SYRIE, LIBAN ET ISRAEL

Publié le par shlomo

par David Ruzié
professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

L’établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban a été, une nouvelle fois annoncée, à l’occasion de la récente visite du nouveau président libanais Sleimane à Damas. De fait, ce n’est pas une véritable surprise, puisque la fin d’une situation tout à fait insolite entre deux pays arabes voisins avait déjà été évoquée, le 13 juillet, lors du sommet de l’Union pour la Méditerranée et dans le passé les autorités syriennes avaient, aussi, parfois, évoqué cet établissement.

Il s’agit, en effet, d’un acte tout à fait ordinaire dans la société internationale.

Quand deux Etats se reconnaissent, il est normal qu’ils entretiennent des relations diplomatiques.

Or, précisément, la situation entre la Syrie et le Liban était tout à fait « hors normes ».

Autrefois possessions de l’Empire ottoman, ces deux entités (le Liban étant, pour la circonstance, constituée en tant que tel) avaient été, au lendemain de la première guerre mondiale, placés sous mandat de la France (de la même façon que la « Palestine », également, constituée en entité pour l’occasion avait été placée sous mandat britannique).

A l’automne 1941 ces deux territoires passés sous l’autorité de la France Libre accèdent, nominalement, à l’indépendance. Mais, celle-ci ne sera effective qu’à la fin de la guerre.

Toutefois, la Syrie refusa de reconnaître le Liban, considérant que ses éléments composants faisaient partie de ce qu’il était convenu d’appeler la « Grande Syrie », à l’époque de l’Empire ottoman.

Sans pour autant entreprendre de « reconquérir » des territoires, considérés comme perdus, la Syrie entretint pendant des décennies une attitude ambiguë à l’égard de son voisin.

Tout en maintenant son opposition à la reconnaissance de l’indépendance du Liban, la Syrie n’a, pratiquement, mis fin à cette attitude qu’en mai 1991 en signant un traité de fraternité et de coopération.

Le fait que la Syrie ait été appelée en 1976 par le président libanais (traditionnellement un chrétien maronite) pour porter secours à la communauté chrétienne, menacée d’écrasement par le camp dit « islamo-progressiste » et la présence des troupes syriennes en quelque sorte légalisée par l’accord dit de Taëf, de 1989, conclu dans le cadre de la Ligue arabe, en vue de mettre fin à la guerre civile au Liban, n’avaient mis qu’une sourdine aux prétentions syriennes sur le territoire libanais

Et, en dépit de plusieurs appels du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Syrie n’accepta de retirer ses troupes qu’au printemps 2005, tout en continuant à s’immiscer dans la vie politique libanaise comme l’attestait, encore, récemment, la difficulté pour le Liban de se doter d’un nouveau président, la Syrie étant soucieuse de ne pas voir un opposant à elle succéder au président complaisant Lahoud.

Et ne parlons pas des conditions dans lesquelles le président du conseil de l’époque Hariri a été assassiné, il y a quelques années. Le procès international qui devrait, non sans mal, s’ouvrir dans quelques mois, apportera certainement des détails éclairants sur l’implication de la Syrie dans cet assassinat.

Mais, l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays ne règle pas pour autant leur contentieux, notamment en ce qui concerne leurs frontières.

Car, ainsi que nous l’avons déjà indiqué à plusieurs reprises, ici même, la délimitation des frontières est un facteur de paix et de sécurité, dans la mesure où elles indiquent les limites des compétences réciproques de deux Etats.

Et c’est là que la question d’Israël intervient.

Rappelons qu’à la différence de la situation avec l’Egypte et avec la Jordanie il n’existe pas de traité de paix avec ces deux pays.

Leurs rapports restent régis par l’accord d’armistice signé en 1949.

Un projet de traité de paix israélo-libanais signé, en 1982, par le président Bechir Gemayel ne fut jamais ratifié, au lendemain de son assassinat. La Syrie se manifesta, bien évidemment, contre ce projet qui prévoyait l’évacuation de toutes les troupes étrangères, donc également syriennes.

Et avec la Syrie, on n’en est toujours qu’à des pourparlers indirects, entamés périodiquement et qui butent toujours sur la question du Golan, alors qu’il n’y a pas de contentieux territorial, à proprement parler, avec le Liban, mis à part la question dite des « fermes de Chebaa », qu’Israël occupe, mais en tant que territoire syrien.

Or, à différentes reprises, également, y compris devant le Conseil de sécurité, les Libanais ont déclaré que la Syrie, si elle reconnaît désormais que les fermes de Chebaa font partie du Liban, refuse de signer les documents nécessaires pour le transfert de ce territoire de 42 kilomètres carrés au Liban, afin que les Nations Unies le reconnaissent comme tel.

Et, il y a quelques jours à peine, le ministre syrien des affaires étrangères a répété qu’il était hors de question de délimiter la frontière dans la zone des fermes de Chebaa, aussi longtemps qu’elles seraient occupées par Israël.

C’est évidemment un prétexte, car, au contraire, cette délimitation mettrait, au moins, un terme au faux problème soulevé par le Liban à l’égard d’Israël, alors que les troupes israéliennes ont, depuis l’été 2000, comme l’ont reconnu les Nations Unies, évacué l’intégralité du territoire libanais.

Et nous avons là une preuve supplémentaire que ce n’est que face à la question d’Israël que les Etats arabes arrivent à être d’accord.

Publié dans INTERNATIONAL

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