en tant qu’idéologie. Cela comprend autant des Etats que des acteurs non étatiques. Il s’agit d’organisations, de communautés et d’individus. D’intellectuels, d’universitaires et de gens ordinaires. Ils utilisent internet, l’espace virtuel et chaque media moderne possible. En fait, ils manipulent la technologie moderne et en abusent pour leur cause diabolique.

Comme il a été dit précédemment et clairement compris ici, l’antisémitisme est passé par différentes étapes ; cela a commencé avec la haine des Juifs (Judenhas) puis continué avec l’antisémitisme. Mais j’aimerais me référer à ce qu’a mentionné le ministre Herzog. Le plus récent développement en matière d’antisémitisme est l’antisionisme ou l’approche anti-israélienne. Je souhaiterais mettre les choses au clair : Israël est prêt à accepter les critiques de la communauté internationale vis-à-vis de ses actions et ses décisions, tant que ces critiques concernent nos actions, et non pour le fait qu’Israël est la patrie du peuple juif.

De plus, il n’y a pas beaucoup de pays au monde qui examinent (je ne veux pas dire critiquent) leurs propres actions. Notre système juridique n’a pas seulement les pleins pouvoirs de le faire, mais il le fait même quand Israël est sous le feu des attaques ; il vérifie toutes les décisions du gouvernement à l’aune des valeurs humaines et de notre système démocratique. Et nous ne faisons pas cela pour dire quelque chose au monde, non pour être aimé du monde, mais parce que ceci est en accord avec nos principes.

Il faut du courage pour agir ainsi, mais c’est ce que nous faisons. Mais il y a quelque chose que nous ne pouvons pas tolérer et que nous ne tolérerons pas. Je suis allée à Washington pour participer à la cérémonie de souvenir en mémoire de Tom Lantos [1]. Pendant la dernière visite de Tom en Israël, les pilotes de l’armée de l’air israélienne ont survolé les grilles du camp de concentration d’Auschwitz. J’ai dit à cette occasion que l’étoile jaune de David cousue sur les vêtements des prisonniers des camps s’était métamorphosée en Etoile de David dessinée sur les avions de chasse israéliens. J’aimerais ajouter que nous sommes fiers que l’Etoile de David soit maintenant sur le drapeau de l’Etat d’Israël, et nous n’avons pas l’intention de la voir transformée de nouveau par les antisémites en étoile jaune de David et utilisée contre Israël. C’est du passé, et l’une des raisons de notre rencontre est d’affirmer que cela ne se reproduira plus.

Au sujet des Etats acteurs, l’Iran est le parfait exemple d’Etat qui dénie la Shoah tout en essayant simultanément d’obtenir une arme qui, peut être, entraînera un autre holocauste- tout ceci en étant membre des Nations Unies. C’est inacceptable. Ceux qui veulent faire partie de la communauté internationale, qui veulent être membres des Nations Unies, une organisation créée et établie après la Seconde Guerre mondiale, ne peuvent en être membres alors qu’ils nient la Shoah.

Un autre exemple, au sujet des Nations Unies, est bien sûr le Conseil des Droits de l’Homme, un organisme des Nations Unies qui, d’une certaine façon, accepte ces éléments extrêmes qui essayent de singulariser Israël, tout en dictant leur propre ordre du jour radical sous le couvert du Conseil. Je pense que c’est aussi le bon endroit et le bon moment pour mentionner Durban, puisque Durban est aussi un exemple de simulacre que nous ne pouvons plus accepter.

J’aimerais expliquer qu’à l’origine le point de vue d’Israël, comme celui des autres dirigeants et pays qui approchent ces problèmes avec les mains propres, était d’influencer de l’intérieur. Habituellement notre politique est de participer, d’échanger des idées, de changer le mode de pensée des participants à ce genre de rencontre. Mais je pense maintenant, particulièrement après Durban I, que cette politique est parfois erronée. Et il y a des erreurs que nous ne pouvons nous permettre de répéter, car en participant à ce genre de rencontre, en essayant d’influencer de l’intérieur, notre participation est souvent exploitée par des éléments dont l’ordre du jour est très clair.

En conséquence, je souhaiterais exprimer clairement notre position. Israël ne participera pas et ne légitimera pas la conférence des Nations Unies sur le racisme, appelée Durban II, à moins qu’il soit prouvé que la conférence ne sera pas utilisée comme plateforme pour des activités anti-israéliennes et antisémites. Nous faisons appel à la communauté internationale et disons : Votre participation à de telles conférences légitime la haine, l’extrémisme et l’antisémitisme sous la bannière de la « Lutte contre le racisme ». Israël ne participera pas à de telles conférences encourageant la haine, et nous attendons des Etats, pays et dirigeants ayant la même vision d’en faire autant. En effet, la bataille contre l’antisémitisme débute en ouvrant les yeux, plutôt qu’en l’ignorant, et en refusant de coopérer avec ce genre d’idées et de rencontres.

J’aimerais saisir cette occasion pour exprimer notre reconnaissance au gouvernement du Canada qui a décidé de se retirer de cette conférence. Comme je l’ai dit précédemment, nous attendons de la communauté internationale qu’elle n’y prenne pas part. Nous sommes plus que désireux de participer, de travailler ensemble afin d’organiser d’autres rencontres qui abordent vraiment le problème du racisme. Mais nous voulons le faire de la manière adéquate, ensemble avec des nations de bonne volonté, afin de comprendre ce qui va et ce qui ne va pas, ce que les extrémistes exploitent et ce dont ils abusent afin de promouvoir leur propre ordre du jour. Ce dernier n’est pas caché et nous devrions l’exposer clairement.

J’aimerais en profiter pour remercier Irwin Cotler [2] de vouloir changer la situation. Il ne s’agit pas uniquement de discuter et se rencontrer une fois par an ou après quelques mois, mais nous devons changer la réalité entre ces rencontres. J’aimerais aussi remercier John Mann [3] pour avoir proposé d’accueillir le Global Forum l’année prochaine.

L’année dernière, j’avais dit qu’en tant qu’Israélienne et Juive, je pense que nous partageons tous le même rôle et participons à la même bataille sous différentes formes : en tant qu’Israélien pour l’existence de l’Etat d’Israël, en tant que Juif contre l’antisémitisme, et en tant que membre du monde libre contre l’extrémisme. Et nous l’emporterons. Merci


[1] Rescapé de la Shoah, membre éminent du Congrès américain, président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, Tom Lantos était un défenseur passionné des droits de l’Homme. Il est décédé le 12 février 2008 à l’âge de 80 ans. [2] Député canadien et ancien ministre de la Justice du Canada [3] Député britannique et président du groupe interparlementaire contre l’antisémitisme

Publié dans ANTISEMITISME

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