Amis et ennemis chrétiens d’Israël, entretien avec David R. Parsons

Publié le par shlomo

Dialogue interreligieux
par M. Gerstenfeld
 

Texte original anglais : " Christian Friends and Foes of Israel sur le site de l'Institute for Global Jewish Affairs

par  David R. Parsons


Traduction française : Menahem Macina (d'après une première version effectuée par Marc Brzustowski) pour upjf.org


Publié en février 2009

No. 78, 1er mars 2009 / 5 Adar 5769  

  • La Shoah a initié un changement majeur dans la façon de penser le peuple juif dans de nombreux cercles chrétiens. Pour beaucoup, il devenait évident que des siècles d’enseignement antisémite chrétien avaient pavé la route des meurtres de masse perpétrés par les Nazis et leurs suppôts. Cependant, ces crimes seuls, auraient pu ne pas changer la pensée théologique de beaucoup de Chrétiens à une aussi vaste échelle. La plupart auraient pu encore continuer de voir la Shoah comme un nouvel exemple que les Juifs sont maudits à jamais.
  • Ce fut le choc théologique de la création de l’Etat d’Israël en 1948 qui mit au défi la doctrine et les enseignements fondamentaux de l’Eglise concernant le peuple juif. Durant des siècles, le courant principal du Christianisme pensait que les Juifs, que l’on blâmait pour la mise à mort du Christ, étaient condamnés à errer indéfiniment. C’est là le facteur-clé distinguant les Chrétiens amis et ennemis d’Israël : si oui ou non on croit que les Juifs sont encore engagés par une relation d’alliance privilégiée avec Dieu.
  • Au sein du camp protestant pro-israélien existent deux écoles théologiques essentielles. La première est une théologie chrétienne de l’alliance, qui est fondée sur la croyance que Dieu tient éternellement l’engagement de ses promesses d’alliance. La seconde est le dispensationalisme, qui dit qu’Israël a temporairement été remplacé par l’Eglise, mais qu’à la fin des temps, Israël redeviendra l’agent rédempteur important de Dieu dans le monde.
  • La théologie de la substitution, aussi appelée la grande scission, est la principale théologie des ennemis chrétiens d’Israël. Elle est fondée sur l’idée que la relation unique de Dieu avec l’Eglise constitue le remplacement ou l’achèvement des promesses faites au peuple juif, et qu’il en résulte que « l’élection » d’Israël a perdu son sens. La "théologie palestinienne de la libération" se sert de Jésus en tant que modèle historique, s’identifiant à lui comme étant le « premier révolutionnaire palestinien ». Ainsi, elle justifie la violence palestinienne contre les Israéliens comme un acte acceptable de la part des opprimés à l’encontre de l’oppresseur.


« La Shoah a causé un changement radical de mentalité à l’égard du peuple juif dans de nombreux cercles chrétiens. C’était un choc moral majeur pour eux qu’au cœur de l’Europe chrétienne, un génocide ait eu lieu, qui visait à anéantir les Juifs. Pour beaucoup, il devint évident que des siècles d’enseignement chrétien antisémite avaient pavé la voie aux meurtres de masse perpétrés par les nazis et leurs suppôts.

Cependant, pris isolément, ces crimes n’auraient pas suffi à causer un changement d’une telle ampleur de la pensée théologique de nombreux chrétiens. Beaucoup auraient continué à dire : « La Shoah n’est qu’un nouvel exemple du fait que les Juifs sont maudits pour toujours ».

David R. Parsons est directeur de la communication à l’Ambassade Internationale Chrétienne de Jérusalem, principal producteur du programme hebdomadaire de radiodiffusion, Front Page Jerusalem, et contributeur de l’édition chrétienne du Jérusalem Post. De 1991 à 1995, il a occupé le poste de conseiller général du CIPAC, un lobby chrétien pro-israélien enregistré au Congrès, dont le but est de promouvoir des relations fortes entre Israël et les Etats-Unis.

Un choc théologique

Parsons observe :

« C’est le choc théologique de la création d’Israël en 1948, qui constitua un défi pour la doctrine et les enseignements fondamentaux de l’Eglise concernant le peuple juif. Durant des siècles, la majorité des chrétiens pensaient que les Juifs, tenus pour coupables de la mise à mort du Christ, étaient condamnés à une errance sans fin. L’idée était qu’ils avaient été dispersés partout dans le monde, qu’ils ne retourneraient jamais dans la terre d’Israël et ne joueraient pas de rôle important dans le projet de rédemption de l’homme par Dieu. Bref, avec la naissance de l’Eglise, les Juifs avaient accompli leur mission une fois pour toutes.

