ETAT JUIF EN PERIL

Publié le par shlomo

9 décembre 2007 - Par Caroline B. Glick |
Jewish World Review - Adaptation française de Sentinelle 5768 ©

L’Estimation du Renseignement National des USA [NIE en anglais, Ndt] sur les intentions nucléaires de l’Iran est la version politique d’une frappe nucléaire tactique sur les efforts pour empêcher l’Iran d’acquérir des bombes nucléaires. La NIE commence par une ligne d’ouverture dramatisée : “Nous jugeons avec un haut degré de confiance qu’à l’automne 2003, Téhéran a cessé son programme d’armes nucléaires ».

Mais le reste du rapport contredit la première phrase. Par exemple, la deuxième ligne déclare : « Nous évaluons aussi avec un degré de confiance moyen à élevé que Téhéran conserve au minimum ouverte l’option de développer des armes nucléaires”.

De fait, contrairement à cette ouverture fracassante, la NIE reconnaît que les Iraniens ont un programme nucléaire actif, et se situent entre deux à cinq ans pour disposer de capacités nucléaires.

La phrase finale du NIE : « Nous évaluons avec un haut degré de confiance que l’Iran dispose des capacités scientifique, technique et industrielle pour produire finalement des armes nucléaires si elle décide de le faire », souligne seulement que les agences de renseignement des USA voient le programme nucléaire de l’Iran comme une menace continue et croissante plutôt que suspendue et décroissante.

Mais le contenu de la NIE est sans relation. La seule chose qui importe est la phrase d’ouverture - comme les auteurs du rapport le savaient bien sans aucun doute quand ils l’ont écrit. Avec cette ouverture, la NIE a effectivement pris l’option de mettre hors jeu l’usage de la force par les USA pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires.

Il y a deux explications possibles sur les raisons qui ont poussé le Président George W. Bush à autoriser la publication de ce rapport. Soit il ne souhaite pas attaquer l’Iran, ou bien il a été obligé par la bureaucratie du renseignement à accepter qu’il ne peut pas attaquer l’Iran.

En argumentant pour le premier motif dans le magazine ‘Time’, l’ancien agent de la CIA Robert Baer a expliqué : « Alors que les 16 agences qui constituent la “communauté du renseignement’ contribuent à chaque NIE, vous pouvez parier qu’un retournement explosif à 180 degrés sur l’Iran comme celui-là a reçu le feu vert du Président ».

L’opinion alternative - que Bush aurait été obligé d’accepter le rapport contre son gré - est aussi possible. Les principaux auteurs du rapport, Thomas Fingar, Vann Van Diepen et Kenneth Brill, sont tous des officiels du Département d’Etat, prêtés au directeur du renseignement national.

Selon le ‘Wall Street Journal’ tous les trois sont réputés de parti pris, et hostiles aux objectifs de la politique étrangère du Président Bush. De plus, au cours des quatre années écoulées, tous les trois auraient travaillé d’arrache-pied pour minimiser le danger du programme des armes nucléaires de l’Iran, et discréditer leurs opposants au sein de l’administration.

Jeudi dernier, le ‘New York Times’ a rapporté une anecdote détaillant le processus selon lequel le NIE se voyait accoler ce qui donne du crédit à l’idée que Bush a été obligé de l’accepter. Selon le ‘Times’, dans les mois précédents la publication du NIE, Mike McConnell, directeur du renseignement national, a délibérément empêché la Maison Blanche de voir la moindre des données de base du renseignement à partir desquelles la conclusion radicale de la NIE sur l’Iran a été tirée. Cela seul indique qu’en effet, la communauté du renseignement a présenté à Bush un fait accompli.

Mais il n’y a aucune différence d’une façon ou d’une autre. Que le Président soit d’accord ou pas avec la NIE, il est contraint de la même manière. La NIE lui refuse l’option d’une action militaire contre le programme nucléaire de l’Iran pour la durée de son mandat. Aussi, pendant au moins 14 mois, l’Iran n’a rien à craindre de Washington.

Et les répercussions politiques de la NIE s’étendent bien au-delà de l’administration actuelle. Aujourd’hui, aucun candidat présidentiel du Parti Démocrate n’osera remettre en question la phrase d’ouverture du rapport. Les chefs du Parti Démocrate au congrès exigent que l’administration ouvre immédiatement des pourparlers bilatéraux avec l’Iran. Et le sénateur Hillary Clinton est mise au pilori par les rivaux de son Parti pour son vote au Sénat en faveur du classement du corps des Gardes de la Révolution iranienne comme organisation terroriste.

