AHMADINEJAD , LE NUCLEAIRE ET LE BASIDJ

Publié le par shlomo

Le 30 octobre dernier, Ahmadinejad prononçait un discours devant le Basidj, une milice religieuse au sein de laquelle la rumeur voudrait qu’il ait été instructeur. Pendant ce discours, il a eu cette petite phrase (je traduis):

(…) vous mourrez de colère si vous tenez à rester en colère contre nos jeunes (scientifiques qui travaillent au projet de développement nucléaire). Ce sont les premiers pas de notre progression dans le domaine nucléaire. J’ai la certitude que ces jeunes gens vont nous mener aux plus hauts niveaux de développement.

Il ne reste plus qu’à bien expliquer ce que c’est que le Basidj. Le mieux est cette traduction d’un texte de Matthias Küntzel (références dans le pdf):

En réfléchissant au comportement de Mahmoud Ahmadinejad, je ne peux m’empêcher de penser aux 500.000 clefs en plastique que l’Iran a importé de Taiwan pendant la guerre Iran – Irak de 1980 – 88. A l’époque, une loi iranienne imposa que des enfants à peine âgés de 12 ans pouvaient être utilisés pour nettoyer les champs de mines, même contre les objections de leurs parents. Avant chaque mission, une petite clef de plastique était accrochée autour du cou de chaque enfant. Elle était supposée leur ouvrir les portes du paradis.

«Par le passé», écrivait le quotidien iranien semi-officiel Ettela’at, «nous avions des enfants volontaires: de 14, 15 à 18 ans. Ils allaient dans les champs de mines. Leurs yeux ne voyaient rien, leurs oreilles n’entendaient rien. Et puis, quelques instants plus tard, on voyait des nuages de poussière. Quand la poussière se redéposait, il n’y avait plus rien à voir d’eux. Quelque part, largement dispersés dans le paysage, reposaient des petits morceaux de chair brûlée et des fragments d’os.»

De telles scènes devaient dorénavant être évitées, assurait Ettela’at à ses lecteurs. «Avant d’entrer dans les champs de mines, les enfants s’enroulaient désormais dans des couvertures, et ils roulaient sur le sol, de sorte que les parties de leur corps restent ensemble après l’explosion des mines, et que l’on puisse les porter dans les tombes.»

C’était bien sûr une idée du grand imam Khomeiny:  

Les enfants qui roulaient ainsi vers leur mort formaient une partie du mouvement de masse des «Basiji» qui a été appelé à naître par l’ayatollah Khomeiny en 1979. Les Basiji Mostazafan – la «mobilisation des opprimés» – était faite de milices volontaires à court terme. La plupart des membres des Basiji n’avait pas encore 18 ans. Ils partaient dans l’enthousiasme et par milliers vers leur propre destruction. «Les jeunes hommes nettoyaient les mines avec leurs propres corps», rappelait un vétéran de la guerre Iran–Irak, «c’était parfois comme une course. Même sans les ordres du commandant, chacun voulait  être le premier.» (…)

Et Ahmadinejad comprend fort bien ce sentiment:

Loin d’être sujet à la critique, le sacrifice des Basiji fait pendant la guerre contre l’Irak est célébré de nos jours plus que jamais auparavant. Déjà, dans un de ses premiers entretiens télévisés, le nouveau président s’enflamma: «Y a-t-il un art qui soit plus beau, plus divin, plus éternel que l’art de la mort en martyr?» 

À en croire les paroles du prophète de l’Islam, non.

Sur le champ de bataille, les Basiji représentaient 30% des forces armées comme telles, constituant la plus grande partie de l’infanterie. Les Pasdarans représentaient quelques 40% des forces armées et l’armée régulière les 30% restant. Les membres des Pasdarans avaient généralement un niveau d’éducation plus élevé que les Basiji, qui pour la plupart venaient de la campagne, et étaient souvent illettrés. Quand les Basiji furent envoyés sur le front, les Pasdarans se tenaient à l’arrière… en règle, les Pasdarans étaient envoyés à la bataille après que des vagues successives de Basiji avaient déjà été tuées.