Après la Seconde Guerre mondiale, et de manière plutôt inattendue, la souveraineté juive fut restaurée sur la terre d’Israël. Ce développement ne cadrait pas avec les conceptions doctrinales dominantes de la Chrétienté. Aussi, plusieurs églises chrétiennes, dont l’influente église catholique est un bon exemple, orientèrent graduellement leurs institutions vers l’adoption d’une nouvelle attitude à l’égard des Juifs.

Toutefois, nombre de Chrétiens continuent de refuser de modifier leurs conceptions doctrinales pour s’adapter à cette nouvelle réalité d’un Israël restauré. Ils ont même tenté de revisiter les faits pour les rendre conformes à leur théologie classique d’un Israël rejeté. C’est peut-être une raison moins connue, mais un puissant facteur de motivation pour de nombreux chrétiens pro-Palestiniens dans le monde occidental. En tentant de renverser le cours de l’histoire, ils veulent éliminer cette souveraineté juive sur le pays.

De plus, ils aimeraient réduire Israël à un Etat binational, incluant les Juifs et les Arabes et les trois religions : l’islam, le judaïsme et le christianisme. C’est une source importante de l’engagement chrétien dans les campagnes de désinvestissement, les accusations d’"apartheid" à l’encontre d’Israël, ainsi que d’autres manoeuvres anti-israéliennes. Bien que cet activisme ait une base théologique sous-jacente, il est aussi partie intégrante de plus larges «guerres culturelles » entre la gauche et la droite ».

Les chrétiens sionistes

Quand on lui demande d’analyser d’abord les divers courants qui existent chez les chrétiens amis d’Israël, Parsons réplique que quelques-uns d’entre eux soutiennent le mouvement sioniste depuis ses origines.

« Théodore Herzl a forgé l’expression "Chrétiens sionistes" au premier Congrès sioniste de Bâle, en 1898, en évoquant des personnalités chrétiennes tels le Révérend William Hechler, aumônier de l’Ambassade britannique à Vienne, et le protestant suisse Henri Dunant, qui partagea le premier prix Nobel de la paix.

Le sionisme chrétien précède même de plusieurs décennies, si ce n’est de plusieurs siècles, l’avènement du sionisme politique, puisque des ministres du culte et des politiques chrétiens ont plaidé pour le retour des Juifs vers leur antique patrie depuis l’époque de la Réforme protestante. Son triomphe fut la Déclaration Balfour, six des neuf membres du cabinet britannique de David Lloyd George se revendiquant chrétiens sionistes. Leur fondement théologique était leur croyance que la Grande-Bretagne, dont l’empire [colonial] s’étendait au monde entier, avait une position unique pour aider au rassemblement de la Diaspora juive. Ce n’était pas uniquement une question de foi ; les calculs de grande puissance jouaient aussi un rôle dans leur attitude.

Toutefois, les racines du sionisme chrétien remontent à la Réforme. La Bible fut traduite en langue vernaculaire de manière à ce que les gens puissent la lire par eux-mêmes. Ils virent que Dieu aimait encore les Juifs. Ce qu’ils lisaient ne concordait pas avec les enseignements des églises établies, particulièrement avec la doctrine catholique.

Il y a aujourd’hui plus de chrétiens sionistes que jamais. Plusieurs millions d’entre eux dans le monde éprouvent un amour irrésistible pour Israël et le peuple juif. Huit mille chrétiens sont venus de près d’une centaine de pays pour participer à la récente célébration de la fête biblique des Tabernacles à Jérusalem. 1 500 d’entre eux étaient des Brésiliens, mais il y avait aussi des gens de Papouasie-Nouvelle Guinée et des îles Fidji. Aucun n’a annulé sa participation malgré la crise économique, même s’il n’était pas aisé de le faire. Plusieurs hôtels de Jérusalem nous ont dit qu’ils refusaient régulièrement les demandes de réservation d’autres personnes, transmises par nos pèlerins pour les vacances des fêtes de Souccoth, affirmant que « quoi qu’il se passe ici, nous savons que les chrétiens viendront quand même ».