La situation au Parti Républicain n’est pas beaucoup plus encourageante. Bien que les Républicains aient reçu la NIE avec des grondements plutôt qu’avec jubilation, il est difficile d’imaginer l’un des candidats présidentiels du Parti Républicain contestant sa phrase d’ouverture. Le faire comprend le risque d’être accusé d’alarmisme et de bellicisme.

Bien que Bush et la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice continuent de parler d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran, le fait qu’après la publication du rapport, toute chance d’obtenir un accord sur de nouvelles sanctions s’est évaporée. Le Président français Nicolas Sarkozy reste humilié d’avoir osé parler de la possibilité d’attaquer l’Iran. Les Allemands vont immédiatement revigorer leurs liens commerciaux avec les mollahs comme le feront les Britanniques et les Français. Les Russes et les Chinois abandonneront même le vernis de s’opposer au programme nucléaire de l’Iran.

La NIE met en lumière les capacités nucléaires reconnues de l’Iran en laissant entendre que les intentions de l’Iran ne sont pas nécessairement hostiles. Pourtant, il ne donne pas de preuve que cela est le cas. Bien plutôt, la NIE projette les désirs de ses auteurs américains sur les Iraniens. Mais puisque les actes de l’un des adversaires, plutôt que les espoirs de l’autre sont les meilleurs indicateurs des intentions du premier, la seule conclusion que l’on puisse raisonnablement tirer est que ses intentions sont tout sauf bienveillantes.

Par exemple, ‘l’Agence France-Presse’ a rapporté qu’en 2005, l’Iran a acheté 18 missiles balistiques russes SS-N-6 à la Corée du Nord. Les nord-coréens ont modifié les missiles, qui étaient à l’origine lancés d’un sous-marin pour être tirés depuis un lanceur terrestre, et ils les ont rebaptisés BM-25s. Ce qui est remarquable au sujet de ces missiles, c’est que les Soviétiques les ont conçus spécifiquement pour transporter des têtes nucléaires d’une mégatonne. Comme la lettre en ligne de renseignement ‘NightWatch’ l’a remarqué cette semaine : « Des esprits curieux veulent savoir pourquoi l’Iran voulait acheter un tel système à la Corée du Nord en 2005, si elle a abandonné son programme de têtes nucléaires en 2003 ? ».

Au-delà de cela, la NIE fait une étrange distinction entre le programme nucléaire « civil » de l’Iran, qui n’a pas cessé une seconde, et son programme « militaire » qui aurait pris fin en 2003. Puisque les deux programmes sont contrôlés et dirigés par les Gardes de la Révolution, il est évident qu’aucune distinction de ce type n’existe pour les Iraniens. Et comme l’ancien ambassadeur des USA John Bolton l’a écrit jeudi dernier dans le ‘Washington Post’ : « C’est le programme nucléaire « civil » de l’Iran qui pose le principal problème ‘d’échappement’ ».

Pour finir, les antécédents pathétiques de la communauté du renseignement des USA doivent être pris en compte. Les agences de renseignement américaines ont échoué à révéler la menace d’al Qaïda contre la sécurité des USA avant le 11 septembre 2001. Elle a mal évalué les capacités et les intentions des armes de destruction massive de Saddam Hussein. Et plus récemment, elle a échoué à reconnaître le programme nucléaire de la Syrie, bien que l’installation nucléaire nord-coréenne qu’Israël aurait détruite le 6 septembre ait été construite en surface.

Comme dans ce cas, la frappe israélienne a démontré clairement qu’il n’y a pas de raison de croire que le programme nucléaire de l’Iran n’est situé qu’en Iran. Il est raisonnable de supposer que certains des éléments sont situés en Syrie, en Corée du Nord, au Pakistan, et peut-être aussi en Chine et en Russie.

La frappe israélienne en Syrie a aussi démontré la supériorité du renseignement d’Israël par rapport à l’Amérique, sur les programmes d’armes de destruction massive. Etant donnée l’affirmation de la NIE sur l’absence de menace de l’Iran, le rapport doit être considéré comme une agression directe contre la crédibilité des services de renseignement d’Israël. De plus, puisque les services de renseignement israéliens insistent pour affirmer que le programme nucléaire de l’Iran constitue la plus grande menace à la sécurité mondiale, la NIE contribue non seulement à dépeindre la communauté du renseignement d’Israël comme non fiable, mais aussi hostile aux intérêts de l’Amérique.

