ISRAEL : LE RENSEIGNEMENT US ET L'IRAN NUCLEAIRE

Publié le par shlomo

Décoder l’estimation des renseignements américains sur le programme d’armes nucléaires de l’Iran

extrait d'une étude de Gerald M. Steinberg du Jerusalem Center for Public Affairs
Par
Thème : International

Titre original : Decoding the U.S. National Intelligence Estimate on Iran's Nuclear Weapons Program 
Jerusalem issue brief Vol. 7, n°2, 5 décembre 2007

Traduction : Ambassade d'Israêl en france

 

En gras, nous avons rajouté des extraits traduits du rapport de la NIE. (*)

La dernière Estimation américaine des Renseignements (NIE, selon son acronyme anglais : National Intelligence Estimate) a conclu que l’Iran a cessé en 2003 ses efforts actifs pour fabriquer des armes nucléaires, et ne possèdera pas de telles capacités avant au moins 2012.

Alors que la NIE présente avec un « haut degré de confiance » le fait que les Iraniens aient cessé leur programme d’armes nucléaires en 2003, elle déclare également avec un niveau de « confiance moyen » que Téhéran n’aurait pas repris ce programme à la mi-2007, et affirme en tout état de cause ne pas savoir si l’Iran a actuellement l’intention de développer des armes nucléaires. 1

« Nous estimons avec un haut niveau de confiance que jusqu’à l’automne 2003, des entités militaires iraniennes travaillaient sous la direction du gouvernement pour développer des armes nucléaires.

Nous jugeons avec un haut niveau de confiance que l’arrêt [de ce programme] a duré au moins plusieurs années. (Cependant, en raison du manque de renseignements discutés ailleurs dans ce document, le Département de l’Energie et le Conseil National du Renseignement estiment avec un niveau de confiance moyen, que l’arrêt de ces activités représente un arrêt du programme total d’armes nucléaires de l’Iran). »

Au contraire, le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a déclaré qu’alors qu’il est « apparemment vrai qu’en 2003, l’Iran a stoppé son programme nucléaire militaire pour un certain temps », néanmoins, « selon nos estimations, il continue apparemment depuis, son programme de production d’armes nucléaire. » 2

(…) L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a récemment confirmé les déclarations officielles iraniennes : celles-ci affirment que l’Iran a terminé la construction de 3000 centrifugeuses nécessaires à la production de suffisamment d’uranium hautement enrichi pour fabriquer au moins une arme nucléaire par an. C’est aussi sur ce fait que se basent les déclarations des officiels israéliens militaires et du renseignement qui voient l’année prochaine – 2008- comme une année critique pour stopper l’Iran avant qu’il ne franchisse la dernière ligne.

Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer ces différences entre les déclarations [américaines et israéliennes]. Israël, la première cible potentielle d’un Iran nucléaire, ne peut se permettre le luxe de sous-estimer la menace, et par conséquent se fie à ce que les responsables appellent une analyse « du pire ». Ceci signifie qu’Israël se focalise sur les capacités iraniennes plutôt que sur ses intentions, ces dernières ne pouvant qu’être estimées.

Selon cette approche, lorsque l’Iran atteindra la possibilité technologique de produire suffisamment de matériel fissile pour fabriquer une arme nucléaire, il sera considéré comme un Etat nucléarisé, capable de menacer Israël d’annihilation.

Et tandis que les détails des efforts de fabrication de telles armes par l’Iran peuvent être cachés et sont peu susceptibles d’être connus des agences du renseignement, la supposition ayant court est qu’il y a des installations secrètes où cette fabrication a lieu.

En effet, des analystes israéliens ont depuis longtemps alerté leurs homologues américains sur la potentialité d’un programme iranien parallèle de fabrication d’armes nucléaires ; ce programme s’appuierait sur de petits réacteurs nucléaires produisant du plutonium, suivant le modèle nord-coréen. De fait, on sait que l’Iran a construit un tel réacteur à Arak, ce qui laisse augurer d’autres installations non décelées.

(…) L’échelle et le coût du complexe nucléaire de Natanz, ainsi que le réacteur de production de plutonium et les autres installations ne sont pas cohérents avec un programme limité à la production d’uranium faiblement enrichi dans un but énergétique. Cela ne fait aucun sens du point de vue économique.

« Nous estimons que l’enrichissement dans les centrifugeuses est tel que l’Iran pourrait probablement d’abord produire assez de matériel fissile pour une arme, s’il décide de la faire. L’Iran a repris ses activités d’enrichissement en centrifugeuse en janvier 2006, en dépit de l’arrêt continu de son programme de développement d’armes nucléaires. L’Iran a fait des progrès significatifs en 2007 en installant des centrifugeuses à Natanz, mais nous jugeons avec un niveau moyen de confiance, qu’il fait encore face à des problèmes techniques importants pour les exploiter. »

Le rapport de la NIE évoque le programme iranien concernant le plutonium : « Nous jugeons avec un niveau de confiance élevé que l’Iran ne sera pas capable techniquement de produire assez de plutonium pour faire une arme avant 2015. » Mais la NIE prend aussi en considération que de tels matériaux peuvent être importés : « Nous ne pouvons exclure que l’Iran ait acquis de l’étranger – ou acquerra dans le futur- une arme nucléaire ou assez de matières fissiles pour une arme. » 3

(…) Les hauts responsables israéliens voient la menace [iranienne] comme imminente. (…) Il ne faut pas oublier toute l’histoire des dissimulations iraniennes, soulignées récemment par le directeur de l’AIEA, Mohamed el-Baradei.

La NIE a d’ailleurs entraîné les leaders de l’Europe, de la Chine et de la Russie à réitérer le danger qui résulterait d’un Iran ayant une capacité nucléaire militaire.

(…) Le facteur décisif, comme le note la NIE, est que les efforts nucléaires iraniens demeurent dangereux, et qu’il est encore temps d’empêcher ce régime radical d’acquérir ces armes. Combien de temps reste-t-il, ceci est encore sujet à débat.

Notes

En préliminaire, le rapport du NIE explicite les termes qu’il emploie :

« Nous utilisons des expressions telles que nous jugeons, nous évaluons, nous estimons – et des termes évoquant la probabilité tels que probablement et de façon possible – pour apporter des estimations et des jugements analytiques. De telles déclarations ne sont pas des faits, des preuves ou des connaissances. Ces estimations et ces jugements sont généralement basés sur des informations collectées qui sont souvent incomplètes ou fragmentaires. Certaines estimations sont fondées sur des jugements antérieurs. Dans tous les cas, estimations et jugements ne sont pas donnés dans l’intention de prouver que nous avons des « preuves » qui démontrent un fait ou qui lient définitivement deux problématiques entre elles.

(*) Note du traducteur

1. "Iran: Nuclear Intentions and Capabilities," National Intelligence Estimate, National Intelligence Council, November 2007.

2. Steven Erlanger and Graham Bowley, "Israel Unconvinced Iran Has Dropped Nuclear Program," New York Times, December 5, 2007.

3. Siegfried S. Hecker and William Liou, "Dangerous Dealings: North Korea's Nuclear Capabilities and the Threat of Export to Iran," Arms Control Today, Arms Control Association.

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