 

Des conceptions erronées


Il est parfois difficile d’être un chrétien sioniste, lorsque même les Juifs et les dirigeants Israéliens prétendent que nous ne sommes pas différents des chrétiens du passé. Il subsiste beaucoup de représentations erronées à notre sujet. L’une est que le mouvement chrétien sioniste est une récente excroissance de la droite chrétienne et est animé par diverses motivations obscures. Il existe même, au sein des chrétiens évangéliques, des membres qui nous accusent d’être idolâtres, prétendant que nous adorons l’Israël laïque plus que le Christ »

Parsons préfère utiliser le terme de "sionisme biblique" plutôt que celui de "sionisme chrétien", parce qu’il permet plus d’ouverture pour mettre d’accord Juifs et Chrétiens. Il explique :

« Je suis un chrétien qui adhére au sionisme biblique, lequel peut aussi recevoir des adhérents juifs. En tant que croyant en la Bible et dans le Dieu de la Bible, je crois que le peuple juif et la terre d’Israël ont, l’un comme l’autre, été choisis pour la rédemption du monde. La restauration moderne des Juifs dans leur antique patrie est la preuve que Dieu est fidèle à l’engagement de sa promesse faite au patriarche Abraham de libérer la terre de Canaan pour la donner en propriété éternelle à ses descendants.

Tous les êtres humains sont égaux, mais les Juifs jouent dans le monde un rôle exceptionnel que nous devons respecter. Le culte de Dieu (unique), Ses paroles, Ses commandements, Ses engagements et, pour nous Chrétiens, le Messie de Dieu, nous ont tous été transmis par l’intermédiaire du peuple Juif. C’est un paradoxe biblique qu’en Dieu coexistent tant l’universalité, qui se manifeste en ce qu’Il aime toute l’humanité, que la spécificité, ou élection divine. C’est même l’enseignement du Nouveau Testament qu’à travers le retour d’exil des Juifs, Dieu est précisément en train de réaliser Son projet de rédemption pour le monde entier.

En tant qu’adhérents du sionisme biblique, nous soutenons le sionisme politique, parce que le peuple juif doit disposer d’une patrie et d’un lieu de refuge sûr, mais nous y ajoutons la dimension de la mission divine. Ceci nous éloigne totalement du camp anti-israélien, qui croit que l’élection du peuple juif a perdu son sens. Dans leur théologie, les Juifs ne méritent que des critiques, voire pire. Tel est l’élément-clé de la distinction entre les amis et les ennemis chrétiens d’Israël : oui ou non, croyez-vous que les Juifs ont toujours une relation durable avec Dieu.

On peut trouver les éléments de la théologie de l’Alliance déjà présents dans les écrits des Pères de l’Eglise, dont Irénée et Augustin. Mais c’est le réformateur Jean Calvin qui a été le premier, à intégrer les conceptions du salut de Dieu dans ce système théologique »


Autour de 600 millions de Protestants évangéliques


A la question de savoir combien il y a de chrétiens sionistes, Parsons répond :

« Tout d’abord, le monde chrétien compte peut-être plus d’un milliard de catholiques. Il y a plus de 200 millions de chrétiens orthodoxes à l’est et 200 millions de paroissiens du courant majeur protestant.

Le nombre de protestants évangéliques est sans doute actuellement de l’ordre de 600 millions – ce sont des gens qui affirment avoir vécu une expérience de "nouvelle naissance” et qui considèrent la Bible comme la Parole inspirée de Dieu. Le courant évangélique est le mouvement religieux qui croît le plus rapidement dans le monde. Le gouvernement chinois a récemment admis qu’il y a environ 120 millions de chrétiens évangéliques dans son pays, plus que le nombre de membres du parti communiste.

Généralement, ces évangéliques ont tendance à avoir une vision favovable d’Israël, et beaucoup sont intéressés par l’exploration des racines juives de notre foi. Le magazine Time a récemment désigné cet effort consacré à l’étude de nos racines hébraïques comme étant l’une des principales tendances dans le monde aujourd’hui. Dans un récent sondage, 80% des chrétiens américains ressentent une obligation morale de soutenir Israël. Il existe quelques poches d’anti-israélisme parmi les Evangélistes, mais elles sont faibles.

