LA GUERRE MEDIATIQUE AU LIBAN

Publié le par shlomo

Dossier spécial sur la guerre médiatique au Liban – troisième partie

Plus le mensonge est flagrant, moins son auteur est crédible : avec sa nouvelle campagne, le Hezbollah se contredit

Le journal algérien « Ech-Chorouk » perd ses repères journalistiques et son sens de la critique

mercredi 30 avril 2008 - 23h14, par Khaled Asmar

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Poursuivant sa campagne de propagande, à travers le « spécialiste » du dossier libanais à « Ech-Chorouk », le Hezbollah semble chercher crédit auprès des lecteurs arabes qu’il perd au fil des jours au Liban.

En effet, après un premier mensonge relatif au « meilleur agent du Mossad israélien », le Premier ministre libanais Fouad Siniora, accusé d’avoir assassiné Rafic Hariri, puis un second relatif à la présence d’officiers israéliens, saoudiens et jordaniens à Beyrouth, qui assurent la protection du clan Hariri, mais qui, en attendant d’assassiner les chefs de la Résistance et du Hezbollah, s’emploient à tuer les responsables de la Majorité qu’ils sont censés protéger, voici le correspondant du journal algérien Ech-Chorouk, Walid Arafat, qui affirme que « l’organisation Al-Qaïda arme des dizaines d’Algériens pour combattre le Hezbollah ».

Dans un article publié le 30 avril 2008, Arafat s’appuie sur les déclarations du N°2 d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, qui menace la FINUL, et sur un article du quotidien libanais « Al-Akhbar » (du Hezbollah), datant du 3 avril, qui évoque la présence de dizaines de cellules d’Al-Qaïda au Liban, pour affirmer que « l’organisation de Ben Laden dispose d’une large implantation au pays du Cèdre ». Arafat ajoute que « ces cellules sont chargées de poignarder la Résistance dans le dos, à la place des Israéliens et des Américains ».

Arafat attribue à une “source libanaise digne de foi”, sans l’identifier, des informations selon lesquelles « les Américains ont armé les radicaux d’Al-Qaïda, à travers un Etat arabe du Golfe et ses alliés libanais au pouvoir. Ces cellules ont proliféré au Liban bien avant l’apparition du Fatah Al-Islam au camp palestinien de Nahr El-Bared. Depuis le Liban, des djihadistes de nationalités différentes (des Algériens, des Tunisiens, des Marocains, des Jordaniens et des Saoudiens) se sont déployés dans plusieurs pays de la région et d’Europe, afin de commettre des attentats et des assassinats sur commande. Forts du soutien de l’Etat du Golfe et de la complicité du gouvernement libanais, ce courant radical s’est rapidement développé dans certaines régions libanaises ».

Arafat s’étale également sur « les ramifications de ces réseaux en France, en évoquant les enquêtes de la police et de la justice françaises sur la filiale irakienne, qui a conduit certains islamistes de l’Hexagone dans des camps d’entraînement au Liban ».

L’auteur ajoute que « l’organisation Al-Qaïda en Irak a déjà critiqué le Hezbollah au Liban, en utilisant des termes méprisants et humiliants pour son secrétaire général Hassan Nasrallah, et considérant que le Hezbollah constituait un obstacle majeur devant le développement d’Al-Qaïda au Liban et contre la libération de Jérusalem. Cette hostilité déclarée fait d’Al-Qaïda l’ennemi principal du Hezbollah, devant l’entité sioniste ». Pour Arafat, « dès que les conditions locales, régionales et internationales auront été réunies, et dès que les aides nécessaires lui auront été envoyées par ses parrains du Golfe et par les Américains, Al-Qaïda passera à la phase suivante et s’attaquera au Hezbollah ».

Ensuite, Arafat évoque « une alliance contre-nature qui a été scellé entre les radicaux d’Al-Qaïda et une partie des Chrétiens », rappelant que la libération de Samir Geagea en 2005 était conditionnée par celle des intégristes de Mejdel Anjar (Bekaa) et de Denniyé (Nord), qui avaient été condamnés pour terrorisme. L’auteur ajoute que « dès sa sortie de prison, Geagea s’est rendu à Paris pour rencontrer des officiers israéliens et coordonner la future guerre, en collaboration avec un régime arabe du Golfe qui, bien qu’ébranlé, compte sur une telle guerre pour se maintenir ».

Arafat s’interroge sur la possibilité que « l’entrée d’Al-Qaïda dans une telle guerre réussisse à mobiliser les sunnites contre les chiites ? Ou au contraire, que le Hezbollah réussisse à éradiquer ces extrémistes et à débarrasser tous les pays arabes de ce fléau terroriste qui les menace ? »

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Après cet exposé, fondé sur des supputations, il est légitime de s’interroger sur certains faits réels, et d’en rappeler d’autres, qui ont longtemps fait l’actualité au Liban et dans la région :

Il est étonnant que ces accusations, attribuées à des “sources dignes de foi”, et jamais identifiées, interviennent après des révélations sur la présence des chefs d’Al-Qaïda en résidence surveillée en Iran, et sur leur exploitation par Téhéran contre les régimes adverses, notamment contre l’Arabie saoudite. (Lire à cet égard la complémentarité entre le Hezbollah et Al-Qaïda).