Ainsi, non seulement la NIE rend impossible une action des USA contre l’Iran, mais elle pose aussi un piège dangereux pour Israël. Si Israël ne prend pas de mesures contre les installations nucléaires de l’Iran, il risque l’annihilation. Et s’il prend des mesures, il peut s’attendre à être l’objet d’une condamnation internationale et américaine bien pire que celle qu’il endura après avoir bombardé le réacteur nucléaire Osirak en Irak en 1981.

Pourtant les USA n’ont pas limité cette incitation d’Israël à commettre une faute au domaine politique. Comme le ‘Jerusalem Post’ l’a rapporté mardi dernier, du fait d’une pression américaine massive, Israël et l’Inde ont été obligés d’annuler le lancement prévu d’un satellite israélien sur une fusée indienne. Le lancement était prévu en septembre 2007. Il doit être reprogrammé. Apparemment, la réponse des USA à la découverte du programme nucléaire de la Syrie a été de saper le potentiel d’Israël d’augmenter les capacités de ses services de renseignement.

Jusqu’à présent, la réponse israélienne à la NIE donne l’impression que les dirigeants d’Israël sont en état de dénégation au sujet de ce qui vient de survenir. Le Premier Ministre Ehud Olmert a réagi avec des platitudes creuses sur ses relations étroites avec Bush.

En acceptant stupidement que l’Iran aurait de fait arrêté son programme d’armes nucléaires en 2003, le ministre de la défense Ehud Barak a accepté l’aspect le plus ridicule du rapport - à savoir qu’il y a une distinction entre les programmes nucléaires « civil » et « militaire ». Ce faisant, Barak a en effet empêché Israël d’attaquer le rapport sur son caractère fondamentalement mensonger.

De même pour la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, eh bien, elle ne semble pas comprendre que quelque chose soit arrivé. Dans un message aux ambassadeurs israéliens, Livni a pressé les émissaires d’Israël de poursuivre leurs efforts pour promouvoir des sanctions, proclamant que : « Tous sont d’accord du fait que le monde ne peut pas accepter un Iran nucléaire ».

Et c’est l’aspect final du rapport de la NIE qui mérite d’être mentionné. Tant par son contenu que par sa date de parution cette semaine, après la conférence d’Annapolis, la NIE démontre clairement qu’en opposition aiguë avec les déclarations optimistes d’Olmert, de Barak et de Livni sur les merveilleuses relations avec l’administration Bush, les relations d’Israël avec les USA sont en état de crise.

Beaucoup de commentateurs ont applaudi la conférence d’Annapolis, proclamant que son vrai but était de cimenter une coalition contre l’Iran conduite par les USA, et comprenant Israël et les Arabes. Ces voix ont soutenu qu’il y avait des raisons pour Israël de négocier de mauvaises conditions en échange d’une telle coalition. Mais la NIE montre que les USA ont trahi Israël. Plaçant l’appât d’une coalition hypothétique contre l’Iran, les USA ont soutiré des concessions israéliennes massives pour les Palestiniens, puis ils ont tourné autour et ont aussi abandonné Israël sur l’Iran. Cela signifie que non seulement les USA se sont séparés d’Israël comme allié, mais oeuvrent activement contre l’Etat juif.

Pour leur part, les Iraniens célèbrent la publication du NIE comme une victoire majeure. Et ils ont raison de le faire. Avec un trait de stylo, les USA ont fait connaître la semaine dernière qu’ils n’ont pas de problème à voir l’Iran acquérir les moyens de perpétrer un second génocide du Peuple juif en 70 ans.

Le message de la NIE à Israël et à la communauté juive mondiale est clair. De nouveau, nous sommes seuls dans un moment de péril. Il est grand temps que nos dirigeants politiques et militaires reconnaissent ce fait, et se mettent au travail pour nous défendre.

http://www.jewishworldreview.com/1207/glick120707.php3


Contribuant à la JWR, Caroline B. Glick est membre senior pour le Moyen Orient du “Center for Security Policy” [Centre pour la Politique de Sécurité] à Washington, DC et rédacteur en chef adjoint du « Jerusalem Post ».

Publié dans ISRAEL

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