Un autre facteur de motivation important est que nous voulons assumer la responsabilité de l’héritage amer de l’antisémitisme chrétien. A l’extérieur des Etats-Unis, la plupart de nos soutiens de base proviennent d’Europe. Nous disposons de branches puissantes en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves.

Ces Chrétiens connaissent bien l’histoire des croisades, les expulsions médiévales des Juifs, l’Inquisition et la Shoah. Dans l’histoire du mouvement évangélique chrétien, il n’y a pas d’exemple de « la conversion ou la mort ». Il y a, parmi ceux qui soutiennent actuellement Israël, des gens qui ont quitté les églises qui ont joué un rôle déterminant dans l’antisémitisme chrétien. Pour eux, soutenir Israël n’est pas une question de culpabilité, mais plutôt une prise de responsabilité d’un lourd héritage et un effort pour en effacer la tache sur le nom de l’Eglise.

Dans le camp des protestants pro-israéliens, il existe deux écoles théologiques essentielles. La première est la théologie chrétienne de l’Alliance, qui, comme on l’a noté, est fondée sur la croyance que Dieu garde éternellement entières ses promesses d’Alliance faites à Abraham, Moïse, David et Jésus. Nous croyons que les prophètes hébreux étaient les serviteurs de ces engagements et qu’ils nous disent quelque chose de la façon dont Dieu tiendra ses promesses d’alliance. Mais le fondement de notre position pro-israélienne est l’alliance abrahamique. Les membres de l’Ambassade chrétienne appartiennent à cette école théologique. »

 

Le Dispensationalisme


« L’autre théologie chrétienne pro-israélienne correspond au
dispensationalisme. Elle est d’origine bien plus récente et se concentre sur les passages prophétiques dans lesquels Israël joue un rôle important "à la fin des temps". On peut faire remonter ses origines à John Nelson Darby, qui était prédicateur du mouvement des Frères de Plymouth, qui date du début des années 1800. Ses conceptions furent plus tard adoptées par Syrus Scofield aux Etats-Unis, qui publia une version vulgarisée de la Bible aux environs de 1900.

« Le dispensationalisme enseigne qu’Israël a été temporairement remplacé par l’Eglise, mais qu’à la fin des jours, Israël sera à nouveau le principal agent rédempteur de Dieu dans le monde, pour une courte période. Cela arrivera lorsque la véritable Eglise sera "ravie", ou enlevée vers le Ciel au commencement de la Tribulation de 7 ans. Alors, durant cette période de grands bouleversements sur la terre, deux tiers des Juifs présents dans le pays d’Israël mourront et le dernier tiers, par sa conversion, fera revenir le Christ.

Je crois que [cette conception] repose sur des interprétations erronées de versets prophétiques de la Bible qui contiennent des passages pouvant individuellement être interprétés de différentes façons. Mais à nouveau, c’est un système de croyance blessant qui ne devrait pas trop préoccuper les Juifs. Malgré ces interprétations, la plupart des tenants du dispensationalisme ont un amour profond et indéfectible pour Israël. Et ce n’est pas eux qui feraient entrer de force Israël dans un grand et ultime scénario de « la conversion ou la mort », puisqu’ils seraient déjà au Ciel.

 

Les ennemis d’Israël

La théologie du "remplacement", également appelée " de la substitution" est la principale théologie des ennemis d’Israël. Sa terminologie date du dix-septième siècle, mais reflète une vision plus ancienne qu’épousaient déjà certains des premiers fidèles de l’Eglise. Elle est fondée sur la notion que l’unique relation entre Dieu et l’Eglise est le remplacement ou l’accomplissement des promesses faites au peuple juif.

Quelques-uns de ceux qui croient à la théologie de la substitution sont mal à l’aise avec cette terminologie et préfèrent parler de "théologie de l’accomplissement", ce qui signifie que Dieu a accompli tout ce qu’Il avait promis aux Juifs, et que la Nouvelle Alliance se substitue à l’Alliance mosaïque. Selon cette alliance, l’Eglise remplace Israël en tant que principal agent rédempteur de Dieu dans le monde.

On distingue divers segments dans la théologie de la substitution. L’un est la "substitution punitive", ce qui veut dire que les Juifs endurent la malédiction d’une errance sans fin parce qu’ils ont tué le Christ. Autre variante : la "substitution économique" ; elle n’a rien à voir avec l’argent, mais signifie que, dans l’économie divine, l’Eglise, dans la pratique, a fondamentalement remplacé Israël dans Son dessein.