Il est tout aussi étonnant de voir qu’Al-Qaïda recrute des Algériens pour le Liban, alors que son combat en Algérie est loin d’être gagné, et où le maquis a le plus besoin de combattants.

Il est saisissant de lire que les Américains, qui ont perdu plus de 4.000 hommes sous les balles d’Al-Qaïda en Irak, et qui sont engagés contre la même organisation en Afghanistan, puissent sciemment les armer au Liban, au moment où Ben Laden et Zawahiri décrètent une guerre globale contre les “Croisés et les Juifs”.

Il est surprenant que les attentats commis contre des responsables de la Majorité libanaise, celle-là même accusée de protéger Al-Qaïda, puissent être attribués à cette dernière, alors que ses objectifs sont de combattre le Hezbollah !

Il est dangereux de travestir la réalité dans l’affaire de la libération de Samir Geagea. Celui-ci avait été emprisonné dans plusieurs affaires qui lui avaient été attribuées, comme l’attentat contre l’église “Notre Dame de la Délivrance” de Zouk (février 1994), un attentat qui avait été fomenté de toutes pièces pour permettre à l’occupant syrien d’ouvrir les dossiers du passé et écarter Geagea de la scène politique (avec le Patriarche maronite, Geagea était et reste le seul à rejeter toute concession à la Syrie). Ce fut alors un procès politique par excellence dans l’assassinat de Dany Chamoun (1990) et de Rachid Karamé (1986). Or, pour libérer Geagea, il aurait fallu une grâce accordée par la famille Karamé. Celle-ci, représentée par l’ancien Premier ministre Omar Karamé (Tripoli), l’un des alliés de la Syrie, a conditionné cette libération à celle des extrémistes de Mejdel Anjar et de Denniyé. Les affabulations de Walid Arafat sont ainsi sans objet. Il convient de rappeler que deux jours avant le vote de la grâce par le Parlement libanais fraîchement élu et résolument anti-syrien, le ministre de la Défense, Elias Murr, avait miraculeusement échappé à un attentat, le 12 juillet 2005. L’attentat devait être attribué aux extrémistes de Mejdel Anjar qui avaient promis de venger l’un d’eux, mort en prison alors que Murr était ministre de l’Intérieur. En voulant assassiner Murr, les auteurs de la tentative visaient à incriminer les extrémistes, pour empêcher le Parlement de leur accorder la grâce et pour maintenir Geagea en prison. En occultant ces données, Walid Arafat tente de travestir la vérité, mais perd toute sa crédibilité. Avec lui, ses commanditaires qu’il est censé défendre perdent leurs derniers masques.

Les commanditaires de Walid Arafat ne sont pas à leur premier mensonge. Rappelons que c’est Hassan Nasrallah qui avait tracé des lignes rouges à l’armée, la sommant de ne pas combattre ni éradiquer le Fatah Al-Islam. Rappelons aussi que les combattants de ce groupe sont parvenus à Nahr El-Bared en provenance de la Syrie, ou en transitant par ce pays. Rappelons aussi que les transferts des terroristes, vers l’Irak ou le Liban, passent exclusivement par Damas. Comment alors peut-on croire à ce “torchon” de Walid Arafat ?

Enfin, rappelons que dans son enregistrement de janvier 2008, Chaker Al-Abssi, le chef du Fatah Al-Islam, un pur produit syrien, avait vivement critiqué et menacé Samir Geagea et les chrétiens de la Majorité. Comment peut-on alors croire à une alliance entre les deux tendances ?

Cette succession de mensonges est lourde de conséquences, et il est légitime de s’interroger sur ses finalités. En effet, en conjuguant les propos de Walid Arafat sur l’armement d’Al-Qaïda au Liban avec la médiation turque entre Damas et Tel-Aviv, on peut déduire que la contrepartie de toute paix entre la Syrie et Israël serait la neutralisation du Hezbollah par les Syriens. De ce fait, la Syrie ne peut que se réjouir de la présence d’Al-Qaïda aux portes du « Hezbollah-land ». Mieux encore, cela confirme que Damas a favorisé l’implantation des radicaux dans le pays et y a fortement contribué pour les exploiter, le jour venu. L’autre conséquence, non moins dangereuse, est que le Hezbollah puisse chercher, à travers ces mensonges, à justifier a priori des attaques et des attentats qu’il pourrait projeter contre la FINUL ou contre la Majorité. Il lui sera désormais facile de les faire revendiquer, à l’avance, par Al-Qaïda.

En conclusion, plus le mensonge est grotesque, plus son auteur a du mal à le cacher.

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Khaled Asmar - Beyrouth

Publié dans MONDE ARABO-MUSULMAN

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