 On estime leur nombre à près d’un demi-million en trois ans:

La tactique de la vague humaine était exécutée comme suit: les enfants et les adolescents à peine armés devaient avancer de façon continue en rangs parfaitement rectilignes. Il n’importait pas qu’ils tombent comme de la chair à canon au feu ennemi, ou fassent exploser les mines avec leurs corps: la chose importante était que les Basiji continuent d’avancer par-dessus les restes déchiquetés et mutilés de leurs camarades tombés, allant vers leur mort vague après vague.

La tactique produisait quelques succès initiaux indéniables du côté iranien. «Ils viennent vers nos positions en hordes immenses en brandissant leurs poings», se plaignait un officier irakien à l’été 1982. «Vous pouvez tirer sur la première vague, et puis la seconde. Mais à un moment donné, les cadavres s’empilent devant vous, et tout ce que vous voulez faire, c’est de hurler et de jeter votre arme. Ce sont des êtres humains, après tout.» Au printemps 1983, les Pasdarans avaient envoyé quelque 450.000 Basiji par périodes vers le front. Après trois mois, celui qui survivait à son déploiement était renvoyé à l’arrière à son école ou à son travail.

Comme aujourd’hui, les écoles servaient de bases de recrutement:

Comment étaient recrutés les Basiji? Principalement dans les écoles: les Pasdarans envoyaient des éducateurs «spéciaux» qui désignaient à la main leurs martyrs pour les exercices paramilitaires obligatoires. Des films de propagande – comme le film de télévision en 1986 «une contribution à la guerre» – faisaient l’éloge de l’alliance entre les étudiants et le régime contre ces parents qui essayaient de sauver la vie de leurs enfants.

Au début, les mollahs avaient fait des tests avec des animaux:

Au tout début, les Mollahs n’envoyaient pas des êtres humains sur les champs de mines, mais plutôt des animaux: des ânes, des chevaux, et par-dessus tout, des chiens. Mais la tactique se montra inutile: «Après que quelques ânes aient explosé, les autres s’enfuyait de terreur», rapporte Mostafa Arki dan son livre Acht Jahre Krieg im Nahen Osten [Huit ans de guerre au Moyen-Orient].

Les ânes réagissaient normalement. La peur de la mort est naturelle. Les Basiji, d’un autre côté, marchaient sans peur et sans se plaindre – comme guidés par une main invisible – vers leur mort. Les curieux slogans qu’ils entonnaient en entrant sur les champs de bataille sont importants à noter: «Contre le Yazid de notre temps», «La Caravane de Hussein va en avant!», «Un nouveau Kerbala Nous Attend».

Tout cela nécessite des références culturelles profondes:

Yazid, Hussein, et Kerbala: trois références essentielles de la religion shiite. Le mythe primordial de la Shia concerne la bataille de Kerbala en 680 qui opposa les fondateurs de l’Islam sunnite et shiite. La figure clé dans la doctrine shiite est l’imam Hussein, le petit-fils du prophète Mohammed. Hussein conduisit une révolte contre le calife «illégitime» Yazid. Mais la révolte de Hussein fut trahie par les personnes mêmes qui avaient juré de le servir fidèlement. La honte de ce «pêché originel» de la Shia engendre une loyauté inconditionnelle à la direction religieuse jusqu’à nos jours.

Dans la plaine de Kerbala, le dixième jour du mois de Muharram, Hussein et son entourage ont été attaqués et vaincus par une force numériquement supérieure sous la conduite de Yazid. Le cadavre de Hussein portait les marques de 33 trous de lance et de 34 coups d’épée. Sa tête fut coupée, et le tronc restant de son cadavre fut piétiné par des chevaux. Depuis lors, le martyr de Hussein porte le coeur de la théologie shiite et la fête de l’Ashura qui le commémore est le jour le plus saint de la Shia. Des hommes se battent eux-mêmes avec leurs poings, ou se flagellent avec des chaînes d’acier, de façon à approcher les souffrances de Hussein.

Mais il ne faut pas mettre toute la faute sur l’Islam:

Ces rituels sont de nature préislamique: la Shia les a adaptés de traditions zoroastriennes et païennes.

Et il faut lire le tout.

TEXTE REPRIS DU SITE DE AJ MAIRET

Publié dans IRAN NUCLEAIRE

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