Il existe encore un autre segment : la "substitution structurelle". Elle marginalise l’ancien Testament comme ne pouvant plus servir de norme pour la pensée chrétienne. On peut y voir comme une renaissance moderne du marcionisme. Marcion était un hérétique du Second Siècle qui prétendait que les Chrétiens ne devaient plus tenir compte de la Bible hébraïque, mais se focaliser exclusivement sur le nouveau Testament ».

Marcion pensait que si quelqu’un acceptait les deux Testaments, il rendait un culte à un Dieu schizophrène. Il concevait le Dieu de l’Ancien Testament comme (un dieu) de vengeance et de guerre, alors que le Dieu du Nouveau Testament se révélait à travers Jésus comme Dieu de miséricorde et d’Amour ».


Parsons ajoute que beaucoup, dans le monde chrétien, sont incapables de comprendre les paradoxes bibliques concernant, d’une part, l’amour universel de Dieu pour l’humanité, et de l’autre, Son élection souveraine, à la fois des Juifs et des Chrétiens. Beaucoup de Chrétiens ont eu des difficultés avec le paradoxe biblique similaire du "libre-arbitre", contraire à la notion de "prédestination". Mais il fait remarquer que, dans le chapitre 11 de l’Epître aux Romains, l’apôtre Paul dit : "Considérez la bonté et la sévérité de Dieu". Parsons fait observer que ce passage manifeste les deux traits paradoxaux du caractère de Dieu et que la "finesse", pour ceux qui ont la foi, consiste à apprendre à vivre avec l’un et l’autre, même si beaucoup de chrétiens n’y parviennent pas.

« Le problème fondamental de la théologie de la substitution est qu’elle nie la nature immuable de Dieu. La théologie de la substitution accuse Dieu de ne pas être fiable et d’être capable de changer d’avis. Si Dieu avait vraiment changé d’avis, le peuple juif aurait disparu depuis longtemps, à en croire Malachie, chapitre 3. Si l’Alliance avec le peuple juif a été annulée, les Chrétiens doivent aussi s’interroger sur la valeur que peut avoir pour eux la Nouvelle Alliance. Notre vision du problème est que l’on peut ajouter une alliance, mais que cela n’annule pas nécessairement celle qui précédait.

Les chrétiens sionistes sont diabolisés en même temps que les Juifs par quelques-uns des principaux courants des églises qui croient en la théologie de la substitution. Nous considérons comme un honneur d’être aux côtés des Juifs ».

 

La théologie de la Libération


Parsons remarque :

« La théologie de la Libération est une théologie chrétienne de plus hostile à Israël. Elle insiste sur et s’identifie, avec excès, à la figure historique de Jésus – comme opposé au Jésus glorifié d’après la résurrection – afin de répondre aux revendications sociales modernes. Elle perçoit le Jésus historique comme l’archétype du révolutionnaire combattant l’oppression. Dans son cas, il s’agissait de l’oppression romaine ; à présent, cet archétype est instrumentalisé pour justifier les combats contre les présumés oppresseurs d’aujourd’hui – les Israéliens, par exemple.

La théologie de la Libération a pris naissance en Amérique Latine, où certains prêtres catholiques ont essayé de répondre à certains problèmes locaux. Son discours avait des connotations marxistes. Cela a poussé le Vatican à s’élever contre certains aspects de la théologie de la Libération.

Cette théologie a aussi plusieurs versions majeures. La "théologie de la libération noire" a bénéficié de beaucoup d’attention publique durant la campagne présidentielle d’Obama. Jeremiah Wright, le pasteur de son église de la Trinité Unifiée du Christ, à Chicago, est un adhérent de cette version. Le père de la théologie de la Libération noire est le Révérend James Hal Cone, que Wright considère comme son guide spirituel. Wright accueille également dans son église un prédicateur-clé de la théologie palestinienne de la libération, le Révérend Naïm Ateek, du Centre Sabeel de Jérusalem.

La théologie de la Libération se prévaut des enseignements de Jésus pour justifier la violence, à chaque fois que quelqu’un y recourt contre un oppresseur réel ou supposé. Dans le cas des Noirs, elle signifie la lutte contre l’esclavage et la ségrégation. Lorsqu’un théologien de la Libération parle de "Justice", c’est un terme très lourd de sens. Fondamentalement, cela veut dire : "Je veux que tous mes griefs soient résolus, et même alors, je ne suis pas satisfait car je reste l’opprimé, alors que l’autre est toujours l’oppresseur". Ironiquement, c’est tout à fait dans la ligne de ce que beaucoup de musulmans pensent. »

 

La théologie palestinienne de libération

« La "théologie palestinienne de la Libération" est elle-même fondée sur la souffrance des Palestiniens sous [l’autorité d’]Israël. Ses partisans utilisent Jésus comme un exemple historique à imiter, et le considèrent comme le "premier révolutionnaire palestinien". Ainsi tentent-ils de justifier les Palestiniens qui se font exploser pour tuer les "oppresseurs".

Pourtant, aucune théologie chrétienne ne peut prêcher la violence, parce que Jésus a essentiellement enseigné une attitude pacifique. Il soutenait que quiconque vivait par l’épée, devait être prêt à périr par elle. Fondamentalement, Jésus disait : "Je ne suis pas venu pour renverser les Romains ; mon royaume n’est pas de ce monde". La théologie de la Libération perçoit un monde en noir et blanc, dont les opprimés peuvent s’évader par n’importe quel moyen ».


Parsons fait remarquer :

« J’ai vu les soi-disant missions d’étude du Conseil Mondial des Eglises qui venaient en Israël et utilisaient les arguments de la théologie de la Libération pour soutenir les Palestiniens. Au plus fort de l’Intifada, la direction internationale de la YMCA de Genève a envoyé une mission d’étude, qui a fait de même. Quand les journalistes ont objecté qu’ils (les orateurs) travestissaient les faits, la réponse de celle qui était leur porte-parole a été : "Jésus nous a enseigné de prendre résolument le parti de l’opprimé". Ceci constitue une grave distorsion du message du Nouveau Testament.

Les chrétiens palestiniens sont une petite communauté dont la population décroît, mais qui est hautement symbolique dans les territoires palestiniens. Quelques clercs chrétiens exploitent cette valeur symbolique pour soutenir le nationalisme palestinien en altérant et en niant la judaïté de Jésus. En créant un Jésus palestinien, ils minent les racines hébraïques de la foi chrétienne dans le but de servir le narratif palestinien. »

 

Edward Saïd et Jésus le Palestinien.


« Le Professeur Edward Saïd, qui enseignait les études moyen-orientales à l’Université Columbia, a souvent décrit la souffrance palestinienne sous l’autorité des Juifs  en parlant de « ce calvaire sans fin, cette crucifixion permanente ». Ce faisant, il s’inspirait délibérément des motifs chrétiens antisémites. L’analogie de Saïd était que Jésus avait souffert sous les Romains et qu’actuellement les Palestiniens souffraient sous (la domination des) Juifs.

Justus Weiner, du Centre de Jérusalem pour les Affaires Publiques, a révélé les falsifications biographiques de Saïd [1]. Cet universitaire arabe affirme faussement qu’il a dû quitter Jérusalem parce que sa famille avait été expulsée par Israël. En réalité, il a grandi au Caire et n’a fait que des visites occasionnelles à Jérusalem.

Durant quelque temps, l’Ambassade chrétienne a séjourné dans la maison située Square du Chili, dont Saïd a aussi prétendu mensongèrement avoir été expulsé. Invité un jour dans une émission documentaire de la BBC, il avait déclaré : "Voici ma magnifique vieille maison dont j’ai été chassé. Elle appartient désormais à une organisation chrétienne sioniste dirigée par un Sud-africain".

Beaucoup d’ennemis d’Israël présentent cet Etat comme équivalent aux nazis. Saïd ajoutait que les Israéliens sont aussi les successeurs des Romains en matière d’oppression des Palestiniens. Le corps des Palestiniens est aujourd’hui dépeint comme le corps du Christ, à nouveau crucifié sur la même terre. Ainsi, les thèmes classiques de l’antisémitisme chrétien sont mis au service du nationalisme palestinien. C’est de cette manière que, rétrospectivement, on a fait de Jésus un Palestinien. Des universitaires ont noté que le fait de couper la chrétienté de ses racines juives crée de dangereuses opportunités d’infiltration par l’islam, qui a tendance à remblayer l’histoire.

Le Centre Sabeel oecuménique de la théologie la Libération, situé à Jérusalem et dirigé par des chrétiens palestiniens, a organisé une conférence en avril 2005, pour attaquer spécifiquement le sionisme chrétien. Après le décès de Saïd, c’est l’évêque sud-africain anglican, Desmond Tutu, qui est leur dirigeant principal. Comme il n’a pu donner la conférence, ils ont contacté le nouvel archevêque anglican de Canterbury, Rowan Williams, mais celui-ci a décliné la proposition. L’un de ses porte-parole a expliqué qu’il ne souhaitait pas être confondu avec « les voix fausses ». Par contre, il leur envoya une lettre pastorale exposant sa vision d’Israël comme ayant toujours une sorte de relation d’alliance durable avec Dieu, comme une "lumière pour les nations" ; une nation qui constitue un paradigme permettant de connaître la bénédiction et la punition divines. C’était une tentative intéressante de définir la permanence de l’élection d’Israël, de la part d’un théologien protestant libéral, qui a aussi été critique envers Israël. »

 

L’Eglise catholique

« A Vatican II, l’Eglise catholique a répudié la théologie de la substitution, qui faisait partie de son enseignement officiel durant de nombreux siècles. Plus tard, le Pape Jean Paul II a essayé de pousser plus loin et de combler plus encore la brèche entre juifs et chrétiens, visitant des synagogues et en faisant un pèlerinage en Israël, qui incluait une visite au Mur Occidental et à Yad VaShem.

Durant le pontificat de Jean Paul II, le catholicisme a aussi défini l’antisémitisme comme un péché. Il a même fait un pas plus grand encore et déclaré équivalents l’antisionisme et l’antisémitisme, faisant ainsi du premier un péché par extension. Si un catholique dit : "Je ne suis pas antisémite, mais seulement antisioniste", on peut lui répliquer : "vous êtes un pécheur selon la définition de votre propre église".

Le Pape Jean Paul II a aussi appelé les Juifs "nos frères aînés". Cependant, je n’ai pas vu l’Eglise catholique énoncer clairement son point de vue sur la nature de l’alliance permanente entre Dieu et Israël. Même si, dans une certaine mesure, l’Eglise, reconnaît aujourd’hui une certaine espèce de relation d’alliance, sa théologie reste vague sur ce point. Je pense que cette réticence a quelque chose à voir avec la « haute idée » que l’Eglise a d’elle-même, comme organe exclusif de salut dans monde. »

 

Parsons prévient que les conflits théologiques à propos d’Israël dans les Eglises feront rage à l’intérieur du monde chrétien. Quand, récemment, l’Assemblée générale de l’Eglise Presbytérienne (aux Etats-Unis) décida d’annuler sa résolution de désinvestissement [en Israël], c’est à l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey, lui-même pratiquant presbytérien, que les groupes juifs demandèrent d’intervenir, et qui, effectivement, s’opposa [à cette résolution de désinvestissement].

« Les Juifs peuvent avoir des désaccords avec des adversaires chrétiens sur le terrain des faits, de l’histoire, etc. Mais Israël et le monde juif seraient bien inspirés de se tenir à l’écart des débats théologiques entre chrétiens, car certains de ces derniers ne prendront pas les Juifs au sérieux du fait qu’ils ne reconnaissent pas le Nouveau Testament comme une écriture sainte. »

 

David R. Parsons *

Interviewé par Manfred Gerstenfeld

Note

[1] Justus Reid Weiner, " 'My Beautiful Old House' and Other Fabrications by Edward Said " Commentary, September 1999.

 

* David R. Parsons occupe le poste de directeur de la communication à l’Ambassade Chrétienne Internationale de Jérusalem, de producteur chevronné du programme de radiodiffusion Front Page Jerusalem, et de contributeur à l’édition chrétienne du Jerusalem Post. En ces qualités, il écrit et parle sur un large éventail de sujets historiques, stratégiques, politiques et bibliques en relation avec Israël et le Moyen-Orient. Parsons a obtenu une licence d’histoire, en 1981, et un doctorat en 1986, à l’Université Wake Forest. De 1991 à 1995, il a occupé le poste de conseiller général pour le CIPAC, un lobby chrétien pro-israélien, référencé au Congrès, pour promouvoir des relations forte entre les Etats-Unis et Israël.

 

Mis en ligne le 23 février 2009, par M. Macina, sur le site upjf.org

Publié dans DIASPORA

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